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20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 23:33

 

 

     A mon boulot de formatrice, on se réunit régulièrement, une matinée toutes les trois semaines ou presque; pour discuter de sujets divers – intervisions, homogénéisation des tâches, etc. Parfois, c’est pour nous faire sermonner par l’informaticien parce qu’on fait péter le serveur en toute innocence… je m’emmerde superbement à ces séances, la plupart du temps. Je risque parfois un sudoku ou une grille de mots croisés, c’est pas trop discret, donc je tente de faire passer le message qu’étant de tendance légèrement hyperactive, ça m’aide à me concentrer sur la discussion en cours.

 

C’est d’ailleurs vrai.

 

 

Avec une collègue, on a des discussions qui me plaisent bien, la première que nous avons eue d’ailleurs portait sur le besoin de gribouiller en écoutant un conférencier, pour mieux le suivre.

 

On s’est aperçues qu’on fonctionnait de manière proche, c’est-à-dire que pour avoir la paix en société, on jetait des nonosses aux gens, des lieux communs de phrases, des faux-semblants d’adhésion aux valeurs communément admises des groupes où nous évoluons  – en particulier, notre lieu de travail.

 

 

Ce qu’on a en commun, c’est que ni elle ni moi n’avons choisi de devenir des soignantes. Et aussi, que par rapport aux valeurs tacites de notre milieu professionnel, nous nous sentons en décalage.

 

 

On n'est pas meilleures ou au-dessus ou je ne sais quoi d'autre, on est juste "à-côté" . Et je me sens un peu moins seule.

 

 

 

     Donc ça urge pour moi de mettre fin à tout collaboration dans le domaine des soins, car ce que j’ai pu tâter dans mon autre sphère professionnelle, la documentation, m’a fait progressivement apprécier un tout autre panel de moyens, de manières de travailler, de valeurs ayant trait à la gestion d’entreprise : marketing, ressources humaines, lois de l’offre et de la demande, publicité et recherche de publics potentiels.

 

Non, ce n'est pas sssssâââle.

 

 

Ce sont des domaines et des valeurs qui me paraissaient politiquement incorrects tant que j’étais dans les soins, dont les collaborateurs souffrent généralement des décisions prises par les affreux gestionnaires…  collaborateurs qui  très généralement prônent des valeurs réputées plus « humaines ».

 

Je me suis aperçue que les matières que j’étais obligée d’étudier m’interpellaient, et j'ai raccroché mes wagons à une vieille analyse graphologique mettant en évidence ma facilité pour les relations à la clientèle... et trouve sa résolution aujourd'hui dans mon attirance pour l’entregent en audit et le service à clientèle en matière d’information documentaire. Elle m'avait d'ailleurs choquée, à l'époque, cette analyse... je voulais changer de métier, mais je rêvais encore de pouvoir le faire sans en repasser par de nouvelles études: j'envisageais donc la psychomotricité. Désir et peur du changement...

 

 

     De surcroît, de plus en plus souvent, je me sens inconfortable au milieu de beaucoup de mes collègues soignants, surtout des gens portés à soutenir les projets altermondialistes, maisons de paille, petits commerces équitables et Cie. Favoriser l’achat de produits du tiers-monde, juste parce qu’ils viennent du tiers-monde, me paraît au fond une insulte à leur qualité. Tout comme la parité me paraît d’une connerie stratégique insurmontable, et une mauvaise manière de penser arriver plus vite là où nous allons de toute façon, mais en sacrifiant nombre de femmes pas tout-à-fait prêtes pour le rôle auquel on les destine…

 

« C’est super, c’est chouette, c’est cool », j’aimerais voir ces vocables remplacés par « Ca tient la route, c’est crédible, solide, engagé ». Je voudrais que ça aille quelque part, non pas mû par le moteur de la pitié ou du colonialisme nouvelle vague, mais parce que du matériau de bonne, voire d’excellente qualité rencontre des investisseurs aventureux.

 

      Je commence à trouver pesant de devoir surveiller ce que je dis: certaines remarques qui me font considérer comme une personne attentive à la réalité chez les documentalistes, font sursauter mes collègues soignants. 


Et je pense en particulier à cette tendance à prendre les choses normales qui ont cours au sein de l'institution que nous servons (la limitation des visites au web, par exemple) comme des attaques contre l'équipe des formatrices, voire une volonté inconsciente de saborder le centre de formation en entier; je pense à quelqu'un qui réinterpréte ce qu'autrui lui dit (et qu'elle demande qu'on lui explique!)  de manière à repousser la vision qu'on lui propose, bien loin des principes d'écoute, de reformulation et de "métabolisation" des différences.


Ou encore un autre, qui s'offusque que je puisse penser que, nolens volens, la recherche d' "humanitude" ne met personne à part, et qu'on n'est pas au-dessus de la très laide action de transmettre certains académismes de la profession.... alors que le fait de donner un cours porte, en soi, une structure qui rassure les participants, en les aidant à mettre en ordre ou à compléter leur boîte à outils; de ce fait, avant de vouloir ouvrir les possibilités, doit prodiguer une colonne vertébrale à la volonté du participant, qui pourra décider ensuite de se distancier quand il se sentira assez autonome.


Les beaux discours invitant les apprenants à se laisser déstabiliser me semblent autant de coups de brosse à reluire sur notre ego de formateurs, surtout quand on ne peut assurer les arrières et les réceptions difficiles sur un matelas idoine. Il faut faire avec la réalité de ce centre de formation, qui compose lui-même avec des partenaires-clients: son offre doit s'adapter au marché.


Et aucune indignation au sujet de la suppression de deux jours d'observation de terrain ne pourra contrebalancer le fait, très réel, que nos secrétaires sont en burn-out, que si l'administratif ne peut suivre pour organiser ces stages, la crédibilité du centre en pâtit. Et que la nostalgie du temps des vaches grasses n'est pas la priorité de ce qui reste, malgré tout, une entreprise à gérer; avec des budgets, des échéances et des parts de marché... et des paies intéressantes pour les formateurs, une liberté de s'organiser assez sympathiques.

Merci à la culpabilité du soignant... Je peine à comprendre par exemple pourquoi une proposition de reprendre du boulot à quelqu'un qui se prétend surchargé ne rencontre pas d'écho, sinon par le fait qu'un certain pouvoir est lié à l'indispensabilisme qu'on cultiverait ainsi? Qui soigne qui, on se le demande.


     Pour revenir au rôle de formateur "ouvert", je suis assez dubitative en général sur les systèmes d'enseignement alternatifs, quand ils privent les enfants et les ados de se confronter à des règles de société qu'ils vont devoir subir toute leur vie comme adultes... souvent pour que leurs parents puissent prendre revanche sur un système qui les a brimés. Ce n'est pas donner les meilleures chances à son gamin que de le faire vivre en univers parallèle jusqu'au moment où il va devoir se plier aux règles extérieures avec la violence que cela suppose de passer de l'un à l'autre. Et la créativité, à mon avis, surgit souvent de la révolte contre la contrainte vécue pendant nos premières quinze années sur Terre. Une psy me disait qu'elle avait tout fait pour protéger ses enfants et être le contraire de sa propre mère, et qu'elle les trouvait à présent démunis devant leur rôle de parents, quand leurs propres gosses menaient leur parcours de mouflets normaux, avec oppositions, comportements "difficiles" et Cie; en somme, ce que fait tout enfant qui cherche des limites pour se construire!

 

 

     Je repense à un groupe de travail à mon boulot de formatrice, qui s’est déroulé de manière lamentable à mon sens, moi qui me suis habituée à la Haute Ecole de Gestion à remplir des mandats pour des clients externes, avec ma petite équipe d’excellentes co-étudiantes. On y pratiquait le GT avec bonheur, rondement, en suivant des règles aussi souples que des ressorts ; on se désignait une contrôleuse du temps, une preneuse de notes, une médiatrice qui veillait à faire parler tout le monde, à faire le tour des attentes, à dégager des objectifs concrets. On se lâchait en brainstormings laissant fleurir la créativité de chacune, puis on choisissait des solutions, parfois écœurantes de simplicité, mais en accord avec certaines idées de décroissance, dégageant des objectifs simples, mesurables, adaptés, réalisables y compris dans le temps imparti.

 

Pour ce groupe de travail qui m’a plongée dans la stupéfaction puis la colère, rien de tel : aucune préparation préalable en regard de la raison qui avait poussé les formatrices à se réunir. Avec comme résultat un débat assez distancié, sur des concepts de "transversalité", et en cadeau-Malux la nécessité de reprendre rendez-vous pour une deuxième séance vu qu’on n’avait abordé que la moitié des thèmes ; à ma demande, en fait, car j’étais venue chercher des solutions, des idées… et que je n’avais rien dans les pattes concernant la problématique de départ: comment se donner les moyens de ne pas foutre à la porte un participant désagréable/ivre/leader négatif/qui lit le journal ou converse par SMS... Ca, nom de guieu, c'était pourtant du concret!  Ce qui a achevé de me mettre en rage sourde, c'est d'apprendre qu'en plus, ce cours allait être donné encore deux fois, puis tomberait aux oubliettes : quoi, moi qui travaille à mi-temps, on me bouffe une journée complète pour... ça?

 

Et à cette deuxième séance, commençant comme la première avec vingt minutes de retard  - "parce que, cool, Clémentine, stresse pas les autres avec ton propre stress" (???) -  résolue à ne pas en sortir sans retirer quelque chose de palpable pour moi, je me suis opposée à son déroulement à nouveau aléatoire. De sorte que j'ai glissé vers le rôle de perturbatrice : moi qui trouvais ma manière parfaitement fonctionnelle et correcte en regard de celle du groupe, moi qui réclamais régulièrement des explications quant à des règles tacites que je ne connaissais ni ne comprenais, j’ai été désignée comme la personne à la communication dysfonctionnelle, rien moins…

 

Rôle que j’ai refusé d’endosser, en reprenant la discussion de manière diverse avec chacune.

 

Il en résulte que je constate que je ne vais pas faire virer ce transatlantique à moi toute seule; ce qui va durer encore longtemps, c'est le chaos, reflet du chaos administratif selon certains - ce avec quoi je ne suis vraiment pas d'accord, car ce désordre est constitutif de cette équipe, je finis par le croire.

Et comme cela ne m’intéresse pas… me barrer est la meilleure solution.

 

 

     Je vais aller dysfonctionner avec des gens qui dysfonctionnent de la même manière que moi, ce qui nous paraît, à nous… très fonctionnel. Bref : je vais rejoindre un autre asile de fous, où on se rebrossera l'ego parmi, oué, na.

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7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 10:33

 

 

      Même pas envie de commencer par une formule d’avertissement du genre « Ames sensibles s’abstenir », ce serait déjà s’excuser à moitié d’aborder le sujet. J'ai bien failli d'ailleurs, me reprenant juste à temps!

 

Et c’est marre de sentir quand même cette pulsion sourde à considérer le sujet des règles comme plus politiquement incorrect que celui du sperme. D’un côté, l’inavouable ; de l’autre, la gaudriole ? Nan-nan, basta avec ça. Liquides corporels, et c’est tout. D’ailleurs, au nom de quoi je ne sais pas trop finalement… pourquoi la morve, l’urine, le caca, la bile, les larmes, la sueur, les règles, tout ça devrait être presque nié ? A l’exception de l’éjaculat, glorieuse manifestation bien au contraire ? Même la mouille féminine trouve difficilement à être nommée : le seul mot non-scientifique qui me vienne à l’esprit est celui-là,  et déjà suspect de pornographie, quelque part.

 

Je ne connais bien et intimement que mon cas… et par ouï-dire, beaucoup de cas de femmes que j’ai côtoyées comme amies, collègues, clientes de mes services d’infirmière et de sage-femme. C’est donc principalement de moi que je vais parler, hé oui, à quoi sert un blog sinon à se pencher égocentriquement sur ce à quoi le monde environnant nous renvoie de manière personnelle ?

 

      Avoir ses premières règles : vague sentiment de promotion, mais aussi de la gêne paternelle, qui laisse le soin à son épouse de gérer ce qu’elle connaît. Avant ça, j’étais déjà bien renseignée par les soins de ma mère, qui avait décidé que la surinformation était le nec plus ultra de l’éducation de ses filles. Un beau matin, ma sœur se lève en me soufflant au passage son inconfort, encore non-identifié. Une fois la chose comprise et désignée, je lui ai demandé de me montrer à quoi ça ressemblait : des traînées brunes dans son pyjama, ha bon. Les jours suivants, dûment empaquetée dans les super pattes-à-cul de l’époque, je la voyais se réajuster constamment et le plus discrètement possible : imaginez que les serviettes hygiéniques de l’époque, épaisses de deux bons centimètres, n’avaient que depuis peu le confort de bandelettes autocollantes… Je salue au passage les générations de femmes qui se sont fait prodigieusement chier avec des épingles doubles dans la culotte et autres joyeusetés. Essayez d’être discrète avec tout ce binz à caser dans des sous-vêtements… je me souviens encore avec un désagréable frisson d'une spécialité caoutchoutée, une espèce de super-culotte étanche, avatar des couches de bébé. Une horreur, ça blessait le pli entre la cuisse et les grandes lèvres, ça macérait…

On était déjà chanceuses : on pouvait jeter les serviettes usagées. Ma mère se souvient d’avoir dû nettoyer les siennes, hé oui, on les relavait, et pas à la machine, ça n’existait pas encore !

 

J’ai été réglée très tard, à quinze ans. Une chance dont je me suis rendue compte longtemps après: j’ai pu mener une certaine vie de garçon manqué insouciant, à part le fait que mon entourage s’inquiétait discrètement.

 

Mais d'abord, le début de mes seins : vers mes quatorze ans, un jour je me suis mise à avoir très mal pendant une journée entière à ce qui allait devenir mon sein droit, m’en plaignant aux femmes de ma famille, qui sont restées perplexes. Un mois plus tard, même topo à gauche… Et en quelques semaines, ma poitrine naissait. C’est ainsi que la sève monte aux bourgeons, il faut croire. C’est seulement bien des années ensuite que j’ai entendu relater des expériences désagréables du même type : un tabou, je suppose… A présent, je crois que c’est évoqué dans la littérature médicale, comme un accident des plus normaux dans la mise en route de la puberté.

Avant ça, certains délicats camarades de classe avaient emboîté le pas au plus fin d’entre eux, le meneur, et me surnommaient « la planche à repasser ». Le jour où cet idiot-mais-pas-méchant - mon voisin de table de surcroît - s’est aperçu que ça pointait sous le t-shirt, il ne s’est pas privé de me glisser une remarque toute en dentelle, comme d’habitude… J’ai eu assez de présence d’esprit pour lui rétorquer « Jaloux ? Tu voudrais bien en avoir des comme ça, hein ?», ça lui a coupé la chique. Comme j’avais de bonnes notes sauf en maths, que ma culture de l’époque surpassait largement la moyenne vu que les livres me passionnaient et que je lisais tout ce qui me tombait sous la main et que tout ça m'assurait déjà un peu de son repect (lui qui ne foutait rien et peinait à réussir ses semestres), il s’est mis tout-à-coup à me considérer avec un autre type de bienveillance. Qui ne devait rien à mon potentiel de séduction (oh, funeste moment de disgrâce prolongée, moches lunettes et bagues dentaires…), mais à l’affirmation de mon identité sexuée. Ah, enfin, on s’y retrouvait, Clémentine était bien une fille.

 

 

      Mes premières règles ont décidé d’arriver juste avant un week-end de stage d’arts martiaux – j’avais déjà bien réfléchi, et j’avais pris la décision de passer tout de suite aux tampons, vu la vie sportive que je menais et le peu d'envie que j'avais de me retrouver pour ainsi dire langée. Evidement, peu expérimentée, j’ai cru avoir mis en place l’obé, alors que la douleur de l’introduction du machin avait eu raison de mes efforts à mi-course. Résultat, au premier kata, j’ai senti le bidule faire « floup » dehors, et j’ai précipitamment rejoint le bord du tatami pour saluer et me ruer au vestiaire. C’est seulement quand je me suis retrouvée sans ma jupe de samouraï, ni pantalons, ni culotte et en train de tenter de réintroduire un autre tampon… que je me suis aperçue que la porte du vestiaire s’était rouverte, me laissant à la vue du Sensei qui avait discrètement détourné les yeux.

Bref, j’ai fini mon week-end tant bien que mal, mettant moins de cœur que d’habitude à travailler mon « ki » dans mon « hara » : outre la peur de répéter le malheureux épisode, quelque part dans mon ventre une zone jusque là inconnue signalait sa présence. Douleur sourde, sensation de plomb. Crispation de caractère, aussi: avoir mal rend moins sociable, vous avez aussi remarqué?

 

Les années suivantes, j’ai appris à gérer le tout, tâtant tour-à-tour des divers tampons sur le marché; mais pourquoi j’ai longtemps résisté aux contre-douleurs, je ne le sais pas vraiment. Peut-être parce que les médocs de l’époque ne faisaient pas vraiment effet, qu’ils étaient ignobles au goût, que la fatalité ambiante et la résignation de celles que je consultais s’en mêlaient… alors qu’aujourd’hui la panoplie est plus large : on sait que ce qui marche le mieux contre les douleurs des règles, c’est le même type de substance que celle qui marche contre les douleurs dentaires –  une histoire de similitude de tissus, de nature muqueuse.

En attendant, une bouillotte faisait l’affaire pour la demi-journée où j’avais trop mal; le flot s'accélérait, comme chaque fois que j'en arrivais à prendre un bain chaud pour me détendre, quand les petits moyens de suffisaient plus.

 

      Un jour par mois environ – car j’ai quand même eu une fois un cycle qui a duré 40 jours, suivi d’une débâcle terrible et de souffrances à se rouler par terre – l’humeur était à la crispation, juste parce que j’avais mal. Pas de tristesse ou de mélancolie, juste mal.

 

 

De 15 à 40 ans, cycles réguliers, naturels, seulement ce jour d’inconfort où avec quelques calmants je pouvais quasiment ignorer la douleur… et une semaine à me soucier d’avoir sous la main le matériel nécessaire pour me changer et garder mon linge propre : tampons, petites serviettes, lingettes.

A propos des lingettes : je crois que j’ai été intoxiquée par ce que je pense être une valeur familiale ou même de société, au sujet de la présupposée mauvaise odeur des règles. Je pense que ça ne sent mauvais ni plus ni moins que quand on a passé une journée entière dans les mêmes vêtements, à transpirer, à aller faire pipi quelquefois en s’essuyant un peu trop distraitement et que ça fleure l'ammoniac - ce qui arrive aussi aux hommes...

Il y aurait dans le sang menstruel des bactéries spéciales, proliférant plus vite et plus malodorantes que dans le sang de la circulation cardio-respiratoire ? J’en viens à penser que ce sont des billevesées, le résultat faussé de l’opinion au sujet des menstruations, et un moyen détourné pour inciter les filles à une hygiène rigoureuse, à ne rien laisser au hasard, à faire comme si de rien n’était ces jours-là. Encore maintenant, la pub’ envoie le message de la discrétion, de l’ange-qui-passe… Benoîte Groult, dans « Ainsi soit-elle », parlait dans les années 70 de ces réclames qui laissent au mieux gonfler un tampon dans un verre d’eau, sans afficher la couleur de ces jours pourtant inratablement écarlates… Même de nos jours, les serviettes et les tampons vantés n’osent pas aller au-delà du bleu ou du vert. Bref, c’est comme si un carton était affiché sur la porte : ne pas déranger. Que ça reste entre nos serviettes et nous, sans déborder... Sous-entendu, ne pas faire chier les autres avec notre sang, notre indisponibilité, nos fluctuations d’humeur, nos besoins d’avoir un endroit pour mener nos petites affaires, vu qu’en plus nous n’avons pas de pratique petit robinet pour pisser sans ambages en tournant juste le dos à l’assemblée.

 

Les pisseuses. Ce vocable fleure bon une certaine condescendance à l'égard du sexe dit faible ; qui pleure, coule, n'a pas d’érection ferme ni défaillante, mais voit la plupart du temps de sa vie du liquide s’écouler de sa fente, accompagné paraît-il de la nostalgie de ne pas être enceinte, encore ce mois-ci – papa Freud, vraiment, là… quel doigt tu t’es fourré dans l’œil. Et pourtant le mâle pisse aussi, alors quelle drôle d’idée de nous appeler comme ça…

 

 

 

Mes règles, signe de mon appartenance à un genre réputé privilégié de pouvoir donner la vie. Jamais je ne suis entrée dans ce mood : pour mettre en route un bébé, que je sache il faut un don de sperme, au moins. Le seul truc que mon homme ne peut pas faire, c’est porter le bébé. Alors déjà, don pour don, on n’est pas auto-suffisantes. Et bof, l’air confit de bonheur que certaines abordent, voire leur désinhibition, ça me gave : je me souviens d’une femme, certes belle et épanouie, qui était sortie carrément à poil du petit vestiaire qui donnait directement dans le cabinet de consultation prénatale; cheveux défaits, glorieuse, provocante, nous regardant avec défi… La gynéco et moi on l’avait renvoyée se rhabiller le haut, histoire de la faire redescendre sur terre. Être enceinte n’autorise pas à l’exhibitionnisme, même s’il se prétend innocent. Imprégnation hormonale? Soit.

Mais aussi, je continue à trouver terrible le spectacle des jeunes mères quand le baby-blues survient, faisant craindre la dépression du post-partum, et menant certaines à tuer leur nouveau-né. Désimprégnation hormonale, et voilà le revers de la médaille de la gloire: outre le fait que la grossesse est un tour de force car un état continu de rééquilibrage hormonal pendant 9 longs mois, c’est une prouesse de l’espèce si  nous n’en crevons pas, au vu des maladies qui peuvent se déclarer et nous mettre à vie en santé précaire.

Hypertension, diabète, dépression… quel lot, décidément. Hémorragies fatales, septicémies, vagins distendus et cicatrices périnéales qui changent pour toujours les sensations érotiques, voire nous laissent incontinentes  totales… Restons réalistes, hein. Devenir mère, non, c’est pas forcément merveilleux, ou accomplissant en soi. Mais il reste qu’encore de nos jours, on peut entendre cette fine remarque qui se veut rassurante, quand on évoque d’intimes problèmes : te fais pas de souci, en général ça s’arrange avec le premier enfant. La belle jambe que ça me fait, dis donc… j’osais pas rétorquer que ça ne me tentait pas autrement, donc je n’arrivais pas à demander quelles autres solutions s’offraient à moi. Et je restais avec le sentiment que le médecin était passé à côté de ma problématique… Pire: que j'avais un problème, avec ma non-envie de grossesse.

 

Entretemps, j'avais eu quelques lectures féministes bienvenues pour remettre certains préjugés à leur place: Benoîte Groult bien sûr, mais aussi Germaine Greer, puis bien plus tard Elisabeth Badinter. Les lingettes étaient toujours bienvenues, mais un jour j'ai reléché sur ma main ce sang qui sortait de moi, histoire de dégommer toute idée reçue sur son essence: si je n'avais jamais hésité à sucer un doigt blessé, pourquoi ne pas goûter le sang de mes règles? Après tout, ces deux liquides étaient de même nature, c'est moi qui avais su les fabriquer, et en quel honneur n'étaient-ils pas aussi respectables et porteurs de vie l'un que l'autre? Je n'irais pas jusqu'à dire que ça été facile à goûter, mais symboliquement c'était un progrès immense: bonjour, mon sang, honneur à toi, tu es puissant porteur de vie et je te salue respectueusement.

 

      40 ans : apparition de caillots gélatineux dans les écoulements - un truc de famille, apparemment. Irrégularités des cycles, que je tente de soigner par homéopathie. Le spécialiste que j’ai consulté a bien sûr voulu me décontaminer de tous les accidents et maladies de ma vie, tout en niant mon propre diagnostic de préménopause; une année a passé avec ma frustration qui grandissait. J’ai beau être sage-femme, les divers médecins que je consultais se réfugiaient derrière les statistiques, regardant  un peu de haut mon obstination à penser que "ça" pointait le bout de son nez. Ils se voulaient sûrement rassurants... mais je ne demandais pas à être rassurée, juste à être considérée comme partenaire de ma propre prise en charge.

C'est pourtant le corps médical qui dit que le processus peut durer une dizaine d’années, qu’aucune ménopause ne ressemble à une autre, et qu'elle peut s'amorcer dès la quarantaine. Et je connais des femmes pour qui cela a duré 4 mois. D’autres chez qui ça s’est arrêté un beau jour, d'un coup d'un seul après des cycles réguliers. Encore d’autres qui ont développé une déprime sournoise, grandissante, souvent diagnostiquée comme purement psy : syndrome du nid vide, sensation d’être inutile vu que l’on ne peut plus faire d’enfant… et c'est reparti pour les petites cases.

 

Pour ma part, un jour de grogne par mois, ça a été mon lot pendant 25 ans. Je n’ai pas vraiment vu venir que ça devenait deux jours, plutôt… puis trois jours, puis la semaine… Et que ça allait au-delà de la grogne : la mélancolie guettait, la déprime n’osait pas dire son nom. Allez, va au cinéma, va voir les potes, oui, ça fait du bien. Ah, oui, ça va mieux. Sur le moment, oui : insidieusement, on s’habitue à glisser sans y prêter attention vers une zone où tout-à-coup, on se fait peur de penser que si la voiture allait s’encastrer dans la pile de pont d’autoroute, après tout quelle importance. L’indifférence mortelle, la perspective de mourir, oui, pourquoi pas... comme une solution pas pire qu’une autre.

Là, j’ai eu le sursaut de me dire que ce n’était pas normal ni même admissible; aucun des événements de ma vie, qui allait en se bonifiant, ne pouvait expliquer cet état de jemenfoutisme qui lâche la rampe en plein Lunapark.

 

     Alors pour la seconde fois de ma vie - premier essai vers 17 ans, en recherche d'indépendance et de maîtrise -, je me suis mise sous hormones. Pendant un quart de siècle je m’étais passée de Pinkus, ses pompes et ses œuvres : le latex était tout indiqué, car HIV a pointé le bout de son nez alors que je terminais mon diplôme d’infirmière. Je me souviens même d'avoir soigné une de mes amies d’adolescence, devenue toxicomane, et dont on chuchotait discrètement dans les couloirs que le CHUV tenait peut-être là son premier cas de SIDA. Bref, les circonstances et la mode des éponges vaginales m’ont permis de vivre en suivant mes hormones-à-moi.

Mais là… question de santé mentale, ça urgeait de corriger le tir ; et puis comme j’ai encore besoin d’une contraception, d’une pierre deux coups. Comme entretemps on a apprivoisé le HIV, se tester ainsi que son nouveau partenaire nous dispense de la « grande trouille sur la montagne », dans une certaine mesure. Ciao le présé, dans une certaine mesure aussi.

 

      Je vais mieux, bien mieux, je sens que ce n'est pas miraculeux ni gagné... que je dois ménager ce nouvel être que je suis, que la fatigue vient plus vite, la mélancolie aussi… Mon corps lutte pour reprendre la commande, se met à saigner ici et là malgré le dispositif que je porte en moi… Marquée par la perte de ma joie de vivre, que j’ai vécue si durement ici et là ces dernières années pour cause de machinerie interne qui se grippe, je suis devenue prudente : je m’observe, je me préserve, je parle à mes médecins le langage franc que me donnent mes connaissances de soignante et ma cinquantaine bien préservée (eh oui, je dois souvent leur rappeler mon âge, la génétique familiale ayant gratifié les femmes de ma famille d’un air de jeunesse sympathique), je travaille main dans la main avec ma gynéco à trouver la meilleure solution, le meilleur équilibre possible. Je me préoccupe beaucoup de moi, je m’introspecte, je me tâte, je me prends la température mentale régulièrement, et si mon usine qui se déglingue devait me conduire à me médiquer plus fort pour jouir de la vie, je m’y résignerai, mais sans abandonner d’autre pistes de mieux-être. Insensible à la dépression saisonnière jusqu’ici, je viens de passer un deuxième hiver alarmant : il est temps peut-être de m’offrir une lampe de luminothérapie…

 

      Je termine en évoquant le livre que l’épouse d’un politicien français a publié il y a peu : « Manuel de guérilla à l’usage des femmes ». Étonnée par le titre, étonnée par cette femme qui toute brillantissime qu’elle soit, accuse quelque part son ex d'être incapable de faire face à sa ménopause à elle et aux changements de caractère qu'elle induit; le voilà remarié à une jeunette, et selon Mme Ex, retombé en enfance comme tous les hommes qui ont le démon de midi, alors qu’elle-même serait entrée en maturité et même au-delà... ça va le melon?

 

Alors je tiens à dire une fois de plus que c’est marre du procès intenté aux hommes d’être des hommes… tout autant que de se fixer sur le pouvoir supposé que nous donnerait, à nous les femmes, le fait d’être femme, et qu’il nous faudrait reprendre des mains de nos également supposés spoliateurs. Merde, à la fin, à la guerre des sexes et à toute compétition, à l'impatience crasse devant une évolution pourtant en marche.

 

Ni mieux, ni pire : pour paraphraser le credo anarchiste, avant tout épris de liberté, je souhaite clamer ici ceci :

 

« Ni genre, ni maître ».

 

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5 février 2011 6 05 /02 /février /2011 18:25

 

 

Il y a 40 ans, le Martin Circus prenait son pied avec un tube (tiens, je ne connaissais pas cette position, qui peut me tuyauter ?) : http://www.youtube.com/watch?v=nj00waHMOSU&feature=related

 

Rien à voir avec la choucroute, sinon les fesses, zone de litige ou d'intérêt: cette fois, c’est pas les vaches productrices de méthane qui sont visées, mais les gros malhonnêtes qui fartzent en public au Malawi. Tu lâches une caisse, tu passes à la caisse. Va-t-on verbaliser les bovins itou ? Ou leurs propriétaires ? Impôt « foncier » indirect ?

 

Qui va encore oser appeler sa fille Louise ?

 

Je voudrais qu’on m’explique : les gens de là-bas polluent-ils à ce point l’atmosphère ? Que mangent-ils pour gazer au point que ça doive être réglementé ?

 

Bon. Voilà voilà. Et dire qu’après une opération, les soignants guettent ce signe rassurant de reprise du transit… Preuve que l’intestin ne subit plus les effets paralysant du curare. En somme, péter c’est la santé.

 

Y aura-t-il des dérogations dans les chambres d’hôpitaux au Malawi ?

 

 

 

C’est mal, ma chérie, de se moquer des valeurs d’autrui. Je déplore quand même que la loi pense priver le citoyen de ce menu plaisir, de cet important soulagement ; je souris (jaune) que la magistrature d’un pays parmi les plus menacés par la famine et la malnutrition prenne le temps de légiférer sur la digestion du peuple.

Mais bon,  du moment qu’un prix Nobel a été attribué en 1994 à des gens qui ont réfléchi aux nuisances liées aux flatulences, pourquoi ne pas y consacrer une loi. Ou même deux.

 

J’continue : ici et là en Afrique, le pet est intégré dans la vie socio-culturelle, c’est un signe d’humour pratiqué par les bouffons… Une pensée émue au passage, pour le personnage de Michel Piccoli dans « La Grande Bouffe », qui meurt de s'être trop retenu de prouter et finit par crever de tout lâcher tout-à-coup.

 

Il paraît que dans certaines sociétés, on pète devant une personne pour exprimer son désaccord, et il semble qu’en Angleterre cela  puisse être une cause légale de divorce…

 

Dans « La soupe aux choux » par contre, l’extraterrestre La Denrée est attiré par les pets lâchés par les deux paysans, les interprétant comme des signes amicaux. La vache, je dois avoir plein de potes dans la galaxie, mézigues...

 

Des goûts et des odeurs.

 

 

Bon, après tout…  la loi en question doit encore être votée par les députés malawites… j’espère qu’une autre suivra, pour démultiplier les toilettes publiques : dans le fond, ça doit être ça qui leur manque, car le politicien qui argumente en faveur de la mesure souhaite que le peuple dégaze dans l'intimité.

 

Ou alors ils pourraient bâtir des pétoirs… et pourquoi pas. Totalement vital dans le Tiers-Monde, c'est clair et indiscutable.

Ou bien... Sensibiliser les nantis divers de l'hémisphère Nord à :

fonder une ONG pour travailler à adapter les chiottes de l'espace / mettre au point des poches adaptables, et vidangeables en privé... Ca existe bien pour les porteurs d'anus artificiel (ah, penser au passage à donner aux appareillés du Malawi un permis de puer, quand les poches lâchent...). Et penser à développer des produits dérivés: kits d'épilation anale, par exemple (une poche colle mal sur des poils).

 

Hé hé, c'et ce que j'appelle avoir de la fuite dans les idées, hein, perdons pas le Nord: cool! Des perspectives de boulot pour la NASA, l'humanitaire et les entreprises de matos médical. Profit en vue, qu'il s'agisse de fric ou de reluisance de l'ego. Whoopee.

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2 janvier 2011 7 02 /01 /janvier /2011 11:51

 

 

      J’ai vécu un passage à l’An Nouveau assez particulier…

 

Vers 22 20 le 31, alors que je recueillais des amis à la gare de Genève pour aller fêter avec eux tranquillement à la maison, mon sac m’est piqué dans la voiture alors que notre attention est distraite par un complice du voleur.

Du coup, pour avoir une chance que l’assurance-vol marche, direction le poste de police le plus proche, pour faire une déclaration…

 

 

     Ambiance des Pâquis, pour qui ne connaît pas : le quartier le plus mal famé de tout Genève, semble-t-il, avec prostituées et bars louches, donc assez craignos, castagnes et Cie… Pendant que la préposée recueillait ma plainte, le monde se massait derrière la porte coulissante, la sonnette braillait à tout bout de champ : une escort-girl de l’Est qui se faisait maltraiter juste devant la porte avait rameuté une petite poignée de sympathisants. Quand elle a fini par passer le seuil du poste, en effet, elle était dans un drôle d’état, mais plutôt parce qu’elle devait être pétée aux substances illicites qu’autre chose. Sa tenue n’en était pas moins spectaculaire : un bas déchiré au genou, l’autre qui pendouillait lamentablement sur le mollet, la fille perchée sur des talons impressionnants, s’asseyant sur le banc en se cognant la tête et dans la fenêtre et dans le mur… Les flics, rompus à ce genre d’incident, en ont pris la mesure avec recul : mésentente avec son client, perte d'équilibre due au mélange qu’elle avait pris… bref, après avoir ainsi signifié au digne sexagénaire qui l’avait recrutée que quelque part, la manière dont la soirée se déroulait ne lui convenait pas, elle s’est remise sous sa protection et ils ont disparu. Le genre de situation que j’ai déjà vue moult fois pendant les soirées de prévention des risques liés à la prostitution à Sévelin, quand j’avais la chance d’y participer.


Ma pote et son fils de 15 ans, un peu médusés… Moi, prise plutôt par ma rogne de m’être fait dévaliser… Bref, au moment des douze coups, on s’est embrassés devant le comptoir, et la fliquette sympa qui s’occupait de mon cas a réapparu avec trois petits verres de plastique contenant une golée de champagne, assez bon je dois dire, et on a trinqué à sa santé, vu que elle, prout pour l’alcool vu qu’elle était en service.

 

Ensuite, départ direction notre ville à nous ; on se raconte nos semaines respectives, moi ici, eux dans les calanques marseillaises. Peuchère, après 4 jours au pays de la pègre, voir la copine se faire détrousser au pays de Candi, c’est assez bizarre…

 

On a reporté au lendemain l’ouverture de la bouteille et la dégustation de la soupe que j’avais concoctée. Avec en prime une tartine de foie gras, complètement onctueuse, et qui m’a rendue malade ensuite !


    Mais pour la soupe, je vous donne la recette, c’est du genre rapicolant, retour de cuite, quoi.

 

300 à 400 g de courge coupée, mélangée avec une échalote ciselée, à faire cuire 20’, puis à mixer.

Ajouter un bouillon-cube de poule entier, un demi-litre de lait de coco, une cuillère à café bombée de pâte de curry rouge, le jus pressé d’un gros lime, laisser ça mijoter tranquillou avec les trois-quarts d’un bouquet de coriandre fraîche ciselée… le dernier quart servant de décoration quand le potage est servi dans les bols.

 

Bref, après avoir mangé, j’ai passé un moment avec le fils de ma pote, passionné d’aéronautique, à me faire réexpliquer les principes de portance et de traînée. On va aller faire voler ses vouvions télécommandés un de ces quatre.

Mécolles, ça me scie durablement les méninges que des engins puissent voler. Mais comment Adler et les frères Wright ont eu l’idée que ça pouvait marcher ? Je capte bien que si je mets ma main dehors de la voiture ou du train, suivant comme je l’incline au vent de la course, elle tend à se relever, mais eux ? A leur époque, les bagnoles et les locos allaient-elles assez vite pour qu’ils percutent sur ce genre de détail amusant ?

 

Et qu’est-ce qu’il a bien pu se passer dans la tête d’Archimède pour que les quat’sous lui descendent au point d’aller galoper à pelos dans la rue en gueulant des choses en langue morte ?

 

Comment les préhistoriques ont compris qu’on pouvait obtenir du feu et frottant ce bois-ci contre ce bois-là, hein ?

 

Tiens voilà qui serait intéressant à écrire, et j’aimerais bien faire ça : ces foutus génies qui ont l’intuition d’un truc, puis arrivent ensuite à le modéliser pour le faire capter aux autres, et le reste, applications, technologies, concrétisation… Si quelqu'un se tape la collecte et le dépouillement des documents, moi, je veux bien prendre la plume.

 

     Le machin qui me laisse sur le popotin au max’, me fascine et me plonge dans la perplexité, c’est le froid absolu : ce moment où les plus petites particules qu’on connaisse (enfin, on cherche encore à prouver leur existence… mais on les a déjà appelées « bosons de Higgs ») se comportent tantôt comme de la matière, tantôt comme des ondes… et toutes les questions qui en découlent sur la possible existence de mondes parallèles, entre autres perspectives vertigineuses !

 

 

    Bon. Mais dis donc, j’ai faim, là: plutôt bonne nouvelle après mes mésaventures digestives, le bicarbonate a fait son effet. Et puis j’ai des papiers à faire refaire, faut que j’aille me racheter un natel et un portemonnaie… faire la queue à la Poste pour avoir du liquide vu que ma carte de retrait se balade du côté du jet d’eau… cool les vacances.


Mais bon, faut l’avouer… pas ordinaires. J’ai dû attendre cinquante ans pour sabler la Saint-Sylvestre avec des uniformes et des bas-jarretelles, c’était pas forcément négatif : si la vie me rentre dans le lard parfois, j’espère que ce sera toujours en bonne compagnie et que le hasard me réserve encore bien d’autre situations comme celles-là.

 

 

 

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27 décembre 2010 1 27 /12 /décembre /2010 12:22

     Frappée d’insomnie cette nuit, j’ai eu la chance de tomber sur un documentaire parlant de notre rapport au temps qui passe. Je l’ai attrapé en route, au moment où un trentenaire « so british » soutenait, menton et dents en avant, que son initiative de créer des trottoirs à voie rapide pour les piétons avait trouvé un écho favorable auprès de plusieurs municipalités anglaises et même européennes – sans qu’elle aboutisse pour autant, le problème étant de trouver comment payer les flics qui verbaliseraient les personnes trop lentes, qui téléphoneraient ou écouteraient de la musique, bref, feraient autre chose que de marcher vite…


Ben voyons.

 

 

Moi ce qui me frappe, c’est le cas de le dire, ce sont les manières de se déplacer des jeunes générations : il est devenu normal, on dirait, de se glisser comme une couleuvre dans le moindre interstice de foule, quitte à heurter de l’épaule le quidam. Par contre, s’excuser ensuite ne fait visiblement pas partie du lot des valeurs de politesse retenues par cette frange étrange de concitoyens, et la moindre protestation fait hausser le sourcil du hockeyeur dans l’âme : kwââ ? Normal: ils ne voient pas où est le problème. Quand bien même ils feraient la relation entre leur body-check et le col du fémur pété de la p'tit' vieille qu'ils ont ainsi envoyé au tapis, ils s'excuseraient eux-mêmes en invoquant, ben kwââ, qu'elle était sur leur passage... j'exagère à peine.


De même, le débit de mitraillette des adolescents – à l’heure actuelle, j’ai dans un de mes cours  un jeune homme que je dois faire répéter quatre ou cinq fois ses questions pour capter son propos… et je constate avec effarement le besoin des gosses qu’un film se déroule à 180 bpm pour qu'il les captive.

 

Ce rapport au temps toujours plus speedé, cadré, stressant, coupe les ailes à la créativité qui naît du temps qu’on baye aux corneilles. Raccorder entre elles des bribes de vie, tresser des souvenirs d’odeurs ou de toucher, voilà qui ouvre la porte à un monde intérieur et individuel où aucun tic-tac ne vient troubler l’atmosphère.

 

 

     Quand j’étais étudiante infirmière de première année, l’astuce qu’on se refilait pour gagner des bons points en enseignement clinique, c’était de donner au petit vieux dont on s’occupait un journal pour meubler sa matinée en attendant le repas de midi. La monitrice nous en félicitait chaudement, ah, que l'on était donc une bonne élève.

J’ai perpétué cette attitude jusqu’à ce que je me rende compte que la plupart du temps, les petits vieux en question ne rêvaient que d’une chose : s’enfoncer dans un fauteuil ou dans leurs oreillers pour faire une sieste bien méritée après l’exercice de la toilette. D’ailleurs la plupart disaient pour finir qu’ils avaient bien assez de souvenirs plein la tête pour tricoter plus d’une journée en imagination… Voulaient juste qu'on leur foute la paix, quoi!


    Ensuite, longtemps je me suis levée de bien trop bonne heure : les journées hospitalières commencent à sept heures,  quelle horreur. Donc, lever à cinq heures et demie, en général… Pour gagner une demi-heure de sommeil, je me suis donc procuré une voiture, qui mangeait mon salaire en assurances et parking. Terrible dilemme : dépenser son fric à des commodités pour pouvoir en gagner. Et pas des masses, en plus…

 

Dès que j’ai pu, j’ai baissé mon pourcentage à 80%. Je gagnais juste assez ma vie pour pouvoir profiter de ce jour de congé supplémentaire, mais sans excès : la voiture est passée à la trappe, du coup. Pas parce qu’elle devenait inutile, car j’aurais aimé en profiter pour user de ce jour de congé en allant voir des endroits un peu difficiles d’accès, qui éveillaient ma curiosité… ou alors, m’y endormir au chaud de mon sac de couchage après une soirée bien arrosée mais un peu loin de mes pénates, me réveillant le lendemain après avoir cuvé. Non, elle a disparu du paysage parce qu’il fallait choisir entre un appartement décent et un moyen de locomotion privé.

Bref, la quadrature du cercle pour profiter de la vie…

 

Je n’ai eu de cesse ensuite de trouver des postes qui me permettaient de concilier un maximum d’indépendance avec un minimum de travail ; qu'il soit mieux payé, ou me permette des accommodements temporels qui équilibraient mon rythme. Il n’était pas effréné, mais avide de qualité de temps privé, juste ça.

 

     A la fin du compte, voilà t’y pas que je me remets aux études, avec des semaines de 100 heures complètement épuisantes et schizoïdes, quatre ans durant. Là, pour le coup, vaccinée, Clémentine… M'enfin bon, pouvoir travailler moins parce que gagnant plus, c'était à ce prix-là.


Alors, depuis, je m’ingénie à compter mes heures de travail en fonction de ce qu’on me demande d’accomplir, sans zèle excessif, en prenant toute largesse et latitude comme telles, freinant avant d’atteindre la limite extérieure de ma marge, fournissant pourtant le zeste de plus qui donne l’impression que je suis vachement impliquée, alors que mon second cursus d’études m’a fourni un bagage qui me permet d’accomplir la moitié de mes tâches en la moitié du temps habituellement compté. Il y a 3 mois, je m'en suis vaguement ouverte à une collègue et connaissance de longue date "J'ai pas l'impression de travailler...", ce à quoi elle a répondu en me regardant par-dessus ses demi-lunes "Ca va venir, t'inquiète pas", faisant allusion aux nombreuses heures supps accumulées par la majorité. J'assume aujourd'hui l'entier de mon cahier des charges, et bof, j'attends toujours de me sentir débordée, franchement. Mais ça, je le mettrais sur le compte de mon besoin irrésistible de simplifier toutes mes tâches: il y a des pourquois du comment censés expliquer l'ampleur des besognes, qui ne me semblent que surgonflées de complications bizarres. Bien décortiquées, elles n'ont de raison d'être que de vouloir se sentir indispensable; ou de calmer un sentiment intérieur de ne pas mériter la place qu'on a - mais à laquelle on nous a pourtant jugées dignes d'être.


Bref, ces heures qu’il me reste à remplir sur le système de pointage folklorique de ma boîte, je l’utilise, justement, pour laisser fleurir ma créativité, et dans d’autres domaines bien souvent. Il y a plein de corneilles dans mon imaginaire, avec lesquelles discuter du sens de la vie. Et ma foi, puisque l’on ne comprendrait pas, quelque part, que j’accomplisse tout ça en aussi peu de temps, et puisque par ailleurs on me bouffe du temps en séances plénières auxquelles je ne participe pas au prorata de mon pourcentage, mais tout autant que celles qui travaillent le double… je reprends les heures supp’ que ça génère – et ça en génère, que je le veuille ou non. Des congés, qui n’en veut, n’en voilà. Si ça continue comme je pense que ça va continuer, je vais être en vacances dix, voire douze semaines par année. Payée à rien foutre, quoi…  J’ai intérêt à apprendre vite comment évoquer mes souvenirs, comme les petits vieux dont je m’occupais. Tiens, ça me donne même une idée: je vais créer et donner des cours à l'Ecole-Club Migros: comment passer le temps. Ca s'adresserait à ceux qui commencent la crise de la quarantaine (faut commencer à capitaliser tôt), et se voient précipités tout soudain dans le pressentiment du vide existentiel... C'est vrai quoi: puisque la question de la finalité de la vie ne reçoit aucune réponse satisfaisante - car si nombreux que soient les philosophes et les théologiens qui s'y sont risqués en cumulant parfois les casquettes, jusqu'ici rien de ce que j'ai lu ne m'a convaincue - c'est qu'il faut peut-être juste profiter à coin d'être là où on est. C'est marrant d'ailleurs: c'est à partir du moment où on a du temps en rab' qu'on commence à se demander quoi en foutre, et qu'on se met à faire des fioritures, en tâches ou en achats par exemple... Allez, un bon tsunami ou une jolie tornade, ce serait revigorant, carrément: faut voir la panique qui s'empare de la populace quand l'hiver ne fait que son boulot d'hiver en amenant la neige... tordant. Une attitude nécessaire à la survie de l'autre côté du globe, mais un truc qui serait stimulant sous nos latitudes. Ca me rappelle un film avec Michael Douglas, tiens, vazy voir, ça m'a pas fait dormir: http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Game_%28film%29 . Un type qui nage dans l'opulence et l'ennui se retrouve à la rue et en danger de mort sur tous les plans: c'est un jeu qu'on lui offre, mais il ne le sait pas, jusqu'à ce que ça se termine.

 

Tu vois déjà tout ce que j'ai dans ma cervelle? Impossible de décrocher, une idée en appelle une autre, des souvenirs en chapelets de merguez. La putain de petite vieille pleine de sa vie que je vais être, dis donc... Je vais leur faire faire des économies de magazine, à l'EMS.

 

     De fil en aiguille, voilà à quoi ça me fait penser : une excellente pote à moi a un fils de bientôt 16 ans, qui s’emmerde comme un rat mort au gymnase. Tellement, qu’il a des résultats à chier et se met en échec à l’heure actuelle, bien qu’il soit ce qu’on appelle une personnalité HP (Haut Potentiel ; les surdoués d’hier, en fait). Inutile de l'envoyer aux cours publics de la section scientifique universitaire renommée dans mon coin, il en sait autant sur la robotique que le prof' qui y sévit... c'est le genre de môme qui se faisait accuser de tricherie aux tests de maths du collège, car il était incapable d'expliquer comment il avait trouvé la solution; évidemment, car il avait l'intuition ou la prescience de la bonne réponse...

Quand sa mère me raconte à quoi il passe son temps d’études, je me marre : il est foutu de réfléchir une heure et demie à la manière de ne pas apprendre ni faire ce qu’il doit, alors que probablement il mémoriserait tout ça et l’accomplirait en un quart d’heure… Ca me rappelle quelqu’un, tiens. On met sa créativité où on peut…

 

 

    Le temps. Angoisse, soit de ne pas en avoir assez, soit d’en avoir trop, de s’ennuyer… Angoisse de vouloir occuper les autres à tout prix… Régulièrement, dans mon canard habituel, il y a tout un feuillet consacré au monde du travail ; on y parle, entre autres, des employés improductifs, distraits, qui vont sur Internet, etc. L’article suivant traite des bienfaits du temps « mort », qui permet de recharger les batteries et de booster ses résultats. Bref. Tout et son contraire. Bah, tout comme les journaux féminins qui pondent des articles longs comme le bras sur la beauté des rondeurs, photos magnifiques de filles plantureuses à l’appui, mais ne sauraient paraître sans leurs sponsors qui vantent, sur la moitié du cahier, les mérites de toutes sortes de traitements amaigrissants. Cherchez l’erreur…

 

Bon. Vous je sais pas, mais moi… je retourne rien foutre. A plusse.

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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 10:21


 

Je me répète… je me répète, mais ça me fait du bien.

 

Finalement, il semble que j’ai encore des comptes à régler avec mon ancien métier.

J’ai beau bosser avec une équipe qui a nettement plus de moyens que la moyenne sur le plan de la communication ; il n’en reste pas moins qu’elle est composée de soignants, une corporation qui a sa culture de valeurs qui lui sont propres…

 

Je me collette ces derniers jours avec les trucs qui me hérissent le plus dans cette profession : la suranticipation, et la suradaptation.

 

Pour la suranticipation, c’est vrai qu’on nous drille dès les débuts de la formation à imaginer les pires scénarios pour y répondre avec adéquation. C’est vrai que même sachant que telle ou telle action ne fera pas avancer les choses plus vite, il est de bon  ton d’y avoir pensé : on gagne des points auprès de ses collègues… mais on active ou agace, selon les cas, le réseau paramédical -paradoxalement.

 

Exemple : nous sachant très proactives et réactives, le reste du réseau table beaucoup sur notre malléabilité à la sauce "gentille". J’étais un jour en train de finir la toilette au lit d’un client, avec une collègue et jeune chef de service en traumatologie ; survient une pimpante physiothérapeute qui souhaitait commencer une session d’examen pratique avec une élève, sur la personne que nous étions en train de laver. Contrariée dans ses projets - dont nous étions informées, mais que faire quand les imprévus s'accumulent - elle nous demande d’activer. Ma collègue la renvoie derrière la porte avec un calme olympien, puis se retourne vers moi en m’enjoignant de faire comme si de rien n’était : « Ras-le-bol à la fin, on est toujours en train de schader pour quelqu’un ».

Merci Audrey, tu m’as confortée ou mise sur la voie, je ne sais plus : je devais être en train de faire émerger à ma conscience le fait qu’on n’est pas des accordéons. En plus, pendant qu'on terminait notre boulot, tu as dis distraitement "Notre job, en fait, c'est le cumul de ce que tous les autres corps de métiers nous délèguent..." Waow. Je compends mieux pourquoi la grande révolution des soins infirmiers des années 70 a cherché à développer la spécificité de cette profession: quitte à devoir balayer la merde, la glorifier d'être un engrais précieux est une intéressante stratégie. Bande de syndromeux de Stockholm, va.

 

 

Dans mon actuel job de formatrice de soignants, je vois cette notion de suranticipation se transposer sous une forme particulière : le mastodonte administratif qui y est en vigueur est aberrant (10 fois plus de documents que dans des services équivalents) et surcharge les secrétaires, qui ne peuvent plus suivre. 

 

Or nous avons un chef à qui ces plaintes devraient être transmises pour qu’il puisse mettre la priorité sur le dégraissage du mammouth. Mais à viser un résultat plutôt qu’à considérer l’ensemble du problème, et le laisser régler par qui il doit être réglé, le corps infirmier et son foutu réflexe de concernite et d’action achève d’aggraver la situation.

 

J'ai quand même eu deux minutes d'orgueil bouffi quand une estimée collègue et connaissance de longue date a cueilli au vol mes propos, qui l'ont interpellée. En l'occurence, c'était au sujet d'un avatar du même problème... Si le jeudi l'informaticien ne trouve pas en l'état la salle prévue pour son cours, alors que cette salle vient d'être arrangée pour une remise de diplôme le mercredi, si dans une boîte de cette envergure il n' y a de plan d'occupation pour cette salle et qu'on est infoutu de désigner qui est responsable de l'arranger après une autre utilisation, alors je pense que les diverses personnes en cause cherchent juste une occasion d'exercer du pouvoir sur d'autres personnes qui acceptent de se laisser emmerder. A moi la peur...

 

 


Personnellement, en bonne emmerdeuse qui défend chèrement des valeurs acquises tout au long de mes 25 années de pratique infirmière, quand un truc ne me convient pas, je le dis. Par exemple, pour mobiliser des patients, il y a longtemps que je me tourne immédiatement vers les appareils de levage à disposition (cigogne ou verticalisateur), ou même mes collègues : ne pas faire, c’est le meilleur moyen de ne pas risquer de se faire mal en faisant. CQFD.


Et je me fous pas bien mal du bien-pensisme corporatif qui prône avec mièvrerie que « C’est plus sympa pour le patient d’être pris aux bras que « machiné » ». Mon cul ; j’en  connais beaucoup qui détestent être touchés, manipulés corps à corps et en se tapant les odeurs corporelles des soignants… Alors ça va faire, le concept de soins "Pièta de Michel-Ange"... L'auréole, ranafout.


Et pourtant, on se tait, on fait. Et pourtant, on prend des calmants, avant ou après. Alors… oui, la suradaptation, c’est con.

 

Et avec l’autre truc, là, « suranticipation », on a l’horripilante paire de mamelles à laquelle s’abreuve cette corporation principalement féminine, qui soigne souvent de manière plus familiale que professionnelle, et communique beaucoup par commérages et « discussions de hammam ».

 

Tout comme je suis persuadée que si la bagnole ou l’ordinateur avait été inventés par des femmes, ils auraient d'autres aspects et manières de fonctionner, je suis convaincue que les soins infirmiers seraient moins gnan-gnans et un peu plus axés sur le rationnel-non-affectif s’ils étaient d’obédience masculine.

 

En toute chose, l’équilibre est bon : plus de mecs au charbon, je dis "oui", et "oui" encore pour que les rares qui s’y risquent restent sur le terrain au lieu de partir vers l’administratif et le gestionnaire – ça m’étonne tellement pas qu’ils y partent…

 

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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 11:10

     Première neige qui tient au sol, ce matin... Elle s'est mise à tomber alors que je sirotais mon café en tentant le sudoku de haut niveau de mon canard habituel (je le prends de droite, vu que j'ai le cœur un peu plus à gauche, ça donne d'intéressants débats intérieurs...). Évidemment, je plante mon sudoku - pourquoi dis-je évidemment, ben parce que ça m'étonne toujours d'arriver à en torcher un réputé difficile... Les chiffres, en soi, ne m'intéressent pas; au collège, effet boule-de-neige: ça m'intéresse pas, donc  je baye aux corneilles, je n'apprends pas, je me tire toujours des tests avec des sueurs froides, m'attirant les foudres de mon prof de maths, toujours le même qui me poursuit ou presque de la première à la quatrième - j'échappe pourtant à son collègue, réputé pour humilier les élèves. C'est déjà ça!

Au gymnase, toujours aussi réfractaire, j'ai la chance de tomber sur un humaniste qui s'amuse plutôt de mes bêtises, et livre enfin son secret d'homme bonasse le jour où la classe se voit pour la dernière fois avec quelques profs: formé dans le canton voisin pour les maths et la philo, jamais ce dernier diplôme n'a été reconnu chez nous, il a donc été condamné à enseigner le reste. Alors, écœuré par ce système partial, il compte large dans ses corrections, et va gratter partout où il peut pour entasser des quarts et des demi-points, histoire de ne pas faire bêtement échouer les lunaires comme moi, doués ailleurs... Sans ouvrir un seul fascicule en trois ans, rassemblant les bribes de ce que j'étais obligée d'absorber par osmose en classe, soutenue par ma bienveillante voisine (encore que passablement agacée par mon blocage, et qui me prenait de guerre lasse mes questions de tests pour les faire à ma place et me les refiler ensuite...), j'ai passé mon bac avec un trois sur six dans cette branche qui me paraît aussi conne que la guerre; même pas la moyenne!

Ce dont j'ai eu besoin ensuite dans la vie, comme la règle de trois, je me suis arrangée pour l'apprendre et me le garder au chaud ; et puis, être démuni rend inventif !

 

     Parfois, j’aimerais reprendre ce pan laissé en friche, car il est devenu évident que je comprenais les concepts abstraits toute seule dans une période de deux ans après qu’on ait tenté de me les enseigner. Ce serait pour le pur plaisir d’exercer ma logique, mais toujours en tentant de voir les applications pratiques. Gagner au Master Mind, par exemple, c'est une application pratique. Et toc.

 

La spéculation pure ne m’intéresse pas… j’aime, moi, mettre mes efforts au service de ceux à qui j’enseigne des choses à faire s'appuyant sur un raisonnement, quoi que j’enseigne ; et dans le but qu’ils se passent de moi le plus vite possible. Ce qui me gratifie, c’est de voir tout-à-coup que Truc et Muche prennent leur envol, connaissent les règles et quelques subtilités, assez pour tenir un raisonnement autonome et devenir indépendants, puisqu’ils possèdent les principes. Ce qu’ensuite leurs actes prouvent, c’est que les principes, justement, ne sont qu’une trame sur laquelle bâtir sa propre résolution de situation.

Pour vérifier que la solution est viable, je bâtis une grille d’évaluation, et je refais le parcours avec eux en regard de chaque critère : ta solution respecte-t-elle autant les deux parties impliquées dans son processus ? Es-tu sécuritaire / confortable / efficace / économe et écologue autant pour toi que pour ton client ? Quand la réponse est oui partout, je jubile : n’en v’là encore un qui a capté le concept… Allez, via, t’as plus besoin de moi. Kassos.

 

Et puis, l’autre chose que j’aime aussi, c’est de comparer les solutions, de voir qu’elles peuvent être très différentes, créatives, hors sentiers battus.

 


     Une certitude s’est faite jour en moi au fil des années, c’est qu’il arrive souvent que pour mener à bien une tâche, la solution la meilleure soit de « ne pas faire » ; l’environnement comportant une contrainte de trop, et l’objectif demandant révision, avant toute chose.

C’est cette capacité à rester dans la zone de risque raisonnable qui se développe en dernier, et elle demande pas mal de fermeté et d’audace; ou alors d'apprendre à se ranger à une manière de faire qui semble aberrante, si on ne peut pas faire autrement...

Si on a le choix, on en vient parfois à refuser un mandat, tellement l’irréalisme se met de la partie : sa part devient exorbitante, dans le sens que le solutionneur commence à mettre plus que son dû dans l’accomplissement de sa tâche, et se fait ratatiner comme peau de chagrin son énergie, ou son pognon, ou son temps.

 

Ou sa santé, tiens, au hasard.


Il y a toujours quelqu’un quelque part pour téléphoner à ses collègues alors qu’il est en congé-maladie, et proposer son soutien d’une manière ou d’une autre.

Il y a toujours quelqu’un pour se croire indispensable.

Il y a toujours quelqu’un qui pourrait profiter de quelques jours de break pour avancer dans le lâcher-prise…

 

L’équipe dans laquelle je travaille depuis cet été porte son paradoxe comme une raison de vivre : la personne qui a le plus précisément décrit combien notre team se suradaptait aux insuffisances de la hiérarchie est actuellement en arrêt pour une pneumonie ; mais signale trois fois par jour par SMS sa « disponibilité à distance »…

 

Comme quoi les prises de conscience ne suffisent pas, car tout reste à faire ensuite : traduire un tilt intellectuel en actes, et surtout, le plus difficile, en NON-ACTES.


En somme, cesser de suranticiper, de jouer à l’hyper-intendant, à l’ordinateur du quotidien. D’un autre côté, l’avantage de laisser surgir les problèmes, c’est que qui de droit va devoir s’atteler à les régler : ceux dont c’est le cahier des charges. S’il y a toujours quelqu’un pour éteindre la lumière et fermer les tiroirs derrière les distraits et les inconscients, comment vont-ils apprendre à se débrouiller seuls, a fortiori quand, justement, on tombera malade de s’être surinvesti ? Et puis, quelque part, c'est presque malhonnête de faire croire à son patron que tout va bien dans le meilleur des mondes! Puis de lui reprocher de ne pas s'atteler à un problème... dont il ignore l'existence!

 

Parfois, derrière ce genre de comportement qui hurle silencieusement « Vous ne pouvez vous passer de moi », je pressens la peur du vide ou une estime de soi un peu faiblarde ; qui puiserait sa nourriture dans l’estime de la part des autres, et fait le lit des dépressions post-retraites.

A quoi servirai-je, désormais, si plus personne n’a besoin de moi, si l’on peut se passer de moi ? Mes enfants partis, le marché du travail fonctionnant avec d’autres personnes de ressource, quelle sera ma raison de vivre ? Les technologies évoluent vite, alors que me reste-t-il à faire valoir si je ne me mets pas à jour au quotidien ? Mon expérience de vie ?

 

     Depuis quelques années dans mon canton, on peut suivre des cours pour préparer sa retraite, - enfin, à part les démarches administratives, je suppose qu’il s’agit surtout de groupes d’échange… Tiens, revoilà l’idée du réseautage… Au lieu de mandater des soignants-à-domicile auprès de tous les vides existentiels qui se sont mis en place peu à peu au fil des vies, pourquoi ne pas les exercer à rester en contact, à garder vivante cette part de soi qui n’existe pas sans les autres, sauf peut-être pour les ermites… et encore, les religieux ont une ligne directe avec le grand ordonnateur de toute chose… Tout le monde n'a pas le téléphone spirituel!

 

Bah. Je pense que c'est trop tard de s'y mettre à ce moment-là; comme on fait son lit on se couche, c'est donc bien avant 65 ans que les dés sont jetés. Etre vieux, ou seul, ou retraité, ce n'est pas une raison pour se réunir avec d'autres, ce n'est pas un intérêt commun comme mettre des petits bateaux en bouteille, filer trois jours faire une petite virée muséo-gastronomique, ou coudre des patchworks éblouissants. Ces choses-là, c'est du plaisir. Mais parler avec d'autres retraités des difficultés de passer dans le camp des "inactifs", ça parle pas de plaisir, plutôt d'une difficulté à surmonter.

 

Quand mon laitier de grand-père a passé le cap dans les années 70, lui et ma grand-mère se sont sentis comme des Crésus: jamais eu autant de pognon dans les mains! Compter et recompter leur sous est devenu leur occupation principale, comme si ça allait s'envoler. Impossible de les faire se départir de leurs habitudes, les pires jours de la Mob' de 39-45 leur étaient restés chevillés au corps.

Et aussi, ils tenaient mordicus, on aurait dit, à avoir du temps pour ne rien foutre, juste ça. Quitte à ce que ma grand-mère - folle de rage d'avoir son époux désoeuvré dans les pattes vu que dans son quotidien à elle, rien n'avait changé - lui donne à faire des trucs débiles: transformer du persil en hâchis à congeler ensuite en bloc, après ya pu qu'à en gratter un petit peu sur la salade pour l'assaisonner, hop vite fait, ça gagne du temps. A quoi ça sert d'en gagner quand on ne sait déjà plus quoi en faire?


Le fric faisait des petits, patiemment, pendant ce temps. Glissé ici et là sur des carnets d'épargne pour ma soeur et moi... et destiné, dans leurs têtes, à ne pas être dépensé! Bisbille en vue: quand j'ai racheté à bas prix une petite moto bien utile pour assurer mes gardes du soir, j'ai eu droit à une gueule de 36 pieds de long.

 

 

Bon, je m'arrête: Caroline m'attend pour une fondue dans un café réputé de ma ville.

 

Et puis, en toute logique... vous n'avez pas besoin de moi pour y réfléchir - pour autant que ça vous tente.

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14 novembre 2010 7 14 /11 /novembre /2010 10:34


 

Sandrine : la pluie, comment elle finit, dans l’espace ? Qui c’est qui décide ?

 

Valentin : mais pourquoi vivre, si de toute façon il faut mourir ?

 

Nalo : pourquoi c’est vous, mes parents ?

 

 

 

C’est haut comme trois pommes et ça veut déjà comprendre le monde, le pourquoi du comment, et bientôt ça voudra apprendre à ne pas confondre le hasard et la nécessité. Grosse fatigue.

 

Sandrine ne captait ni pourquoi, ni comment la pluie décidait de s’arrêter vers Morges, alors qu’à Lausanne le bitume était sec, mais qu’à Aubonne il royait tout ce qu’il pouvait. Si à la maison on ouvrait et fermait les robinets, il devait bien y avoir aussi là-haut un grand Maître de la tuyauterie. Selon quels critères travaillait-il? Se lavait-il les mains sur nous ? Berk ! Alors l’idée de se prendre l’eau sale de son bain sur la tête, c’était assez dégueulasse, en fait. Désespoir d’être à la merci d'un locataire d’en-dessus assez indélicat ; et incompréhension de la  gratuité de son geste – dans le sens de vanité  - mais aussi pressentiment de la bêtise de manipuler les vannes à mauvais escient, au lieu de fourguer tout ça aux gens du désert… Et c'est qui, d'abord? C'est lui, Dieu? Dis-voir, en toute confidence...  Machin là-haut, il serait pas un peu con sur les bords? 

 

Valentin, je le rencontre à la piscine, sa mère le remorquant vers les WC – ça avait l’air d’urger pas mal. Il marchait en remontant les genoux serrés si j’ose dire, de peur de lâcher un jet prématuré ; et balayant l’espace d’un regard inquiet : « Mais, on va aux toilettes de chez qui, là ? ». La question essentielle, en somme. Je n’ai pas encore compris le caractère préalable de sa requête : savoir à qui appartenait la cuvette d’émail où il allait se soulager. Par contre, il paraissait tellement inquiet… La satisfaction de son besoin risquait-elle, à son idée, de lui attirer une punition? Permission de pisser par le propriétaire des lieux en personne? (Va lui expliquer que la piscine communale appartient aux citoyens, dont il fait partie, alors que son obsession c'est de ne pas vider sa vessie à l'instant...). Conjectures dans lesquelles je me perds.

 

Nalo : je viens d’où ? Pourquoi vous ? Donc, pourquoi moi ? Je n’ai pas demandé à être ici, ni avec vous ; mais je vous aime beaucoup quand même. Demain, elle demandera pourquoi elle est née fille. Et personne ne pourra honnêtement répondre « Parce qu’on te voulait très fort », car quand elle apprendra (très vite, je suppose !) ce qu’est la génétique, et qu’on ne choisit en somme ni ses parents ni ses enfants, et qu’un des pires mensonges est de faire croire à un gosse que c’est lui en personne qu’on a élu… ça va saigner dans les cœurs. Même un bébé « naturel » est, quelque part, un gosse adopté. Parole de sage-femme, le lien parental n’est pas une évidence, mais parfois une obligation morale qui conduit ici et là une mère à l'infanticide…

 

 

Comprendre que chacun de mes actes était placé sous ma responsabilité, au final (même si un parcours de vie détermine, lui, certaines manières de répondre aux stimulations de l’environnement), ça a été long, difficile, un peu écrasant. Dans ma petite enfance, mes parents eux-mêmes tentaient de s’y retrouver dans leurs propres valeurs, en cette fin de leur adolescence. Bâtir en conscience un système d’examen des choses à-faire-et-à-ne-pas-faire relevait de la haute voltige de l’esprit, et en avoir le temps, du luxe pur et dur, carrément. J’ai mis très tard un nom sur cette quête de vérité et d’authenticité dans les rapports humains : l’éthique se trouva alors parée des vertus dont je n’avais jamais réussi à orner la morale, et pour cause. Là, l’horizon a commencé à s’éclaircir, et quelques culpabilités à se dissiper.


Si la morale est le reflet de ce qu’une société se tolère à une époque donnée, alors l’éthique est en soi le processus mental d’examen des valeurs dans lesquelles on baigne, et un espace de liberté, au contraire d’une contraignante compilation de règles tacites à apprendre à ses dépens.

En témoigne la réflexion désabusée que j’ai lancée au flic qui m’avait verbalisée suite au parcage de ma voiture en zone « libre » : « En fait, vous travaillez avec « Tout ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit », alors que ma philosophie de vie c'est plutôt « Tout ce qui n’est pas expressément interdit est autorisé ». » Cette pensée hautement voltairienne n'a pas plus inspiré le pandore, qui m'a livré un sobre « Oui ». 40 balles de l’époque pour une leçon d’humanisme, j’ai trouvé pas cher payé, même si à la place je me serais bien offert une bonne pizza avec deux décis de Valpo et un tiramisù. Je ne voyais pas encore la portée de l'incident... Où peut vous mener une simple contredanse, c'est fou!

 

Mes pérégrinations mentales m’ont d'abord poussée vers un thème annexe, comme « Si tu veux pouvoir réfléchir à ce genre de truc, faut bien manger pour que ta cervelle puisse fonctionner ». D’où l’idée de la pizza. D’où l’idée ensuite qu’au-delà des actes du quotidien qui, comme nos frères les plus proches l’orang-outang et le chimpanzé, visent à nous mettre à l’abri et à enfourner le nombre de calories nécessaires pour passer la journée, il avait bien fallu qu’un jour on en aie en excédent pour arriver à concocter divers outils de base, du silex à trancher et du percuteur au PC sur lequel je me complais à vous raconter mes états d’âme. (Si vous êtes arrivés à ce point de la lecture de mon texte, j’ose espérer que ça vous interpelle, au moins. C’est vrai quoi : qu’est-ce que vous foutriez encore là, sinon ? Certains me font parvenir des commentaires insultants, mais… c’est plutôt bon signe ; encore faut-il que débat puisse s’ensuivre, car le pugilat m’ennuie.)

 

Cela est bien, mais cultivons notre jardin.


Choisir ses amis, on peut. Sa famille, en aucune manière. Même avec toutes les fivettes qu’on veut, avant tout c’est un poupon qu’on souhaite, et qu’il devienne un penseur ou un criminel, ou même un cumul des deux, c’est pas la préoccupation du moment. Plus tard, l’illusion de la fusion s’étant concrétisée, en même temps qu’on tente de leur inculquer de quoi vivre à peu près en paix avec leurs semblables, il va falloir dealer avec les questions incessantes dont les nouveaux petits parleurs abreuvent leur entourage. Sans parler de l’accablement qui peut submerger même les petiots – bon moi j’ai quand même attendu mes sept ans pour arriver derrière mon père et lui dire doucement que je trouvais dur de vivre parfois, et que je m’ennuyais décidément avec les jeux réputés de mon âge. En quelques questions anodines de sa part, je suis passée aux sanglots, à la fois désespérée de ne pas profiter de la vie, et d’avoir autant de temps devant moi pour en souffrir. La dèche totale dès l'école enfantine, en somme. Ca commencçait bien...


Il s’est alors encore plus ingénié à nourrir mon esprit, à me renvoyer la balle quand je lui posais des questions du genre « C’est comment le monde ? ».  Sa réponse préférée : « T’en penses quoi, toi ? », ne trouvait pas toujours un écho intéressant à mes "yeux" : j’avais besoin de ses certitudes à lui, pour m’accrocher aux branches en attendant de trouver mes propres fruits… Parfois, il a trop attendu de moi, et sa déception a été vive. Mais dans l’ensemble, il a fait pour moi ce que la vie ne lui avait pas offert : stimuler mes neurones, et me pousser à chercher moi-même des réponses. Tous les deux, on dévorait les tomes successifs des « Time Life » dont il s’était offert l’abonnement ;  sur tous les thèmes possibles et imaginables, scientifiques, philosophiques, historiques… Des réponses, oh oui, j’en avais. Mais accompagnées du triple de questions… Galère et bonheurs emmêlés !

Un autre truc génial qu'il a fait: m'offrir de pratiquer une discipline sportive qui s'avéra également philosophique, l'aïkido. Quelques premières réponses spirituelles, c'était très bienvenu pour mes douze ans si torturés: j'ai très vite passé aux entraînements avec les adultes, je trouvais le cours pour les mômes un peu trop "amateur". J'ai arrêté quand cela m'a paru trop extrémiste, et que j'ai pu me forger quelques outils personnels pour avancer.

 


 

Intermède et fin : Zorro m’accompagne dans la pièce voisine, et dans ses jeux repousse accidentellement la porte. N’a d’autre but, du coup, que de sortir ! A une année et demie,  s’il a compris qu’il pouvait du museau élargir une brèche entre porte et montant, et s’il commence à capter que d’une patte il peut ramener une porte vers lui quand elle ne s’ouvre pas dans le bon sens, il lui manque de pouvoir ordonner des séquences isolées de manière logique : il n’a pas encore capté qu’il pouvait lui-même être l’obstacle à l’ouverture… Tablant sur le pouvoir de l’urgence et du stress qui s’ensuit et qui donne souvent lieu à des éclairs de génie chez toute espèce, je m’arrange pour provoquer un bruit qui le fait habituellement fuir à ras-de-terre les oreilles baissées. Miracle… il trouve moyen d’agencer ses actes, et le voilà tiré d’affaire. On va bien voir si cet accident se répétera au point de devenir un réflexe.

 

Question progrès, j’ai foi en la nécessité de se sortir des mauvais pas, pour tout être doué de réflexion. Un puissant moteur, en vérité. Faut bien ça pour accepter les aléas de la vie et le hasard permanent qui préside à notre présence sur Terre…

 

Sur cette note d’espoir, je file petit-déjeuner : un billet de blog dès potron-minet le dimanche, ça demande un peu de sucre pour le cerveau. En d'autres termes, je crève de faim!

 

Tshaw et bonapp' tout le monde.

 

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6 novembre 2010 6 06 /11 /novembre /2010 07:34

L’amitié serait-elle une notion à redéfinir selon l’époque ?

 

« Un livre , un jour », courte émission quotidienne de la troisième chaîne française et prenant place au début des jeux d’esprit de la fin d’après-midi, accueillait récemment Sandrine Treiner, auteure d’un ouvrage sur le sujet.

Il semble que ce soit une compilation d’anecdotes ou d’échanges littéraires entre amis célèbres, et remontant jusqu’à l’Antiquité.

En quelques minutes puisque l’émission ne dure pas plus, deux développements principaux sont proposés : l’amitié entre femme et homme sans que le sexe ou les sentiments amoureux s’en mêlent, mais surtout la définition-même de l’amitié.

 

Au-delà du fait que tout comme l’amour, ce mot regroupe sous un terme générique tous les liens qui peuvent faire se fréquenter des gens, puisque toutes sortes de formes peuvent en exister, je m’interroge sur ce qu’est un ami ou une amie, dans le sens où dans l’absolu, le temps n’a pas prise sur l’amitié.

Or, les inclinations s’érodent, d’une manière ou d’une autre ; elles cassent – parfois, elles se renouent. Et tout comme en amour, la plupart des cultures semble-t-il évoluent entre le lien principal et des liaisons plus passagères; je pressens un parallèle  "amical" à faire avec la situation où l’on se jure - parfois en public - éternité et indéfection, sans que pour autant cela nous prémunisse contre la séparation.

 

Il n’y aurait que le cul de différence entre amour et amitié, soit. Autre débat, pour un autre billet peut-être…

 

Toujours est-il  que j’ai percuté à retardement sur le propos de Treiner, qui sans que je l’aie lue, me lance sur une piste semée d’embûches. Ca m’a réveillé tôt ce matin, avec comme détonateur une ixième situation de lâchage de dernière minute par un(e) ami(e) qui s'est déroulée hier soir… je m’explique.


A la fin du mois passé, ayant réussi à me ménager une semaine complète de congé, j’en avais profité pour poser quelque sept rendez-vous bien répartis, placés sous le signe de la détente et de la visite de beaux endroits.

Six d’entre eux sont tombés quasi au dernier moment, pour des raisons diverses, mais très majoritairement situées dans le registre « Ca me fait trop pour ma journée, même si je l'avais prévue comme ça ». Dépitée, j’en étais à me dire qu’à la fin de l’année, il allait falloir trier les adresses que j’avais vraiment envie de faire passer d’un agenda à l’autre, certaines personnes paraissant coutumières du fait...

 

A la réflexion, passant du mouvement d’humeur à l’auto-examen en quête d’humilité, je me suis dit que si je pouvais parfois sentir le pâté, ma foi, ce n’était pas une raison pour endosser à la fois la déception et la culpabilité de ne pas prendre un jour après l’autre (tarte à la crème aisément employée pour se dédouaner, du côté des lâcheurs comme des lâchés, je trouve!)

 

Le point le plus commun de ces défections s’avère être le stress vécu au jour le jour : des ambitions démesurées sur l’emploi du temps… alors que dans mon cercle d'amis plus ou moins en pleine conscience de nos quaranto-cinquantaines, nous accusons pourtant tous le coup sur la question « capacité à foirer et à s’en remettre ». Nul n’a maîtrise sur les virus, accidents ménagers et autres causes, ni sur les  petites personnes susceptibles de faire une fièvre de dent de lait. Mais même si le hasard malheureux reste maître du jeu de cartes, nous préparons parfois nos échecs et nos remises aux calendes grecques avec un soin à la fois particulier et totalement aveugle ! Pour rappel, les calendes grecques, c'est un truc qui n'existe pas...

 

J’aime le happening ; j’aime qu’une pote m’appelle à l’arrach’ pour me proposer de prendre la voiture et de faire 120 kils aller-retour pour aller nous esbaudir sur les toiles de Nicolas de Staël à Gianadda. L'’impression de satisfaire un caprice est une petite bouffée de liberté parfumée à l’adrénaline de l’imprévu, surtout si je reviens de cette expédition avec un poster géant d’une œuvre qui m’a mise à genoux.

 

Mais ceci, je déteste : qu’on me réclame en minaudant une soirée à deux, que la date posée tombe à l’eau le jour-même vers le milieu de l'après-midi « Pardon, journée trop pleine, suis raide, on reporte ? ». Que l’on me demande de reproposer une date trois semaines plus tard, sans jamais confirmer celle-ci, mais en me réveillant à 7 15 le jour-même, encore, pour demander « A quelle heure je viens ce soir? » (réponse de moi : « Ah ? Tu devais venir ? »). Que l’on maintienne le rendez-vous malgré tout, ma soirée étant restée libre par hasard, mais qu’après une journée passée à préparer cette rencontre, je reçoive un SMS me disant 15 minutes avant (!) qu’on sera en retard d’une heure minimum… car l’on est en train de souper à 40 kils de chez moi et 15 de chez soi… et qu’on réalise à voix haute qu’on a toujours les yeux plus gros que le ventre concernant ses programmes quotidiens …vous je sais pas… mais moi ça me gave. J’ai annulé.

Je ne suis pas sur un tablard, mon amitié non plus.

 

On est tous stressés, surbookés, pressés par la vitesse des comms qui ne souffre plus la moindre attente, des délais et des mandats qui se compressent, des loisirs qu'on lutte pour préserver...

 

Tous? Non: un petit village du Nord des Relations humaines résiste...

 

Treiner postule que ce qui a changé à notre époque, c’est le temps qu’on passe à être avec les personnes qui sont prétendument nos ami(e)s. Je parlerais plutôt de qualité du temps passé ensemble, ce qui ne signifie pas « temps de qualité »… Car là encore, faut s'entendre sur ce qu'est la qualité.


Moi, ça me met mal à l’aise que faute de se garder de la marge, du temps-à-rien-foutre, à bayer aux corneilles (délicieux!), certaines amitiés deviennent des espèces de comptabilité, dont la loyauté s’absente pour cause de mauvaise gestion répétée d’agenda ; mais pire que tout, quand elles montrent en filigrane des colonnes « plus » et « moins », dont le risque de passer une soirée un peu plate doit être exclu. Une amitié, à mon avis, doit pouvoir supporter de passer par des moments moins jouasses que le bliss bienheureux à tout crin et l’éclate – mais, aussi, ne pas seulement se réveiller en cas de besoin.

Une autre amie en effet, que je vois rarement et qui un jour en chat me disait qu'elle n’allait pas fort, et à qui j'ai proposé de passer l’après-midi ensemble après avoir compris qu'on avait par hasard congé toutes les deux, me répondit que son mec avait du temps et allait lui remonter le moral, ce doudou d’amour… Attends, louloute, je voulais pas tenir consultation psy, je te proposais d'aller boire un pot tranquillou et de nous changer les idées en parlant d’autre chose, les orteils en éventail sur une terrasse du Lavaux… mais bon, va aussi falloir que je lui dise une fois que ça me donne l’impression de jouer les utilités quand elle accepte une invit’ ou en fait une en rajoutant systématiquement une remarque laissant entendre que c'est parce que Chouchou est absent qu'on se voit. Faiche, à la fin, penser à haute voix, c'est un truc qui va bien en psychothérapie...

 

 

Il y a une sacrée nuance avec le fait de se laisser de la liberté, de se sentir à l'aise de dire « On se rappelle le jour-même pour voir comment on se sent ? », quand il y a un long trajet à faire et qu’il faut assurer, par exemple.

J’aime bien qu’on arrive à se dire « Allez on y va », mais aussi « Là, je me sens patraque et grognon, tu es d’accord de me cornaquer et de me supporter comme ça jusqu’à l’expo ? Je vais me dérider à coup sûr quand on y sera ». Et aussi « Je me sens insupportable, mon dos me fait souffrir, je reste à la maison ». J’aime cette franchise et cette tolérance, l’indépendance pour autant qu’elle soit respectueuse, l’écoute de soi pour autant qu’elle fasse la part belle à l’écoute d’en face.

Ce plaisir du truc magique, c’est énorme – je propose, tu dis oui, on laisse tomber le rapport ou le ménage qu’on avait en train, et on s’offre une enfantine bouffée d’excitation et de transgression, un petit luxe de temps.

 

Je pratique aussi le rendez-vous posé longtemps à l'avance: quelquefois, à date fixée, je vais voir mes potes gays de l’autre côté de la Chuiche, quel que soit notre état; et même si c’est pas le gros trip, on en sortira ragaillardis car on aura vécu, préparé et partagé des repas et pioncé sous le même toit le temps d’un week-end – là ça me tient chaud au cœur, c’est douillet et cocon de soie. On fait avec qui on est à ce moment-là, ni plus ni moins.

 

Amitiés différentes, amitiés quand même. Les autres... je vaizy dire deux mots, tiens. Ou, mieux: ne rien dire, et laisser le lien se défaire tout seul, car ce genre d'étoffe se tisse à deux, trame et navette, comme l'amour.

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4 novembre 2010 4 04 /11 /novembre /2010 09:43

Pour une fois, je vais parler politique. Je suis loin d’être une lumière en la matière, c’est peut-être même mieux ainsi : je pose un regard naïf sur les événements, en tant que citoyenne lambda, et tant pis pour vous si je profère ce qui vous semble des conneries, je vous aurai averti !

 

Obama perd la majorité démocrate au Sénat. Obama va devoir entrer dans la cohabitation. (Non, je vous parle pas de politique en Chuiche - et, non, j'ai pas de Greencard.)

 

Moi je dis « glori-glori alleluiah ». Un chef d’état qui doit composer avec l’adversaire, c’est une aubaine, une preuve à donner de son habileté politique. Clinton avait du le faire aussi, je crois ? Et bien que mon cœur penche nettement vers la gauche, je trouve bien que des politiciens se tenant en principe de mon côté doivent exercer ou démontrer leurs talents de négociateurs pour pouvoir tenir le cap de leur idées et de leurs réformes. Après tout, il s’agit non pas de satisfaire ses électeurs et de pisser à la raie des autres et de l’autre bord politique, mais de gouverner une nation.

C’est un équilibre à trouver, pas un trophée à gagner. Mettre en place une politique de santé, voui, génial. Et avec l’aide et le travail déjà accompli par son meilleur adversaire démocrate aux élections présidentielles, encore mieux. Mais que la classe moyenne se sente laissée pour compte de la crise, et le fasse payer aux démocrates en rendant un verdict clair lors du vote pour les chambres, c’est un signal fort et très utile pour un mandat qu’on souhaite voir réussir.

 

Là-dessus, voilà qu’au Brésil se fait élire sans coup férir une quasi-inconnue, qui promet de continuer la politique du président sortant. Et je rigole pensivement (on peut dire ça ? allez, je le dis), parce que bien que Poutine ne soit plus au pouvoir, perso j’ai plus de peine à me rappeler du nom de l’actuel président russe, qui joue les éminences grises de première ligne, pour ainsi dire.

 

L’idée d’avoir un successeur qui assure une certaine continuité, dans l’absolu je dis oui. Les mandats présidentiels sont à double tranchant concernant leur longueur : trop longtemps suffit à durcir des positions et des situations, les limiter est un bon réflexe. Par contre, un état c’est comme un transatlantique : entre le moment où on donne le coup de barre à bord toute et le moment où le mastodonte commence à changer de cap, vu son inertie, faut une bonne demi-heure. Et tous les icebergs ne sont pas visibles, même avec des bonnes jumelles – les observateurs politiques ne sont pas des devins, hein…

Si l’électeur moyen s’attend à ce que son président fasse des miracles en un temps record, va falloir grandir un peu, sortir de la pensée magique et confronter la réalité. Et laisser du temps au gouvernail pour que la route du mahousse-bateau se modifie. Un  électorat qui, déçu par son élu, vote pour le bord adverse au coup suivant, conditionne un pouvoir d’état qui va en zig-zag ; donc épuise son énergie en vain (et ma soupe-au-lait de cliente d’hier soir aussi, tout comme elle me prend le chou : après avoir requis de l’aide et un rendez-vous en urgence pour ce matin - une lettre à écrire au patron abusif de son mari - elle me téléphone une heure avant pour annuler car la situation pourrait s’arranger toute seule… c’est cela, ouiiiii. A part ça, hier j’en ai vu un autre, de client… qui semblait disposer à raquer du pognon juste pour pousser une gueulante pulsionnelle auprès de sa gérance qui augmente son loyer; pas d’argumentation, pas de stratégie, pas de passage par une association de défense des locataires : juste « Non ». Cool. Ca va aller très loin, sa démarche ; mais bon, avec sa carrure et ses manières intimidatoires, doit pas être habitué à devoir composer subtilement).

 

Un électeur qui vote impulsivement, de peur, de colère ou d’autre chose (l’est méchant, poupa, de pas me donner la petite voiture que je veux, je le déteste), rend en fait un service signalé, et précieux à récolter. Si Obama arrive à tenir un cap démocrate malgré des chambres plutôt républicaines (d’une courte majorité, quand même, non ?) et à se faire réélire pour quatre ans, ben c’est tout bénéf’ pour les gens du peuple, à vue de nez. Ce serait cool de conserver un système de sécurité sociale utile aux plus démunis et qui ait le temps de faire ses preuves, pendant que les navigateurs bosseraient pour ramener les autres trimarans de la classe moyenne dans des trajectoires correctes.

 

Brèfle… finalement, l’idéal, c’est la cohabitation, car même écouter son adversaire, c’est calmer le jeu  - petit parallèle qui vaut ce qu’il vaut : dans mes mandats d’archiviste, il est crucial, en même temps que je prends connaissance des fonds, d’auditer les personnes qui vont devoir travailler avec le système que je vais concocter – je ne vais pas les satisfaire toutes, mais au moins pouvoir dire, à la fin « Je n'ai pas choisi la solution idéale, car elle n'existe pas; mais celle qui a le plus de chances de contenter un maximum des personnes entendues, sans mettre personne en difficulté».

 

 

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