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14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 11:02

        Pour reporter les lignes majeures d’un dessin sur la surface à peindre, les peintres de fresques les perçaient de petits trous, puis les plaquaient contre le mur ou le plafond le temps de passer un pinceau sur l’ensemble de ces trous. Ainsi, le maître pouvait se décharger sur ses ouvriers de cette phase préparatoire, au moyen de ce qui se nommait le « poncif ».

Par extension, le terme désigne la banalité d’une chose reproductible, et bien sûr, le lieu commun.


Comment traiter de ce sujet en évitant précisément d’y tomber… on va essayer, hein.

 

    Sur le net, ça fait florès. N’importe qui peut ouvrir un blog (moi comprise, où croyiez-vous donc être ?) et du coup inonder la toile de ses pensées, même toutes faites. A côté des dictionnaires et autres académiqueries zincontournables – arme de poing de ma profession de documentaliste - Wikipedia est ma référence de départ favorite pour prendre la température  de l’air du temps en sondant le trou du cul du web ; ce miroir de l’opinion publique est un trésor.


[Heuh, et voici pourquoi: l'anus est, dans ma première profession, l'endroit où collecter la plus sûre donnée sur la température corporelle. Et une porte d'entrée permettant d'administrer des médicaments, des traitements, de refroidir ou de réchauffer un organisme, etc. Grand respect à cet orifice, soyez-en sûr. De plus, dans ma nouvelle profession, je me suis vite aperçue que, si mes mentors n'ont cessé de me renvoyer aux encyclopédies quand je ne trouvais pas mon chemin, tout en disant de se méfier de Wikipedia, qui avait  à leurs yeux la plus sulfureuse des réputations - comme le lieu par excellence où croire trouver du fiable et se paumer complètement... par contre ma pratique m'en a montré d'autres avantages: la manière dont les infos sont proposées m'épargne des heures de recherche, me permet de recentrer très vite une recherche en l'axant sur une perception particulière: dans mon domaine, s'il est question de piloter les chercheurs scientifiques dans une masse documentaire réputée "sérieuse", les anthropologues, sociologues, journalistes, documentaristes et autres observateurs de l'humain et de son environnement sont friands du genre de données qu'on trouve sur Wikipedia. Bonne pioche, donc... d'autant que les balbutiements de départ de cette plateforme se sont pas mal transformés en vocalises plutôt harmonieuses, la plupart du temps. Petit exercice simple auquel se livrer pour mettre toutes les chances de son côté, cependant: comparer pour le même mot (concept, idée, problématique) les articles de Wikipedia, et ceux d'au moins un ouvrage réputé "de base et sérieux". On repère vite les gaps, et les bizarreries!]



Wikipedia, donc, je disais.

Ce qui est marrant, c’est que dans l’article « blog », on laisse entendre que les auteurs de blog ont forcément quelque chose d‘intéressant à raconter, pour dire juste ensuite que des milliers de ces espaces sont abandonnés quotidiennement faute  de lectorat… Il est donc intéressant de dire, en soi... mais peut-être pas intéressant de lire. Ca fait toute la différence.

J’en conclus que l’on peut aller parfois bloguer comme on va aux chiottes, se débarrasser de ce qui n’est pas utile pour l’organisme. Mais pour une raison écosystémique qui me laisse songeuse et éblouie concernant la finitude de notre existence, c'est une mine d’or pour d’autres… (Sans compter que l'acte de chier est un truc incroyablement précieux, dont la malfonction nous fait éprouver tout-à-coup de grands moments de solitude, s'pas? En vérité je vous le dis: il FAUT chier. On peut mourir de ne pas chier. Chier est bon pour vous. Rien que pour ça, et en soi. Et pour d'autres raisons. Bon je dérape, on en recausera ailleurs et à un autre moment, voulez-vous?)

 

     Digression ( j'en suis plus à une près, hein) : à quelques centaines de mètres de chez moi (j’y suis heureusement hors d’atteinte) se trouve la STEP - STation d’EPuration ; l’autoroute passant à côté, il est donc facile d’identifier ses remugles le jour où le vent souffle du mauvais côté.

Un frais et beau dimanche de juin, en route vers une broche au jardin avec un aimable inconnu, ami de mes amis, nous empruntons la voie rapide ; tout-à-coup je vois le gars baisser sa vitre pour humer à fond les relents particulièrement forts ce jour-là.  A la vitesse de l’éclair je me perds en conjectures (si si, on peut), maîtrisant mon envie de bondir sur la commande électrique pour nous sauver de ce masochiste olfactif … En fait, c’était lui le directeur de la station et rien ne vaut l’observation directe pour être crédible devant le contribuable et la Municipalité qu’il a élue!

Tudieu vicomte, ce jour-là j’ai donc pu dire en direct et à un vrai responsable ce que je pensais depuis longtemps et avec une résignation teintée d'émerveillement : la STEP, c’est quand même le seul endroit que je connaisse qui arrive à sentir en même temps la merde, la lessive et le saucisson…

 

 

    Bien bien bien bien. Je disais donc. Voui.


La blogosphère prend donc parfois des airs de cagoinces mentaux universels, où l'on retrouve bien plus que le produit des émonctoires (exemple concret: vieux spagh', résidus d'infusions et tissés humides à l'usage de postérieurs adultes). Qu’importe ou presque ce qu’on abandonne derrière soi, ça servira peut-être, on s'en fout dans le fond. En fait, ça me sert à moi quand je tombe sur des morceaux d’anthologie. Au passage, pas besoin d’ouvrir un blog, écumer les fora pour aller y déverser ses ongles cassés ou ses pétoles cérébrales, c’est bien suffisant…  surtout si la modération y est aléatoire, en montagnes russes ou préférentielle aux opinions de qui l’exerce (après avoir férquenté ou observé une bone quinzaine de fora, je vois qu'il y a de tout, et que la meilleure volonté n'y suffit pas; personne ne doit passer de test de compétences avec assessment pour prouver sa capacité à l’exercer, la modération...

Oui, sur les fora, j’observe souvent une sorte de diarrhée verbale que le terme de logorrhée désignerait imparfaitement, donc allons-y joyeusement pour un néologisme à ma manière : l’internologorrhée.

[Ah que ouais, que ça me plaît bien.]


     J’en viens au pacte autobiographique décrit par Lejeune, autorisant via les commentaires des lecteurs l’impact parfois rude de la gifle aller-retour, suivant ce qu’on a débordé chez eux de terrain inondable… Mais ainsi va la vie, quand on décide de se raconter l’on s’expose. Ou alors, pensez à bloquer la possibilité des commentaires, il y va de votre protection mentale : la loyauté n’est pas toujours de mise, et un commentaire même effacé reste une atteinte à votre sincérité.

Sans aller si loin, je me rappelle avoir été abreuvée de messages quotidiens par une dame qui adore son chat et concentre son énergie sur cette friponne à poils. Well, Zorro est mon petit dieu tutélaire, mon lare, mon copain de jeux quand il sort de sa léthargie diurne. Mais aussi une de mes muses pour ce qui est de réfléchir à l’attachement, au manque, à la puissance de la présence… cette énergie particulière et qui se passe de mots, pour décrire tout le tacite d’une complicité au quotidien. De ce compagnonnage, je rebondis en effet souvent sur mon concept de la solitude, reliée au monde par la radio, la TV, Internet - en dehors des moments où je vais prendre un bain de contact humain. Je réfléchis grâce à sa compagnie à ce qu’est l’amour, le lien… ce que moi j’en pense, comment je le vis, comment j’en rêve.

 

    Internet est un no man’s land où la gratuité du geste d’écriture, qu’elle soit reçue et lue ou pas, représente parfois la garantie de ne pas sombrer plus en terre de désespoir. Mais aussi, et c’est là tout le pet de l’histoire, l’extraordinaire besoin de conformisme que les buzz suggèrent ; où être dans le coup avec les copains, c’est être au courant de ce qui est devenu fashion simplement parce que certains plus influents l’ont décrété comme tel.

Une sorte de rumeur d’Orléans qui permet à de vrais artistes comme Ebony Bones de se faire connaître : je kiffe sa musique nerveuse, ses tenues déjantées, son aura lumineuse de fille qui en veut et sort du lot.

Mais Internet permet également l'absurde notoriété d'un obscur et fat ex-étudiant en gestion de 22 ans, qui se trouve - et a réussi à se vendre comme tel, un comble!  pas trop mal de sa personne (quoique… ça se discute, je suis pas friande). Le comique de la situation, c'est qu'il se retrouve à peu près acculé, pour ne pas disparaître du paysage médiatique, à aller passer sa crise d'adolescent rebelle attardé en ramassant les crottes d’autruches sud-africaines domestiques depuis quelques semaines – tout en proclamant qu’il est bien trop « bogosse » pour le faire, et se mettre ainsi à dos ses co-aventuriers. [Oui, pas taper, je regarde ici et là "La ferme-célébrités en Afrique", car j'ai un mandat en cours pour constituer un dossier documentaire sur certains phénomènes de société... ] Bref. A quoi tient la notoriété, hein, parfois… A se faire détester avec constance pendant le max’ de temps possible, mais sans forcer le trait pour ne pas se retrouver hors-jeu, en l'occurrence... tu parles d'un challenge: le pauvre chéri en est réduit, pour maintenir un peu d’intérêt à son égard, à asperger d'huile les feux nombreux qu’il vient de tenter d’éteindre pour équilibrer la donne… Comme quoi, une mauvaise relation, c’est mieux que pas de relation du tout. Et jouer des coudes pour aller en finale, le seul moyen pour ne pas sombrer dans l'indifférence. Ca m'épuise rien que d'y penser...

Il en va de même que pour n'importe quelle sorte de pouvoir: pour se le voir accordé, il faut des gens qui l'accordent!

En vérité je vous le dis: pour voter Machinet, tapez zéro pointé.


      Ca ou les évangélistes technologiques, pareil au même. Culte, fanatisme, adoration. Mais aussi le renversement progressif de tyrannie que constitue le désintérêt suscité par le gavage…  Savoir se tenir en équilibre sur le tranchant du rasoir d’Ockham de l’internauterie. Infobésité. Burp. Ah là là, on est pas sorti de l’auberge ! Quel drôle de monde immédiat et prêt-à-jeter nous habitons, quand même.

 

Bref, je commence à entrevoir un peu plus distinctement en quoi le conformisme du spectateur a faim de ceux qui se hissent, à tort ou à raison, au-dessus de la mêlée. Ce que l’on n’a pas, on le regarde et l’envie de loin. Au besoin, on se forge un veau d’or qu’il sera facile de refondre à la première occasion.

 

Faites chauffer, suivant !

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13 mars 2010 6 13 /03 /mars /2010 14:20

 

    Longtemps j’ai cru que certaines choses étaient à faire absolument, dans la vie ; puis j’ai cru qu’il m’en fallait faire le deuil, puis j’ai simplement accepté que je ne les ferais jamais. Et que je ne m’en porterais pas plus mal.

Dans cette liste : bâtir une relation solide avec un partenaire / habiter avec ce partenaire / faire un enfant avec ce partenaire / puis un deuxième. Je dois en oublier, mais des secondaires.

Avec ça, une bonne thérapie parce qu’une célibataire sans enfants, hein, ce n’est pas normal. Y’a forcément une tare…

Et d’accuser mon parcours dans ma famille d’origine, les difficultés de tout ordre, pour expliquer pourquoi ceci est comme cela. Dans l’espoir secret que, du moment que ce serait compris et métabolisé, je pourrais enfin : bâtir une relation solide avec un partenaire / habiter avec ce partenaire / faire un enfant avec ce partenaire / puis un deuxième. Je dois en oublier, je vous dis.


    La thérapie m’a emmenée tout ailleurs. L’introspection a d’abord été un acte nécessaire pour ne pas couler, j’ai confié à une oreille discrète et neutre mon exode intérieur avant d’arriver aux limites du désert. A bien y regarder, je me suis inventée les repères qui me manquaient, grâce à des parents de substitution. Il était temps que je me mette au travail sur moi-même, que je me « devienne », quoi: avec juste un bac en poche, on ne pèse pas lourd. Et minimiser la souffrance est un risque, tout comme en banque on paie fort cher les intérêts qu’on laisse courir…

 

« Oui tu deviens un peu folle, mais c’est ce qui arrive souvent aux gens bien » ( à qui attribuer la paternité de ces mots, je ne sais trop… Tim Burton, « Alice in Wonderland » ? Bref).


     L’acte de thérapie devient courageux dès lors qu’il est sans complaisance, et que muni de certains harnais de sécurité dans la tête, on se lance dans le vide malgré la trouille au ventre. Lâcher des contraintes, ce n’est jamais simple, surtout quand elles représentent des garanties d’intégration…  Faire partie d’un groupe demande d’accepter ses règles, de manière assez générale.

Je crois qu’il existe un métal qui, plus on le travaille, plus il développe de résistance et perd de sa souplesse. Il faut ruser, chercher d’autres voies pour l’amadouer et lui donner la forme qu’on souhaite. La résilience, avant d’être la capacité à rebondir du plus profond des trous, désigne quant à elle la capacité d’un métal à reprendre sa forme initiale après avoir été manipulé. Son adaptabilité et son élasticité, quoi.

On rêve tous d’être libres, mais en somme, plus ça va ,plus l’évidence s’impose : si on n’a pas les moyens d’être une île (financiers, psychiques ou les deux), faire partie d’un groupe a du bon, question survie.

     Je me suis raccrochée à un radeau professionnel qui passait, reconnaissante infiniment qu’on veuille bien m’embarquer, car mal-bâtie dans mon estime de moi : j’ai pris pour une faveur ce qui n’était qu’une admission voilée du soulagement de mon entourage que je veuille bien l’intégrer; mais à l’époque je pensais que je devais tout, et que rien ne m’était dû : mauvais balance interne.

Un premier diplôme a assuré mes arrières : du travail, j’en trouverais toujours, dans ce domaine. Pourtant, à peine reçu mon papier, j’ai senti monter une vague assez terrifiante d’autant plus qu’elle était indistincte ; pour dire les choses simplement… je me suis demandée ce que je foutais là. Elément important du tableau, à part égale avec la recherche de l’amour.

25 ans plus tard, je n’ai fait que tenter de trouver l’équilibre entre l’adaptation et la remise en question. Dénouer les multiples entrelacements du psychisme demande une patience de fourmi, c’est un jeu de mikado… Evaluer quelle pièce va pouvoir être gagnée sans trop de frais, faire le ménage des bâtons qui sont tombés à l’écart, déblayer les abords, anticiper le mouvement de ceux qui vont bouger en fonction de la fatigue de l’équilibre du tas… Le bâtonnet à torsade bleue, celui à 50 points, n’est pas toujours inaccessible ; et gagner la partie peut se jouer, en regard de ce seul atout chez un adversaire, au cumul des points de son partenaire, glanés petit à petit avec les bâtons mineurs.

Bref, le pouvoir n’est rien, sans les plus petits qui l’accordent.


Puisqu’on joue avec soi-même, il importe d’évaluer également les pertes et profits résultant d’une action – le but étant plus que jamais de rester dans une dynamique de gagnant-gagnant : est-ce bien le moment de fournir un effort conséquent sur un point précis, alors que j’aurai peut-être le même résultat en attendant simplement que les circonstances rendent accessible l’objet de ma convoitise? Quelle écaille, quelle croûte-au-genou allait partir d’elle-même, pouvais-je m’épargner d'exposer un peu trop tôt le tissu tout neuf  et rose violacé en-dessous ?

 

    Bref, à terme, la thérapie m’a amenée à examiner de près ce que je croyais être mes buts, convergeant en un but ultime : me sentir normale. A l’époque, ça voulait dire me sentir dans la norme, m’intégrer, arriver à faire comme les autres.

Côté profession, j’ai démultiplié les tentatives de sortie… mais comme je ne savais pas où je voulais vraiment aller, je restais sur le seuil, hésitante, timorée, entrevoyant en quelques éclairs de lucidité que ce ne serait pas forcément plus jojo ailleurs : ma merde voyagerait dans mes bagages, pas moyen de l'oublier purement et simplement sur le tapis roulant de l'aéroport.

Côté amour, sans trop me forcer, j’ai réussi avec mon caractère trempé et ma carapace forgée à toute vitesse, à tenir éloignés les prétendants (surtout prétendants à utiliser mon utérus, in fine – c’est ainsi que je voyais les choses et je crois que je n’étais pas loin de la vérité).

J’ai cru être enceinte une fois, et en attendant que se confirme la chose, il était d’ores et déjà clair que j’allais avorter : engager ma vie sur un accident, même survenu au sein d’une belle relation, n’avait aucun sens si cet enfant n’était pas profondément désiré. Je fais bien la distinction entre le désir d’être enceinte et le désir d’enfant : être rassurée sur sa fécondité, et ainsi rassurer peut-être l’entourage sur diverses choses (son orientation sexuelle, sa capacité à faire un choix, voire sa capacité à résoudre un supposé dilemme…), c’est très différent de la disponibilité qu’on a ou qu’on croit avoir, pour élever un petit d’homme pendant le quart de siècle suivant. Gloups, sans moi.

Une grossesse, quelque part, c e n’est qu’un symptôme ; un signe évident que tout est à sa place?

Confusément, je sentais que tout pouvait être bien à sa place, mais différemment.

 

     Une fois donc ce symptôme écarté, le suivant à explorer était la croyance que je devais avoir un homme dans ma vie, une relation stable, comme un gage de réussite sociale. Ben non. Chou-blanc, résolument : mes histoires étaient fortes, belles, mais foiraient dès que pointait l’ombre de la cohabitation ou de toute autre forme d’engagement symbolique, ce qui me mettait sur un tapis de fakir… Je n’en avais pas fini, et de loin, avec ce qui est apparu de plus en plus nettement : la co-dépendance. A savoir, dans mon cas, le mouvement inconscient qui me poussait à nouer des liens avec des hommes qui avaient besoin de moi plus qu’autre chose, alors que moi j’avais besoin qu’ils aient besoin de moi.

Tout comme dans mon travail, le fossé entre le discours et la réalité me paraissait se creuser de manière insupportable : créer une demande de plus en plus forte en glissant une première offre a priori anodine. Le toboggan à pente très ténue d'un vocabulaire d'outre-Atlantique, introduisant la notion de clientèle dans une profession à l’aura altruiste, voilà qui m’interpellait avec force, que je l’agrée ou que je m’en défende : tout travail mérite salaire, tout travail a ses prestataires.  Je m'en suis défendue tant que la sécurité du groupe m'a été nécessaire (et que crier haro et au loup me tenait chaud - et puis, ensuite... j'ai agréé, comme une manifestation de bon sens que c'est, rien moins. Et puis je commençais à avoir trop chaud, à respirer mal: trop penser dans un endroit exigu, ça pompe l'air du cerveau.                                             

 

     Bref : je mettais de plus en plus d’énergie à consolider un mensonge à moi-même et aux autres – et je réussissais de moins en moins à dissimuler ce qu’il m’en coûtait d’être là : actes de rébellion, discrets ou sous forme d’actings fusant de manière incontrôlée. Encore heureux que je n'aie pas posé culotte dans le bureau de mes chefs, ce n'était pas l'envie qui m'en manquait.

Tout ceci à mis plus longtemps que la longueur d’un paragraphe à sortir au grand jour ; entretemps, sur le plan privé, j’ai même réussi à croire que si je sortais de la norme du couple, cela devait signifier que je devais être lesbienne-dans-le-placard. Je me souviens encore de la mine "Bon sang, mais c'est bien sûr!" de quelqu'un de ma famille quand je me suis posé la question à haute voix en sa présence.

Essayé, pas pu. Voilà pour la question…

 

     Thérapie, thérapie : déconstruire sa vie, la faire parfois douloureusement voler en éclats, pour devenir ce qu’on est. On ne cesse jamais d’être soi ; mais cesser de se cacher des autres ou, plus sournois, de soi-même… toute l’affaire est là.


Décortiquez; défaites, patiemment, les petites griffes du quotidien qui vous mènent jour après jour à des endroits qui finissent par vous désespérer, au sens littéral du mot ; par vous priver d’espoir, du ressort du changement.

Il est des graines obtuses qu’on tente d’ouvrir pendant des mois, des pistaches merdiques qui ne valent pas le coup de dent qu’on y met - la gencive s’ouvre et saigne ; bien plus tard, si elles ont toujours fermées, il suffit de les balayer en poubelle – boaf. J’ai bien réfléchi au sens dont elles sont porteuses, et ma conclusion c’est qu’elles ne servent qu’à nous occuper le temps qu’on décide de se confronter à ce qu’il serait trop dur de travailler si ces mini-moules ligneuses ne se présentaient providentiellement pour capter notre attention… elles nous protègent, en somme, le temps de refaire nos forces.

 

Il y a aussi des moments de prodige où le ciel gris se déchire d’un coup, et où on croit recueillir la grâce divine, le pardon, le miracle, la plénitude. On pleure de joie. C’est immense, à recevoir… et parfois le contrecoup à gérer s’avère également costaud : retomber sur ses pattes, digérer, intégrer au quotidien - car les autres n'ont pas tout suivi, et votre bonheur ne peut pas toujours être partagé.

D’autres fois, ce sont trois jours de pleurs désespérés qui nous sont réservés, qui nettoient l’atmosphère un bon bout. Mais pas tout. Du ciel de traîne, il y en a toujours. Rien en fait n’est jamais réglé : on prend juste conscience de ses cicatrices, on apprend à les ménager, à les contourner. A les surveiller du coin de l’œil, des fois que.

 

     A terme, résultat des courses : professionnellement, je paie mes factures avec un job alimentaire – je m’arrange pour me tenir à un endroit où l’inconfort est réduit au maximum; j'ai un rôle de leader distancié, de semi-bureaucrate de terrain, de médiatrice ; relativement bien payé, après 25 ans dans la mêlée… l’autre moitié de mon temps est consacré, dans mon nouveau créneau professionnel de limier sur Internet, à bâtir le job de mes rêves… puisqu’il n’existe pas, en fait.

Et pour le privé… j’ai accepté que la solitude soit ma préférence, j’ai noué des liens avec des gens et des partenaires qui acceptent et valident mon besoin de distance – c’est mieux de caler l’œuf de Colomb sur son assise émiettée que de se le prendre où je pense. Des êtres qui, en se posant des questions similaires, raisonnent et résonnent sur un mode harmonique concordant avec le mien. Encore fallait-il les trouver… et pour ce faire, être claire sur mes attentes et mes possibilités. Merci mes chéris, infiniment.


Ma sœur ayant payé un tribut plus que large à la perpétuation de l’espèce, les expectatives de ma famille à cet égard n’ont été pressantes qu’au moment où mon horloge biologique était censée se déclencher. Panne de secteur ! Le désir d’enfant par procuration, ça n’a pas trop bien marché, on dirait. Je n’avais pas la force d’affronter le paquet-cadeau avec Malux : pour bien faire, la place devait être déblayée autant que possible, et parti comme c’était, j’en avais pour la vie ! Soulagement discret et pas tout de suite repéré: comme une migraine, à partir d’un certain moment, ça vous lâche - c'est plus tard qu'on se demande vaguement quand ça a cessé? Les allusions fines - ô combien – et autres discrètes pressions cessent de se faire sentir ; qu’on les zappe, ou qu’elles s’arrêtent d’elles-mêmes. En cessant d’être le réceptacle potentiel de quelques otages de plus dans l’existence – ou d’autres grandes espérances de mon entourage, je suis enfin délivrée d’un grand poids… 


C’est ma vie à moi, nom de goué. Si c’est un droit, ou un cadeau, alors j’en fais ce que je veux. Un vrai droit, un vrai cadeau, si quelqu’un essaie de vous le transformer en devoir ou en obligation de recevoir, c’est qu’il y du plomb dans l’aile du coucou qui tente sournoisement de s’installer dans votre nid. Dégagez-moi ce profiteur, et un peu vite.


C’est vrai quoi : restons légers...

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10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 15:21

 

    Suis tombée sur une harangue pro-poil sur le net… ici : http://www.ecologielibidinale.org/fr/miel-etesansepilation-fr.htm


    Si l’auteur(e) de ces lignes pense vraiment qu’il y a des combats plus importants, je me demande bien pourquoi il ou elle a consacré le poids de 18 pages A4 à ce sujet  … Et quant à faire de la non-épilation un combat de résistant …

A quand le F.L.N.P. (Front de libération national pélissier) ?

 

Le non-poil, c’est le mal, ah bon.

A quand le créationnisme du poil ?

 

     Donc, selon l’auteur(reuh), je me conforme et je suis tellement conformée que je ne me rends plus compte que je le suis. Ah bon. Mais, heuh, même l’anti-conformisme peut être du conformisme…


Qu’est-ce qu’on vient m’emm.i.e.l.ler, à affirmer que je ressens faux (impossible, ça, d’ailleurs… ressentir ne se mesure qu’en intensité, pas en termes de vérité ou de fausseté), à marteler que j’ai juste intégré un truc qui ne m’appartient pas ?

Mais, heuh, déjà, s’il n’y avait pas un peu de contrainte, d’interdits et toussa toussa, ce serait moins drôle de transgresser, ou alors papa Freud est top-nul partout, au lieu de ne l’être que sur le supposé ressenti de manque de pénis.


     Alors poil ici, pas poil là...  choix intimes et dictés finalement par son propre érotisme, è basta. C'est pas social comme choix, pour moi... c'est individuel.

Bien se connaître pour bien s’offrir : mes jambes épilées sont plus sensibles à la caresse directe, mes poils pubiens qu’on effleure, ça m’électrise, le contact du slip en journée sur la zone épilée est très excitant : les grandes lèvres nues deviennent ultra-sensibles…


     Connais-toi bien : ce qu’on décide de faire de son corps est un choix personnel, conformisme ou pas. Je réclame le droit d’être influencée par mes semblables, car je vis parmi eux.  Pire, ça me plaît d’être un peu contrainte, ça m’excite. Je n’ai pas à choisir de me sentir – ou pas - en état de pathologie, aliénée sociale, ou complice d’une idéologie normative (sale histoire: même le féminisme en est une...), c’est un faux-problème ; et devoir rabaisser la tendance épilatoire pour rester à la même hauteur (égaliser la coupe?) est plus le signe d’une faiblesse de discours à la Coué qu’autre chose. Trouvé-je.


    A chacune et chacun son féminisme aussi...  penser par soi et pour soi ne serait une traîtrise à la cause humaine que quand quelqu’un s’érige en maître à penser, mille-neuf cent huitante-quatrise et slogante à tout-va... Ca vous a des airs de bandaison de groupe à l’usage des mous de l’assurance, qui finiront une fois ou l’autre, il faut l’espérer, par arriver à la maturité qui pense par elle-même et fait bien la part des choses. La liberté de penser c’est comme la liberté tout court:  je gère et je modèle comme je veux, n'en déplaise à Big Sister, qui peut bien se branler en watching me si ça lui chante : elle perd son temps.


     L’épilation sape la base du féminisme ? Ouaaah, quel pouvoir, it’s magic ! Ca doit déjà  salement branler au manche, alors (expression de chez moi pour dire que le terrain est miné à la base)... Je me crois revenue au temps des sorcières : quoi, il suffit que je m’ôte quelques poils pour désécuriser ce puissant mouvement, ben dis donc, je m’la pèt’, alouette ! Que les féministes gardent leurs poils, j’en suis fort aise pour elles ; mais voilà… tout le monde n’est pas féministe comme certain(heuh)s l’entendent (heuh). On peut être féministe free-lance, libertaire… ce qui m’inspire, à moi, un grand respect : être assez fort(heuheu) pour démarquer sa pensée d’une idéologie, ça c’est la marque d’un esprit tranquillement rebelle (respect maximum à Elisabeth Badinter, entre autres).


      Si "l'épilation contemporaine dans les "démocraties libérales"  "  n'a pas de sens culturel, alors pourquoi ne pas chercher son individualité moins dans le  " -ture " de " culture ", et plus dans le reste du mot… ? Je préfère cultiver ma broussaille ou mon slip Lenôtre, tiens, c’est plus actuel que de brandir des statistiques qui datent de 1965 ou même de 1922… Ou de partir en guerre contre les grands éternels méchants d’être-comme-ils-sont: et que trouve-t-on dans son corbillon, encore et toujours ? Pêle-mêle ? Encore et toujours, ces salauds d’USA, le porno, l’Antiquité (autres temps, autres valeurs : on y dégote aussi le pouvoir de vie et de mort du pater familias sur ses rejetons, ça ce serait du débat moral, nom de nom... mais le poil, comme thème essentiel à la réflexion de société? Oh allez, là, je me poile) ; comment remédier (ah bon ? il faut?) à un engrenage (oussa que doncque ?), fichtre, question essentielle pour sa santé, comme si s’épiler était du même ordre que prendre des somnifères ou causait des dégâts irréversibles…

 

     C’est un truc éminemment privé, en quoi cela regarde-t-il la chose publique ? Certains patrons donnent déjà les heures pour aller pisser, à quand donc les excitations contrôlées du samedi soir, comme dans « Un bonheur insoutenable », d’Ira Levin? Ce que chacun trouve sexy est si personnel… ce qui affole l’un ennuie l’autre, ma foi qu’y puis-je ? Mon plaisir est étroitement mêlé au fait d’en donner, donc l’attention que je voue à l’homme-dans-mon-lit me paraît un meilleur gage de chamade du cul qu’un quelconque raisonnement, qui ne tient qu’à un... poil.


Pour nous, chanceux d’être ici et maintenant, le libre-choix se donne moins qu’il ne se construit, patiemment, et jusqu’au dernier souffle. Si faire quelque chose qui nous excite, malgré les injonctions et objurgations parentales ou autres, rejoint le plaisir de la transgression, l’autre versant du mont-de-Vénus existe aussi : faire quelque chose bien que l’on nous l’ait recommandé, et cesser paisiblement d’être rebelle à soi-même. Connais-toi toi-même. Epile-toi ou pas, c’est ton choix. Epile-toi que là, et pas là, itou.

 

     Je vais vous le dire à l’oreille, sssshhhh… L’épilation est un petit moment de douleur exquise dans une après-midi hors du temps, au hammam où on se chouchoute entre filles, où j’hydrate ma peau, la fais masser et caresser… Voilà où mon temps libre me mène – temps libre dont je dispose, comme de mon fric, à ma guise, Elise ! J’y laisse flotter les rubans, comme dit une très chère amie et sœur de cœur. L’épilation est un ressort de l’érotisme sur le continuum douleur-plaisir, car ce sont les mêmes nerfs qui véhiculent les deux sensations opposées; qui plus est, chacun de nous a sa propre échelle de sensitivité. Quant à la puissance de l’imaginaire qui travaille quand je me fais préparer les grandes lèvres à recevoir avec plus d’acuité celles de Chéri, toutes douces autour d’une langue délicieusement inquisitrice, et toute sa bouche qui aspire, ventouse, masse et fouine… la charge érotique en est aussi forte que d’aller à la nuit tombée rejoindre un amant sur un banc public en talons hauts et nue sous un manteau. Personne ne définit ces choses-là pour d’autres que soi, et heureusement…


      L’épilation, c’est aussi un moment privilégié avec la minuscule Fatouma et sa douceur taquine, et un gros éclat de rire : un jour, elle me dit qu’en préparant  sa pâte de caramel-citron pour la journée, elle s’en garde toujours une bonne boulette de côté, où elle pique un bâton, en prévision de son quatre-heures… A la fin de la séance (osé-je dire que l’épilation de mon fondement a été un petit sommet de surprise quasi-extatique ?) Fatouma m’invite à passer à la douche pour ôter ce qui est resté collé ; je lui réponds, amusée, que je vais tout garder sur moi pour le quatre-heures de mon homme… On pouffe très fort, ce genre de blague pour s’allumer l’imagination, ça ne peut se faire qu’ici, que comme ça, dans cette complicité-là.

L’érotisme est individuel, pour moi ça commence par me faire belle, c’est d’abord un moment intime entre moi et moi où je me glisse avec sensualité dans une séduction qui anticipe le joli moment à venir ; où je me livre à une sorte d’onanisme mental très doux, en touchant ma propre peau, en la mignotant pour qu’elle arrive sous les mains de Monsieur en état de frémissement, et prête à (s’) emballer.

 

     Mon animalité est dans le soupir que j’échappe quand l’homme fait glisser le pan de mon chemisier sur ma peau au duvet sensible et invisible ; dans mon approche à quatre pattes de son ventre à la respiration ondulante d’excitation, vers sa toison qu’il met autant de soin que moi à préparer ; ses poils sont doux ou un peu plus rudes suivant où, on en joue sur tous les registres... et je ris parfois de la sensation d’être accrochés l’un à l’autre comme du velcro:  être aussi emmêlés fait partie de nos plaisirs.

 

           Sur un air cher à Bardot, "Poil ici, et pas par là, coucouououou" : c’est mon bon, mon très bon plaisir. Et juste mon plaisir.

 

 

 

 

 

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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 22:49

 

    Plus ça va, moins j’ai envie de sortir, de voir des gens.


A 18 ans, je sortais pour fuir mon cercle familial… A 20 ans, je l’ai fui définitivement. Jusqu’à 30 ans, j’avais besoin de rencontrer du monde, de pousser mes pseudopodes dans toutes les mouvances, de remplir quelque chose, de m’étourdir. La transe alcool - danse - sexe, ça a longtemps bien marché les fins de semaine, c’était fun, sympa, jamais dangereux… Une petite alerte m’a pourtant mis la puce à l’oreille : le dégoût de renifler mes habits enfumés par la clope, les lendemains d’hier.


Et puis, soudain, un samedi soir de mes 27 ans, je me pomponne, je me fais belle, je prends ma voiture pour aller m’encanailler…  J’arrive au premier feu rouge… Et j’opère un tourner-sur- route pour rentrer à la maison : plus envie de mon habituel lieu underground et sulfureux -  promesse de regards mi-apeurés mi-respectueux de la part de mes bien-pensistes de collègues de boulot, quand je l’évoquais. Je suppose que ma période punkette de luxe était révolue.


En fait, je n’avais déjà pas envie avant, mais je voulais rentabiliser mon congé, à l’époque j’en avais peu sur le week-end – la réalité de l’infirmière  que j’étais.

 

Je consommais donc du temps libre, en somme… Et peu à peu je me suis mise à en profiter, simplement.

Mais d'abord avec un arrière-goût coupable : tu devrais sortir, voir du monde, c’est pas bien, tu deviens sauvage… Ca m'a passé, heureusement.


 

     Mais en fait je vous parle de solitude, et de solitude choisie. Je vous parle d’y être bien, je vous parle de se suffire à soi-même parce qu’on se connaît assez bien et qu’on se plaît en sa propre compagnie. Pas de fuir les contacts – je sais tomber amoureuse, j’ai vérifié récemment -  et j’aime rencontrer certaines personnes, concocter avec elles des sorties, des expéditions outre-en-là, des week-ends de fête du rempotage de nains de jardin. On se marre bien. Parfois ça finit au tuyau d’arrosage, ou au lancer de têtes au choco. On se fait des petits plats, mon truc c’est le vacherin  au four, la soupe à la courge-curry-coco couillue… des saloperies comme ça.  J’en ai un qui mûrit au frigo, de vacherin – ça dégage les bronches quand je vais y chercher quelque chose.


Je vous parle de la liberté de ne sortir que pour aller travailler (quand c’est absolument nécessaire) et faire ses courses ; oui, j’ai aussi besoin d’aller faire un tour parfois, d’aller dans des endroits où il y a ce que je n’ai pas chez moi (le hammam, la table de massage avec l’huile et la masseuse au bout, les employés de l’administration municipale, cantonale ou fédérale qui ont besoin que je leur prouve que je suis bien qui je prétends être,  etc). A part ça… je suis bien dans mon petit cocon extensible en été (ah qu’il est joli mon balcon dans les rouge, orange et vert…), avec le chat fou ou en hibernation, les bruits environnants qui diffusent en filigrane ce message important : « Tu n’es pas seule au monde ».


 

     Même quand je vivais en communauté, notre mode de vie nous laissait libres de nous ignorer dans nos présences et nos allées et venues – je me souviens d’un gars qui est rentré prématurément de son boulot pour cause de grippe, s’est couché fiévreux, a dormi et déliré 72 heures seul dans sa chambre puis s’est réveillé frais comme un gardon, assoiffé et affamé… et de notre stupéfaction quand il a raconté son histoire.


Cette période de ma vie a été riche et remplie : j’étais en compagnie et elle ne m’étouffait pas. Oui, le quotidien avec quelqu’un d’autre me pèse, je vis à poil ou presque, je marmonne et je parle au chat, on s’amuse bien les deux – il sort plus que moi !


Quand le téléphone sonne et que je n’ai pas envie de parler, je le regarde méchamment, je le laisse dévider son message et recueillir l’autre, et si la voix est attendue, ou amie, ou par chance les deux, je décroche.

Vous pouvez sonner à ma porte tant que vous voulez, ce n’est pas parce que je suis là (son et lumière comme preuves à charge) que je vais vous ouvrir. De quel droit venez-vous vous imposer à moi ?

 


     Ma solitude est comme une initiation, elle me délivre du besoin des autres, pour n’en voir émerger que l’envie pure, le désir de rencontre. Comme Nietzche, je souffrirais plutôt de la multitude… Mieux seule que mal accompagnée, ma devise. Je trouve encore, en farfouinant, cette citation de Téchiné : « Savoir être seul est une grande aventure de nos jours, une résistance à la pression sociale. C’est tout aussi audacieux et important que de former un couple. »


Voilà, on y est. Quelqu’un m’a mise sur la piste de Jacqueline Aken, je crois ? « Eloge de la solitude ». Merde, va falloir que je sorte pour l’acheter...


Je n’ai pas d’inaptitude à la socialisation, j’exerce un métier de médiation et de communication, qui me demande de l’écoute active, de l’empathie. Mettons que passés ces moments nécessaires (je ne vis pas de l’air du temps), il me plaît de m’occuper de moi, de mes intérieurs, et de former de mes réflexions, au propre comme au figuré, des textes que j’aime écrire et proposer.


     Quelqu’un sur un forum a essayé de me mettre sur la sellette : constamment branchée sur le web, comment vivé-je ce que je prétendais vivre ?  Eh bien, justement… les médias m’apportent chez moi tout ce qu’il me faut, et le peu de reste, je vais le chercher ; calculant mes sorties de manière à équilibrer le besoin de les limiter et celui de ne pas me mettre sous pression pour rentabiliser une expédition vers le monde habité – hhhhaaaannn, il commence dans ma cage d’escalier…


Seule, je suis complète, et de plus je m’enrichis de ce que je laisse venir à moi ; en société, je me fractionne : je suis successivement « la fille châtain-roux qui mange en face de moi et dont je cherche à rencontrer le bleu des yeux », « la documentaliste qui m’a répondu au téléphone », « ma camarade de cours avec laquelle je dois collaborer ». Parfois je suis tout ça en même temps, et même alors, je ne suis qu’une somme de fractions.

 


     Même en vivant un bel amour de cœur, d’intellect et de corps, j’expérimente un mosaïcisme qui me terrifie, quelque part. Si j’étais mère de famille, compagne, que resterait-il de moi une fois toutes ces pièces éparpillées au gré du temps ? Je me désagrégerais, alors que mon noyau dur a besoin de s’éprouver en entier, pour rencontrer avec justesse qui m’émeut.


J’ai besoin que les rencontres soient signifiantes ; une fois mon estomac plein, les groupes  m’ennuient souvent, je ne rêve que de m’en aller, de devenir transparente pour pouvoir m’éclipser sans dire au revoir ni adieu. Parfois je peux m’en aller en douce… j’aime.  Décidément je préfère le binôme, avec exception pour  certaine petite famille qui habite à une demi-heure de chez moi...


Ce n’est pas un exil, mais un voyage au fond de soi. J’en livre d’ailleurs les morceaux les plus intéressants, ici-même.  Carnet exploratoire, randonnée intérieure ; ni au Mexique (mon choc culturel le plus éblouissant), ni en terre de désespoir. La solitude, quel immense continent plein de souvenirs.

 

     L’idée de Téchiné, de résistance à la pression sociale, c’est intéressant. Tout autant que la supposée tare du célibat.


Pour voir, je tape solitude et célibat sur Google : à gauche, des articles et interventions célébrant les deux… à droite de mon écran, une colonne de sites de rencontres !


Florilège :


Le manque affectif peut être ressenti malgré son couple

Le célibataire heureux serait par contraste plus souvent femme que homme

Un célibataire socialisé finit par avoir besoin de sa solitude… (hé, on parle de moi !)

La solitude est souvent présentée, à tort, comme un truc vécu par défaut

Le célibat, même choisi, l’est par réaction de défense (ha bon… et ça changerait quoi ?)

Sa perception est différente selon la culture… Pour certaines, temps d’attente, de répit, de repos, de temporisation avant le travail de fonder-famille

Le célibat n’est pas l’abstinence, vive la sologamie…

Au cul les marieurs !


     Comme le dit Christian Bobin, la solitude est un état de grâce dans la mesure où elle comble qui la vit. Une plénitude et une manière de me relier au monde qui m’entoure. Un luxe à vivre, un creux plein de richesses.


Et un besoin animal, une surabondance de temps alors qu’à partir de mes trente ans, j’ai assisté, impuissante, au spectacle du temps qui se met à filer.

Là, je traîne les pieds, je m'arrête tous les trois pas pour regarder le paysage, je m'étire mentalement, je saucissonne, assise sur un gros rocher au milieu de ma vallée d'altitude chérie, éloignée des montagnes à les toucher... Délicieux.

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9 janvier 2010 6 09 /01 /janvier /2010 12:14
       Pfff. On est déjà aujourd'hui, et je n'ai toujours pas de nouvel agenda...

       Celui de 2009 me permet de survivre un peu encore, mais il va quand même falloir que je monte en ville pour trouver de quoi. Prendre des rendez-vous professionnels en cascade sur un mouchoir de poche, ça va pas le faire, je le sens: voilà ce que c'est que de changer de statut!

Gros, petit? Moyen? J'ai un sac plus volumineux qu'avant, donc un plus grand format que d'hab', ce serait possible... Finalement... c'est pas ça la question. Je rechigne juste à faire encore une fois le tri des adresses, donc celui des gens que je ne vois plus; ça c'est un moment de perplexité intense.


      Je crois que je vais revenir à ce modèle qui me permettait juste de ne pas me poser la question, et de transférer la partie "Adresses" toute seule, puisque sur un petit livret indépendant.

Oreiller de paresse me permettant de ne pas faire le point sur des liens distendus voire caducs, de ne pas remettre en question la validité que je leur donnais - à défaut d'une importance?

      L'idéal, ce serait de pouvoir transférer
les coordonnées d'une colonne à l'autre, d'un clic de souris; et de faire passer certaines de celle du réseau à celle des amis... mais aussi le contraire. Qui est en train de devenir plus utilitaire qu'intime, qui reste ici par intérêt plus que par inclination?

      Je n'ai jamais trop souscrit à cette mode de prendre des bonnes résolutions pour les douze coups de minuit, une date n'est qu'un point de repère et certaines décisions se précisent lentement, et en se foutant pas mal de GMT (G'ai Mal au Temps). Voilà que quelqu'un qui m'accompagne depuis longtemps, en amitié et soutien mutuel, devient si difficile à aborder que j'ai l'autre jour cliqué sur son nom sur ce même clavier, et appuyé sur "Delete"...

       Qu'est ce qui fait le prix d'une affection, qu'est ce qui en tisse et trame le cocon douillet?

       Zorro est libre de sortir, donc de vivre sa vie ailleurs s'il y trouve son compte. Il n'a une puce électronique que dans la mesure où j'ai trouvé trop dur et cruel de ne jamais savoir ce qu'il était arrivé à la douce tricolore qui a partagé mon toit, mes jours et mes spagh' bolos pendant de trop courts mois.

Zorro choisit de revenir, mais quand il n'est pas là, je pense parfois que je pourrais ne jamais le revoir.
La bouffe, il trouverait. Un autre territoire, il trouverait aussi. J'aime croire que c'est ce que nous avons partagé de jeux, de courses-poursuites, de petits observatoires où il peut se calfeutrer, de connaissance des tics, tacs et toqueries de l'autre qui fait qu'il est bien ici. Sans cette complicité, je ne vois pas ce qui donnerait de la valeur à notre tandem.
 
        Bon, c'est pas mûr pour cet agenda... mais je vais quand même aller renifler les cuirs, tâter les moleskines, anticiper de la toute petite joie de toucher du papier et d'imaginer tout ce qui va remplir les petites cases, et aussi respirer entre deux blanches plages de tranquillité. Et puis j'ai un vacherin et une laitue à trouver... c'est vrai!

                                           Hop, mes bottes, avant de retourner m'odalisquer.






 
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3 janvier 2010 7 03 /01 /janvier /2010 22:48

        Mettre fin à une relation amoureuse, ça oui, on connaît. Mais planter une vieille copine…


        Oui bon je suis d’accord, les gens qui ont compté compteront toujours, mais quand la relation devient incompréhensible, prendre de la distance, au moins… c’est parfois nécessaire.


        Outre le fait que je n’ai aucune obligation morale d’entretenir un lien, je pense être dans quelque chose d’authentique en laissant à autrui le soin de confronter ses propres hiatus - je n'ai pas non plus à imposer ce que je pressens, violenter les gens, ça fait du dégât, au contraire de les secouer doucement pour les réveiller. 


        Cinq ans que je ne sais comment dire à ma pote très chère que je me désole de la voir se raconter de très improbables histoires d’amour à la gomme, mais sans latex… au sujet de coups sympas certes, tirés après y avoir mis un peu les formes, certes encore, et un bon petit plat fait maison (ta cuisine, ma chérie, c'est un monde!)  avec des mecs  éperdus de solitude… et se rendant transparents après quelques sorties et quelques nuits, pendant qu’elle passe au crible des détails d’attitude et d'intonations.

 

        Comment lui dire que connaissant sa combativité, et spectatrice de longue date de sa capacité de résilience (pardon, excuse, finir d'élever deux ados en étant indépendante et et en entamant un virage professionnel, faut le faire...), et que faute de pouvoir lui dire des choses sensibles, vu son épuisement, je préfère me mettre en marge ? Que je la sens devenir passive, attendant un prince charmant qui lui donnerait la force de continuer sur son erre, au lieu d'en éliminer les nuisibles.


        Les sites de rencontre, on en avantage les super-histoires, ça fait les choux-gras des scénaristes (moi la première) en mal de sujets susceptibles de faire mode, de surfer sur la vague ; mais franchement, les dessous moins reluisants, les aventuriers de l'Amour perdu qui veulent croire qu’il suffit de vouloir (visez-moi ces annonces, la plupart du temps, ça sent un peu l'atelier occupationnel des sentiments)… Les dead-ends prévisibles, c’est probablement 85% des rencontres... même si ça part en fusée avec rencontres hot, une fois le bonbon croqué, ça part en sucette, et on reste marron, ou chocolat, comme on voudra.


        On m'en raconte et j'y vois se nouer des liens tiédasses, qui crèveraient de leur digne mort plus vite si le besoin de sécurité affective ou matérielle, la place froide de l’autre moitié du lit - celle qui devient table de chevet à force d’y empiler les livres, les lunettes, la tisanière, vous voyez? -  n’étaient pas des trous noirs qui se nourrissent de nos trouilles existentielles...


 

        Allez, ma pote, viens, on s'ébroue, mort au mortifère. Brrr. 

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27 décembre 2009 7 27 /12 /décembre /2009 14:26
         J'avais commencé ce blog le 25 décembre... Drôle de jour pour faire ça. Mais bon, j'ai décidé de m'offrir ce petit cadeau, y'a pas de raison que ce soit seulement le p'tit baigneur d'amour universel qui reçoive des cadeaux!

         D'ailleurs j'avais partagé mon tidéj' avec mon fauve d'appartement. Je lui devais bien ça, je me suis plantée en faisant les courses: captais pas pourquoi il dédaignait son lait... évidemment, bedoume (un vocable de chez moi pour dire "cruche", "bécasse"): c'est de la crème. Après trois lampées, ça doit l'écœurer, mon Zorro.




           Noël réveille en moi des réflexes d'exil volontaire, de l'apatridisme (ça se dit?), je me recroqueville, pas envie de ma famille, je me mets à inexister (ça se dit?).

       A la recherche d'une ambiance différente, ça m'est arrivé d'aller le passer dans la famille des autres. Ce qui peut s'avérer un super mauvais plan ou alors, carrément une source génialissime d'inspiration pour quelqu'un comme moi qui aime écrire - passés certains stades d'alcoolisation ou de confort, les cadavres-du-placard s'invitent aussi, pour se partager les rogatons. Au grand dam des gens qui espéraient peut-être que tonton Marcel allait se tenir bien, puisqu'il y avait une inconnue. Mais comme visiblement il aime les filles girondes, là tu sens le traquenard et la prise d'otage: comme si la copine qui m'a invitée ne savait pas à quoi s'attendre, mon oeil! Je dis "mon oeil" pour rester polie, hein.





       Quitte à inviter les morts, je préfère le Dia de los Muertos mexicain. Mais bon, c'est pas à la même date... dommage!



        A ma période "technicienne de fouilles archéologiques", je sonne à la porte de mon chef de chantier polonais un 24 décembre, en toute innocence - moi j'ai été élevée dans la tradition qui fête Noël le 25, point trait! Je voulais lui poser une bouteille, en remerciement pour la collaboration, quoi... Le bougre m'ouvre en complet-veston cravate (mais en pantoufles, notez bien), lui que je vois d'habitude en Indiana Jones crotté jusqu'aux narines. En fait, gloups, je tombais en pleine fête de famille, avec sa smalah venue en visite voir ses expatriés.
Toute confuse-oh-la-bourde,
je démultiplie les excuses, m'apprêtant à repartir; il insiste pour je reste, et je finis par comprendre que dans sa tradition, on dresse la table avec un couvert supplémentaire pour accueillir celui qui passerait par là!

       Bref, je suis restée, j'ai tout goûté je le jure, même les pâtes sucrées au pavot en entremets...



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27 décembre 2009 7 27 /12 /décembre /2009 11:54



         Hier je vais voir la géniale masseuse que je me suis dégotée dans mon quartier  - pour revenir chez moi rapido et ne pas fiche en l'air les bienfaits de la séance, c'est parfait. Si elle était porte-à-porte avec moi, je crois même que j'hésiterais pas à traverser le palier en petite tenue, histoire de raccourcir le moment de retourner roupiller tranquillou. Elle finit toujours par un bon quart d'heure de réflexo, ça me fait plonger... pas comme mon ex beau-père, qui me tirait des "waille, aïeouille", tellement il voulait bien faire. Ca fait juste fuir le client, comme la patronne du hammam que je fréquente; c'est sûr que tu sors de là-bas avec de la peau de cul de nourrisson même aux coudes... mais bon, trois jours avec la peau rouge, c'est hâchement sexy - et pas confortable non plus. Je préfère le gommage de sa soeur, ou de sa nièce; un poil plus indolent, mais avec moins de retombées - et puis, elles, je ne les entends pas cracher la peau morte qu'elles ne se sont pas pris dans les dents ...

        Bon, je digresse, je digresse, c'est pas tout ça! Bref, ma masseuse est une pote, elle me fait du bien depuis 6 ou 7 ans, et son mec je le connais depuis plus de 30 ans, alors quand j'arrive, on fait causette cinq minutes. Hier donc, c'était comme disent les angliches, Boxing Day, le 26, le lendemain de Noël. Boxing Day... pourquoi? Ils recommencent à se boxer le nez après la trêve, ou quoi?
Bref: "Alors , ça a été?". Un peu comme on demande des nouvelles à quelqu'un qui a passé un entretien de candidature, ou un autre truc un peu tendant des golfes, quoi. On était tous soulagés, être le 26 décembre, ça veut dire que t'as la paix pour une année, en somme.

         Dans ma ville, pendant bien une décennie, un mec connu pour ses frasques (comme monter au clocher d'une des cathédrales...) avait organisé une veillée sur le pont d'où-les-gens-se-jettent, pour les en empêcher, justement. Petite cabane avec un brûleur, quelques coussins pour accueillir du monde, un peu de soupe ou d'eau chaude pour se faire un thé ou un café instantané, une présence amicale et dissuasive. L'est mort depuis, le mec, d'un cancer foudroyant,... mais y'a de la relève.

 
          Je me pose des colles pour ma part: pourquoi ça met des gens dans cet état, les fêtes? Solstice d'hiver, dépression saisonnière, solitude, manque d'enracinement familial - oui mais si c'est pour aller s'enguirlander et se bouledenoëliser, voire se foutre le feu au sapin avec des gens qui ont beau être de mon sang, perplexe je me sens.
Là, pour Noël, malgré des invitations à droite et à gauche de la part de gens qui savaient que je ne serais pas en famille, j'ai décidé de confronter seule cette bizarre journée, pour voir.
Ben même à la radio ou à la TV, rien ne s'arrête vraiment, les émissions habituelles continuent, comme pour conjurer quelque chose on dirait. Faut surtout pas rompre le rythme, et je dois dire que là... j'ai apprécié. C'est con, mais c'est comme ça. Finalement, j'ai décidé d'aller faire un tour au boulot, j'aime bien bosser seule, parfois; je peux marmonner, mettre la radio à donf', bricoler des choses entre deux saisies... et en l'occurence, boucler un mandat qui me gonfle.
Voilà, je me suis fait ce cadeau: terminer un contrat qui me prenait supérieurement le chou. Bref, j'avais oublié jusqu'au nom de cette journée, mais sur le chemin du retour la caissière de la station-service, des étoiles et des clochettes en chocolat plein les yeux, me salue d'un retentissant "Et joyeux Noël, Madame!". Là, tout mon joli petit système de défense s'est écroulé: voui, merde, c'est Noël, juste. Je lui en ai voulu, peut-être de ne pas avoir eu le réflexe de lui dire que ce n'était pas ma religion (pas choisie, quoi). Ca m'a donné une idée pour les Noëls futurs où je passerais par un endroit plein de monde: mettre un foulard noué en hidjab, et pourquoi pas. Quitte à répondre en haussant les sourcils - va savoir ce qui se passerait, j'ai fait un peu d'impro théâtrale il y a quelques années...

          Il y a deux ans, pour Noël, j'étais en territoire occupé palestinien, à Bethléem, rien que ça... chez des potes coopérants (le gars bossait à Hébron, là où c'est super-chaud craignos parce qu'il y a les trois communautés juive, chrétienne et musulmane). On est partis le soir, traversant la ville pour aller fêter ailleurs, à Hébron justement. Le chef du Fatah était attendu pour la messe oecumémique de minuit je crois... en tous cas, comme le bonhomme était sérieux candidat à se faire bomber la gueule par le Hamas, les rues centrales étaient, elles,  bardées tous les 10 mètres de soldats palestiniens à la peau ambrée, au look noir inquiétant, blousons, gants
... pantalons dans les rangers, bonnet rond enfoncé jusqu'aux sourcils, mitraillette en position de tir; beaux comme des dieux, sur leurs gardes et le regard périscopique. J'osais pas trop les regarder malgré l'envie, des fois qu'ils se foutent en rogne: jusque là je n'avais côtoyé que des soldats et soldates israéliens, et tâté de leur maussaderie d'être cantonnés dans leurs guérites le long du mur, à emmerder le palestinien moyen... et j'avais appris à ne pas les regarder, ils se sentent vite toisés, et comme ils peuvent bloquer qui ça leur chante pendant des plombes... Enfin, je les ai trouvés bien plus sexy, les arabes... mais c'est une autre histoire. Noël, fête de paix et de réconciliation, la kalash' en alerte, bonjour l'oxymore!

         On était attendus ce soir-là chez un ancien de l'OLP rentré au pays à la faveur d'une amnistie générale; un prof d'uni qui vit en famille, marié à une française chrétienne, qui a deux gosses dont l'aînée, en train de tenter de se décider pour une religion ou l'autre, a mangé ses cailles aux raisins avec une sauce sans alcool. Mais j'anticipe, là...
A notre arrivée, notre hôte  était en train de deviser au salon avec son père (portant le keffieh) et son frère. Il s'est levé pour serrer la main au copain, mais nous a, tout comme ses consanguins, simplement salué d'un signe de tête, ma copine et moi. Je me suis dit in petto,
"Merde, ça promet, je vais devoir me la coincer pour ne pas gaffer". Une fois sa parenté partie, il s'est platement excusé et nous a embrassées avec chaleur - il ne pouvait juste pas le faire devant eux. Même s'il a vécu des années durant en Europe, il reste membre d'un des clans? tribus? familles? je ne sais plus comment on dit! les plus en vues, et veille à ne heurter personne - là où j'ai bien ri tout en restant songeuse sur les implications pour les femmes de son "pays", c'est quand il nous a dit que son père avait fait une sieste crapuleuse ce jour-là, malgré son grand âge... pas avec sa légitime, semble-t-il... et ne s'en cachait pas. Ce qui me paraissait contradictoire avait un sens profond pour d'autres, il faudrait que je me rappelle de m'en souvenir...

         La soirée est allée doucement, je suis restée sidérée par le contraste entre Hébron déchiquetée, aux constructions inachevées, les check-points à l'ambiance hargneuse... et la sérénité de cette famille, où cohabitent des valeurs, des éducations et des vécus  si différents et douloureux pour certains: l'homme a le torse plein de cicatrices de tortures endurées lorsqu'il était dans les prisons israéliennes. Sa joie de vivre, sa force et sa tolérance m'ont détendue, pour finir. Il est une des rares "raisons" pour lesquelles j'ai regretté de partir de cette poudrière qu'est Israël...


       Même si on n'arrive pas à la paix, tenter son pari a valeur de rédemption.

        
                                                       Une leçon de gravité et d'humilité, ce séjour, vraiment...

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