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6 novembre 2010 6 06 /11 /novembre /2010 07:34

L’amitié serait-elle une notion à redéfinir selon l’époque ?

 

« Un livre , un jour », courte émission quotidienne de la troisième chaîne française et prenant place au début des jeux d’esprit de la fin d’après-midi, accueillait récemment Sandrine Treiner, auteure d’un ouvrage sur le sujet.

Il semble que ce soit une compilation d’anecdotes ou d’échanges littéraires entre amis célèbres, et remontant jusqu’à l’Antiquité.

En quelques minutes puisque l’émission ne dure pas plus, deux développements principaux sont proposés : l’amitié entre femme et homme sans que le sexe ou les sentiments amoureux s’en mêlent, mais surtout la définition-même de l’amitié.

 

Au-delà du fait que tout comme l’amour, ce mot regroupe sous un terme générique tous les liens qui peuvent faire se fréquenter des gens, puisque toutes sortes de formes peuvent en exister, je m’interroge sur ce qu’est un ami ou une amie, dans le sens où dans l’absolu, le temps n’a pas prise sur l’amitié.

Or, les inclinations s’érodent, d’une manière ou d’une autre ; elles cassent – parfois, elles se renouent. Et tout comme en amour, la plupart des cultures semble-t-il évoluent entre le lien principal et des liaisons plus passagères; je pressens un parallèle  "amical" à faire avec la situation où l’on se jure - parfois en public - éternité et indéfection, sans que pour autant cela nous prémunisse contre la séparation.

 

Il n’y aurait que le cul de différence entre amour et amitié, soit. Autre débat, pour un autre billet peut-être…

 

Toujours est-il  que j’ai percuté à retardement sur le propos de Treiner, qui sans que je l’aie lue, me lance sur une piste semée d’embûches. Ca m’a réveillé tôt ce matin, avec comme détonateur une ixième situation de lâchage de dernière minute par un(e) ami(e) qui s'est déroulée hier soir… je m’explique.


A la fin du mois passé, ayant réussi à me ménager une semaine complète de congé, j’en avais profité pour poser quelque sept rendez-vous bien répartis, placés sous le signe de la détente et de la visite de beaux endroits.

Six d’entre eux sont tombés quasi au dernier moment, pour des raisons diverses, mais très majoritairement situées dans le registre « Ca me fait trop pour ma journée, même si je l'avais prévue comme ça ». Dépitée, j’en étais à me dire qu’à la fin de l’année, il allait falloir trier les adresses que j’avais vraiment envie de faire passer d’un agenda à l’autre, certaines personnes paraissant coutumières du fait...

 

A la réflexion, passant du mouvement d’humeur à l’auto-examen en quête d’humilité, je me suis dit que si je pouvais parfois sentir le pâté, ma foi, ce n’était pas une raison pour endosser à la fois la déception et la culpabilité de ne pas prendre un jour après l’autre (tarte à la crème aisément employée pour se dédouaner, du côté des lâcheurs comme des lâchés, je trouve!)

 

Le point le plus commun de ces défections s’avère être le stress vécu au jour le jour : des ambitions démesurées sur l’emploi du temps… alors que dans mon cercle d'amis plus ou moins en pleine conscience de nos quaranto-cinquantaines, nous accusons pourtant tous le coup sur la question « capacité à foirer et à s’en remettre ». Nul n’a maîtrise sur les virus, accidents ménagers et autres causes, ni sur les  petites personnes susceptibles de faire une fièvre de dent de lait. Mais même si le hasard malheureux reste maître du jeu de cartes, nous préparons parfois nos échecs et nos remises aux calendes grecques avec un soin à la fois particulier et totalement aveugle ! Pour rappel, les calendes grecques, c'est un truc qui n'existe pas...

 

J’aime le happening ; j’aime qu’une pote m’appelle à l’arrach’ pour me proposer de prendre la voiture et de faire 120 kils aller-retour pour aller nous esbaudir sur les toiles de Nicolas de Staël à Gianadda. L'’impression de satisfaire un caprice est une petite bouffée de liberté parfumée à l’adrénaline de l’imprévu, surtout si je reviens de cette expédition avec un poster géant d’une œuvre qui m’a mise à genoux.

 

Mais ceci, je déteste : qu’on me réclame en minaudant une soirée à deux, que la date posée tombe à l’eau le jour-même vers le milieu de l'après-midi « Pardon, journée trop pleine, suis raide, on reporte ? ». Que l’on me demande de reproposer une date trois semaines plus tard, sans jamais confirmer celle-ci, mais en me réveillant à 7 15 le jour-même, encore, pour demander « A quelle heure je viens ce soir? » (réponse de moi : « Ah ? Tu devais venir ? »). Que l’on maintienne le rendez-vous malgré tout, ma soirée étant restée libre par hasard, mais qu’après une journée passée à préparer cette rencontre, je reçoive un SMS me disant 15 minutes avant (!) qu’on sera en retard d’une heure minimum… car l’on est en train de souper à 40 kils de chez moi et 15 de chez soi… et qu’on réalise à voix haute qu’on a toujours les yeux plus gros que le ventre concernant ses programmes quotidiens …vous je sais pas… mais moi ça me gave. J’ai annulé.

Je ne suis pas sur un tablard, mon amitié non plus.

 

On est tous stressés, surbookés, pressés par la vitesse des comms qui ne souffre plus la moindre attente, des délais et des mandats qui se compressent, des loisirs qu'on lutte pour préserver...

 

Tous? Non: un petit village du Nord des Relations humaines résiste...

 

Treiner postule que ce qui a changé à notre époque, c’est le temps qu’on passe à être avec les personnes qui sont prétendument nos ami(e)s. Je parlerais plutôt de qualité du temps passé ensemble, ce qui ne signifie pas « temps de qualité »… Car là encore, faut s'entendre sur ce qu'est la qualité.


Moi, ça me met mal à l’aise que faute de se garder de la marge, du temps-à-rien-foutre, à bayer aux corneilles (délicieux!), certaines amitiés deviennent des espèces de comptabilité, dont la loyauté s’absente pour cause de mauvaise gestion répétée d’agenda ; mais pire que tout, quand elles montrent en filigrane des colonnes « plus » et « moins », dont le risque de passer une soirée un peu plate doit être exclu. Une amitié, à mon avis, doit pouvoir supporter de passer par des moments moins jouasses que le bliss bienheureux à tout crin et l’éclate – mais, aussi, ne pas seulement se réveiller en cas de besoin.

Une autre amie en effet, que je vois rarement et qui un jour en chat me disait qu'elle n’allait pas fort, et à qui j'ai proposé de passer l’après-midi ensemble après avoir compris qu'on avait par hasard congé toutes les deux, me répondit que son mec avait du temps et allait lui remonter le moral, ce doudou d’amour… Attends, louloute, je voulais pas tenir consultation psy, je te proposais d'aller boire un pot tranquillou et de nous changer les idées en parlant d’autre chose, les orteils en éventail sur une terrasse du Lavaux… mais bon, va aussi falloir que je lui dise une fois que ça me donne l’impression de jouer les utilités quand elle accepte une invit’ ou en fait une en rajoutant systématiquement une remarque laissant entendre que c'est parce que Chouchou est absent qu'on se voit. Faiche, à la fin, penser à haute voix, c'est un truc qui va bien en psychothérapie...

 

 

Il y a une sacrée nuance avec le fait de se laisser de la liberté, de se sentir à l'aise de dire « On se rappelle le jour-même pour voir comment on se sent ? », quand il y a un long trajet à faire et qu’il faut assurer, par exemple.

J’aime bien qu’on arrive à se dire « Allez on y va », mais aussi « Là, je me sens patraque et grognon, tu es d’accord de me cornaquer et de me supporter comme ça jusqu’à l’expo ? Je vais me dérider à coup sûr quand on y sera ». Et aussi « Je me sens insupportable, mon dos me fait souffrir, je reste à la maison ». J’aime cette franchise et cette tolérance, l’indépendance pour autant qu’elle soit respectueuse, l’écoute de soi pour autant qu’elle fasse la part belle à l’écoute d’en face.

Ce plaisir du truc magique, c’est énorme – je propose, tu dis oui, on laisse tomber le rapport ou le ménage qu’on avait en train, et on s’offre une enfantine bouffée d’excitation et de transgression, un petit luxe de temps.

 

Je pratique aussi le rendez-vous posé longtemps à l'avance: quelquefois, à date fixée, je vais voir mes potes gays de l’autre côté de la Chuiche, quel que soit notre état; et même si c’est pas le gros trip, on en sortira ragaillardis car on aura vécu, préparé et partagé des repas et pioncé sous le même toit le temps d’un week-end – là ça me tient chaud au cœur, c’est douillet et cocon de soie. On fait avec qui on est à ce moment-là, ni plus ni moins.

 

Amitiés différentes, amitiés quand même. Les autres... je vaizy dire deux mots, tiens. Ou, mieux: ne rien dire, et laisser le lien se défaire tout seul, car ce genre d'étoffe se tisse à deux, trame et navette, comme l'amour.

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