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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 10:21


 

Je me répète… je me répète, mais ça me fait du bien.

 

Finalement, il semble que j’ai encore des comptes à régler avec mon ancien métier.

J’ai beau bosser avec une équipe qui a nettement plus de moyens que la moyenne sur le plan de la communication ; il n’en reste pas moins qu’elle est composée de soignants, une corporation qui a sa culture de valeurs qui lui sont propres…

 

Je me collette ces derniers jours avec les trucs qui me hérissent le plus dans cette profession : la suranticipation, et la suradaptation.

 

Pour la suranticipation, c’est vrai qu’on nous drille dès les débuts de la formation à imaginer les pires scénarios pour y répondre avec adéquation. C’est vrai que même sachant que telle ou telle action ne fera pas avancer les choses plus vite, il est de bon  ton d’y avoir pensé : on gagne des points auprès de ses collègues… mais on active ou agace, selon les cas, le réseau paramédical -paradoxalement.

 

Exemple : nous sachant très proactives et réactives, le reste du réseau table beaucoup sur notre malléabilité à la sauce "gentille". J’étais un jour en train de finir la toilette au lit d’un client, avec une collègue et jeune chef de service en traumatologie ; survient une pimpante physiothérapeute qui souhaitait commencer une session d’examen pratique avec une élève, sur la personne que nous étions en train de laver. Contrariée dans ses projets - dont nous étions informées, mais que faire quand les imprévus s'accumulent - elle nous demande d’activer. Ma collègue la renvoie derrière la porte avec un calme olympien, puis se retourne vers moi en m’enjoignant de faire comme si de rien n’était : « Ras-le-bol à la fin, on est toujours en train de schader pour quelqu’un ».

Merci Audrey, tu m’as confortée ou mise sur la voie, je ne sais plus : je devais être en train de faire émerger à ma conscience le fait qu’on n’est pas des accordéons. En plus, pendant qu'on terminait notre boulot, tu as dis distraitement "Notre job, en fait, c'est le cumul de ce que tous les autres corps de métiers nous délèguent..." Waow. Je compends mieux pourquoi la grande révolution des soins infirmiers des années 70 a cherché à développer la spécificité de cette profession: quitte à devoir balayer la merde, la glorifier d'être un engrais précieux est une intéressante stratégie. Bande de syndromeux de Stockholm, va.

 

 

Dans mon actuel job de formatrice de soignants, je vois cette notion de suranticipation se transposer sous une forme particulière : le mastodonte administratif qui y est en vigueur est aberrant (10 fois plus de documents que dans des services équivalents) et surcharge les secrétaires, qui ne peuvent plus suivre. 

 

Or nous avons un chef à qui ces plaintes devraient être transmises pour qu’il puisse mettre la priorité sur le dégraissage du mammouth. Mais à viser un résultat plutôt qu’à considérer l’ensemble du problème, et le laisser régler par qui il doit être réglé, le corps infirmier et son foutu réflexe de concernite et d’action achève d’aggraver la situation.

 

J'ai quand même eu deux minutes d'orgueil bouffi quand une estimée collègue et connaissance de longue date a cueilli au vol mes propos, qui l'ont interpellée. En l'occurence, c'était au sujet d'un avatar du même problème... Si le jeudi l'informaticien ne trouve pas en l'état la salle prévue pour son cours, alors que cette salle vient d'être arrangée pour une remise de diplôme le mercredi, si dans une boîte de cette envergure il n' y a de plan d'occupation pour cette salle et qu'on est infoutu de désigner qui est responsable de l'arranger après une autre utilisation, alors je pense que les diverses personnes en cause cherchent juste une occasion d'exercer du pouvoir sur d'autres personnes qui acceptent de se laisser emmerder. A moi la peur...

 

 


Personnellement, en bonne emmerdeuse qui défend chèrement des valeurs acquises tout au long de mes 25 années de pratique infirmière, quand un truc ne me convient pas, je le dis. Par exemple, pour mobiliser des patients, il y a longtemps que je me tourne immédiatement vers les appareils de levage à disposition (cigogne ou verticalisateur), ou même mes collègues : ne pas faire, c’est le meilleur moyen de ne pas risquer de se faire mal en faisant. CQFD.


Et je me fous pas bien mal du bien-pensisme corporatif qui prône avec mièvrerie que « C’est plus sympa pour le patient d’être pris aux bras que « machiné » ». Mon cul ; j’en  connais beaucoup qui détestent être touchés, manipulés corps à corps et en se tapant les odeurs corporelles des soignants… Alors ça va faire, le concept de soins "Pièta de Michel-Ange"... L'auréole, ranafout.


Et pourtant, on se tait, on fait. Et pourtant, on prend des calmants, avant ou après. Alors… oui, la suradaptation, c’est con.

 

Et avec l’autre truc, là, « suranticipation », on a l’horripilante paire de mamelles à laquelle s’abreuve cette corporation principalement féminine, qui soigne souvent de manière plus familiale que professionnelle, et communique beaucoup par commérages et « discussions de hammam ».

 

Tout comme je suis persuadée que si la bagnole ou l’ordinateur avait été inventés par des femmes, ils auraient d'autres aspects et manières de fonctionner, je suis convaincue que les soins infirmiers seraient moins gnan-gnans et un peu plus axés sur le rationnel-non-affectif s’ils étaient d’obédience masculine.

 

En toute chose, l’équilibre est bon : plus de mecs au charbon, je dis "oui", et "oui" encore pour que les rares qui s’y risquent restent sur le terrain au lieu de partir vers l’administratif et le gestionnaire – ça m’étonne tellement pas qu’ils y partent…

 

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commentaires

S
<br /> Alors : le style : je sentais l'écriture plus difficile que d'habitude, sans savoir pourquoi, puisque les mots eux-même étaient pas très violents. La conclusion éclaire cela, le processus<br /> d'écriture était empli d'une émotion sans doute assez musclée.<br /> <br /> Les voitures : pour de rire, on peut dire que les voitures "conçues par des mecs" sont pas intuitives. Si elles étaient conçues par des femmes, elles seraient peut-être plus simple d'utilisation,<br /> mais feraient aussi des trucs que t'as pas demandé. Elles te devanceraient "pour ton bien"...<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Ah que voui, j'en ai sec de tout cet univers... depuis le temps. Je me sens depuis longtemps assez "bisexuée", concernant la conception du monde et du travail.<br /> <br /> <br /> La bagnole intuitive, hi hi, la bagnole maternante, quelque part.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> OK, bingo, capté!<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Je comprend pas ce que tu comprends pas :-)<br /> <br /> - mon impression sur le style de ce billet ?<br /> - mon développement sur ton hypothèse de l'invention de la voiture par les femmes ?<br /> <br /> Ces deux éléments de réponse n'étaient pas liés entre eux, d'ailleurs.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Tous les deux mon capitaine! :-))<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Du diable si je capte ce que tu veux dire, ami...<br /> <br /> Tu veux bien m'éclairer?<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Waouh, bien fait de lire jusqu'au bout. Je me disais aussi que le mitraillage du style était un peu différent... Les dents un peu serrées quand même sur l'argument longtemps mijoté.<br /> <br /> Et si les bagnoles avaient été conçues par des femmes, elles t'emmèneraient partout où t'as prévu d'aller, même si t'y as renoncé entretemps.<br /> - Mais... Pffff... Non mais nouvelles chaussettes ça attendra.<br /> - Non. On a besoin. Tu l'as dit. On le fait. Sinon je roule plus.<br /> - Bon...<br /> <br /> <br />
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