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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 11:10

     Première neige qui tient au sol, ce matin... Elle s'est mise à tomber alors que je sirotais mon café en tentant le sudoku de haut niveau de mon canard habituel (je le prends de droite, vu que j'ai le cœur un peu plus à gauche, ça donne d'intéressants débats intérieurs...). Évidemment, je plante mon sudoku - pourquoi dis-je évidemment, ben parce que ça m'étonne toujours d'arriver à en torcher un réputé difficile... Les chiffres, en soi, ne m'intéressent pas; au collège, effet boule-de-neige: ça m'intéresse pas, donc  je baye aux corneilles, je n'apprends pas, je me tire toujours des tests avec des sueurs froides, m'attirant les foudres de mon prof de maths, toujours le même qui me poursuit ou presque de la première à la quatrième - j'échappe pourtant à son collègue, réputé pour humilier les élèves. C'est déjà ça!

Au gymnase, toujours aussi réfractaire, j'ai la chance de tomber sur un humaniste qui s'amuse plutôt de mes bêtises, et livre enfin son secret d'homme bonasse le jour où la classe se voit pour la dernière fois avec quelques profs: formé dans le canton voisin pour les maths et la philo, jamais ce dernier diplôme n'a été reconnu chez nous, il a donc été condamné à enseigner le reste. Alors, écœuré par ce système partial, il compte large dans ses corrections, et va gratter partout où il peut pour entasser des quarts et des demi-points, histoire de ne pas faire bêtement échouer les lunaires comme moi, doués ailleurs... Sans ouvrir un seul fascicule en trois ans, rassemblant les bribes de ce que j'étais obligée d'absorber par osmose en classe, soutenue par ma bienveillante voisine (encore que passablement agacée par mon blocage, et qui me prenait de guerre lasse mes questions de tests pour les faire à ma place et me les refiler ensuite...), j'ai passé mon bac avec un trois sur six dans cette branche qui me paraît aussi conne que la guerre; même pas la moyenne!

Ce dont j'ai eu besoin ensuite dans la vie, comme la règle de trois, je me suis arrangée pour l'apprendre et me le garder au chaud ; et puis, être démuni rend inventif !

 

     Parfois, j’aimerais reprendre ce pan laissé en friche, car il est devenu évident que je comprenais les concepts abstraits toute seule dans une période de deux ans après qu’on ait tenté de me les enseigner. Ce serait pour le pur plaisir d’exercer ma logique, mais toujours en tentant de voir les applications pratiques. Gagner au Master Mind, par exemple, c'est une application pratique. Et toc.

 

La spéculation pure ne m’intéresse pas… j’aime, moi, mettre mes efforts au service de ceux à qui j’enseigne des choses à faire s'appuyant sur un raisonnement, quoi que j’enseigne ; et dans le but qu’ils se passent de moi le plus vite possible. Ce qui me gratifie, c’est de voir tout-à-coup que Truc et Muche prennent leur envol, connaissent les règles et quelques subtilités, assez pour tenir un raisonnement autonome et devenir indépendants, puisqu’ils possèdent les principes. Ce qu’ensuite leurs actes prouvent, c’est que les principes, justement, ne sont qu’une trame sur laquelle bâtir sa propre résolution de situation.

Pour vérifier que la solution est viable, je bâtis une grille d’évaluation, et je refais le parcours avec eux en regard de chaque critère : ta solution respecte-t-elle autant les deux parties impliquées dans son processus ? Es-tu sécuritaire / confortable / efficace / économe et écologue autant pour toi que pour ton client ? Quand la réponse est oui partout, je jubile : n’en v’là encore un qui a capté le concept… Allez, via, t’as plus besoin de moi. Kassos.

 

Et puis, l’autre chose que j’aime aussi, c’est de comparer les solutions, de voir qu’elles peuvent être très différentes, créatives, hors sentiers battus.

 


     Une certitude s’est faite jour en moi au fil des années, c’est qu’il arrive souvent que pour mener à bien une tâche, la solution la meilleure soit de « ne pas faire » ; l’environnement comportant une contrainte de trop, et l’objectif demandant révision, avant toute chose.

C’est cette capacité à rester dans la zone de risque raisonnable qui se développe en dernier, et elle demande pas mal de fermeté et d’audace; ou alors d'apprendre à se ranger à une manière de faire qui semble aberrante, si on ne peut pas faire autrement...

Si on a le choix, on en vient parfois à refuser un mandat, tellement l’irréalisme se met de la partie : sa part devient exorbitante, dans le sens que le solutionneur commence à mettre plus que son dû dans l’accomplissement de sa tâche, et se fait ratatiner comme peau de chagrin son énergie, ou son pognon, ou son temps.

 

Ou sa santé, tiens, au hasard.


Il y a toujours quelqu’un quelque part pour téléphoner à ses collègues alors qu’il est en congé-maladie, et proposer son soutien d’une manière ou d’une autre.

Il y a toujours quelqu’un pour se croire indispensable.

Il y a toujours quelqu’un qui pourrait profiter de quelques jours de break pour avancer dans le lâcher-prise…

 

L’équipe dans laquelle je travaille depuis cet été porte son paradoxe comme une raison de vivre : la personne qui a le plus précisément décrit combien notre team se suradaptait aux insuffisances de la hiérarchie est actuellement en arrêt pour une pneumonie ; mais signale trois fois par jour par SMS sa « disponibilité à distance »…

 

Comme quoi les prises de conscience ne suffisent pas, car tout reste à faire ensuite : traduire un tilt intellectuel en actes, et surtout, le plus difficile, en NON-ACTES.


En somme, cesser de suranticiper, de jouer à l’hyper-intendant, à l’ordinateur du quotidien. D’un autre côté, l’avantage de laisser surgir les problèmes, c’est que qui de droit va devoir s’atteler à les régler : ceux dont c’est le cahier des charges. S’il y a toujours quelqu’un pour éteindre la lumière et fermer les tiroirs derrière les distraits et les inconscients, comment vont-ils apprendre à se débrouiller seuls, a fortiori quand, justement, on tombera malade de s’être surinvesti ? Et puis, quelque part, c'est presque malhonnête de faire croire à son patron que tout va bien dans le meilleur des mondes! Puis de lui reprocher de ne pas s'atteler à un problème... dont il ignore l'existence!

 

Parfois, derrière ce genre de comportement qui hurle silencieusement « Vous ne pouvez vous passer de moi », je pressens la peur du vide ou une estime de soi un peu faiblarde ; qui puiserait sa nourriture dans l’estime de la part des autres, et fait le lit des dépressions post-retraites.

A quoi servirai-je, désormais, si plus personne n’a besoin de moi, si l’on peut se passer de moi ? Mes enfants partis, le marché du travail fonctionnant avec d’autres personnes de ressource, quelle sera ma raison de vivre ? Les technologies évoluent vite, alors que me reste-t-il à faire valoir si je ne me mets pas à jour au quotidien ? Mon expérience de vie ?

 

     Depuis quelques années dans mon canton, on peut suivre des cours pour préparer sa retraite, - enfin, à part les démarches administratives, je suppose qu’il s’agit surtout de groupes d’échange… Tiens, revoilà l’idée du réseautage… Au lieu de mandater des soignants-à-domicile auprès de tous les vides existentiels qui se sont mis en place peu à peu au fil des vies, pourquoi ne pas les exercer à rester en contact, à garder vivante cette part de soi qui n’existe pas sans les autres, sauf peut-être pour les ermites… et encore, les religieux ont une ligne directe avec le grand ordonnateur de toute chose… Tout le monde n'a pas le téléphone spirituel!

 

Bah. Je pense que c'est trop tard de s'y mettre à ce moment-là; comme on fait son lit on se couche, c'est donc bien avant 65 ans que les dés sont jetés. Etre vieux, ou seul, ou retraité, ce n'est pas une raison pour se réunir avec d'autres, ce n'est pas un intérêt commun comme mettre des petits bateaux en bouteille, filer trois jours faire une petite virée muséo-gastronomique, ou coudre des patchworks éblouissants. Ces choses-là, c'est du plaisir. Mais parler avec d'autres retraités des difficultés de passer dans le camp des "inactifs", ça parle pas de plaisir, plutôt d'une difficulté à surmonter.

 

Quand mon laitier de grand-père a passé le cap dans les années 70, lui et ma grand-mère se sont sentis comme des Crésus: jamais eu autant de pognon dans les mains! Compter et recompter leur sous est devenu leur occupation principale, comme si ça allait s'envoler. Impossible de les faire se départir de leurs habitudes, les pires jours de la Mob' de 39-45 leur étaient restés chevillés au corps.

Et aussi, ils tenaient mordicus, on aurait dit, à avoir du temps pour ne rien foutre, juste ça. Quitte à ce que ma grand-mère - folle de rage d'avoir son époux désoeuvré dans les pattes vu que dans son quotidien à elle, rien n'avait changé - lui donne à faire des trucs débiles: transformer du persil en hâchis à congeler ensuite en bloc, après ya pu qu'à en gratter un petit peu sur la salade pour l'assaisonner, hop vite fait, ça gagne du temps. A quoi ça sert d'en gagner quand on ne sait déjà plus quoi en faire?


Le fric faisait des petits, patiemment, pendant ce temps. Glissé ici et là sur des carnets d'épargne pour ma soeur et moi... et destiné, dans leurs têtes, à ne pas être dépensé! Bisbille en vue: quand j'ai racheté à bas prix une petite moto bien utile pour assurer mes gardes du soir, j'ai eu droit à une gueule de 36 pieds de long.

 

 

Bon, je m'arrête: Caroline m'attend pour une fondue dans un café réputé de ma ville.

 

Et puis, en toute logique... vous n'avez pas besoin de moi pour y réfléchir - pour autant que ça vous tente.

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