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14 novembre 2010 7 14 /11 /novembre /2010 10:34


 

Sandrine : la pluie, comment elle finit, dans l’espace ? Qui c’est qui décide ?

 

Valentin : mais pourquoi vivre, si de toute façon il faut mourir ?

 

Nalo : pourquoi c’est vous, mes parents ?

 

 

 

C’est haut comme trois pommes et ça veut déjà comprendre le monde, le pourquoi du comment, et bientôt ça voudra apprendre à ne pas confondre le hasard et la nécessité. Grosse fatigue.

 

Sandrine ne captait ni pourquoi, ni comment la pluie décidait de s’arrêter vers Morges, alors qu’à Lausanne le bitume était sec, mais qu’à Aubonne il royait tout ce qu’il pouvait. Si à la maison on ouvrait et fermait les robinets, il devait bien y avoir aussi là-haut un grand Maître de la tuyauterie. Selon quels critères travaillait-il? Se lavait-il les mains sur nous ? Berk ! Alors l’idée de se prendre l’eau sale de son bain sur la tête, c’était assez dégueulasse, en fait. Désespoir d’être à la merci d'un locataire d’en-dessus assez indélicat ; et incompréhension de la  gratuité de son geste – dans le sens de vanité  - mais aussi pressentiment de la bêtise de manipuler les vannes à mauvais escient, au lieu de fourguer tout ça aux gens du désert… Et c'est qui, d'abord? C'est lui, Dieu? Dis-voir, en toute confidence...  Machin là-haut, il serait pas un peu con sur les bords? 

 

Valentin, je le rencontre à la piscine, sa mère le remorquant vers les WC – ça avait l’air d’urger pas mal. Il marchait en remontant les genoux serrés si j’ose dire, de peur de lâcher un jet prématuré ; et balayant l’espace d’un regard inquiet : « Mais, on va aux toilettes de chez qui, là ? ». La question essentielle, en somme. Je n’ai pas encore compris le caractère préalable de sa requête : savoir à qui appartenait la cuvette d’émail où il allait se soulager. Par contre, il paraissait tellement inquiet… La satisfaction de son besoin risquait-elle, à son idée, de lui attirer une punition? Permission de pisser par le propriétaire des lieux en personne? (Va lui expliquer que la piscine communale appartient aux citoyens, dont il fait partie, alors que son obsession c'est de ne pas vider sa vessie à l'instant...). Conjectures dans lesquelles je me perds.

 

Nalo : je viens d’où ? Pourquoi vous ? Donc, pourquoi moi ? Je n’ai pas demandé à être ici, ni avec vous ; mais je vous aime beaucoup quand même. Demain, elle demandera pourquoi elle est née fille. Et personne ne pourra honnêtement répondre « Parce qu’on te voulait très fort », car quand elle apprendra (très vite, je suppose !) ce qu’est la génétique, et qu’on ne choisit en somme ni ses parents ni ses enfants, et qu’un des pires mensonges est de faire croire à un gosse que c’est lui en personne qu’on a élu… ça va saigner dans les cœurs. Même un bébé « naturel » est, quelque part, un gosse adopté. Parole de sage-femme, le lien parental n’est pas une évidence, mais parfois une obligation morale qui conduit ici et là une mère à l'infanticide…

 

 

Comprendre que chacun de mes actes était placé sous ma responsabilité, au final (même si un parcours de vie détermine, lui, certaines manières de répondre aux stimulations de l’environnement), ça a été long, difficile, un peu écrasant. Dans ma petite enfance, mes parents eux-mêmes tentaient de s’y retrouver dans leurs propres valeurs, en cette fin de leur adolescence. Bâtir en conscience un système d’examen des choses à-faire-et-à-ne-pas-faire relevait de la haute voltige de l’esprit, et en avoir le temps, du luxe pur et dur, carrément. J’ai mis très tard un nom sur cette quête de vérité et d’authenticité dans les rapports humains : l’éthique se trouva alors parée des vertus dont je n’avais jamais réussi à orner la morale, et pour cause. Là, l’horizon a commencé à s’éclaircir, et quelques culpabilités à se dissiper.


Si la morale est le reflet de ce qu’une société se tolère à une époque donnée, alors l’éthique est en soi le processus mental d’examen des valeurs dans lesquelles on baigne, et un espace de liberté, au contraire d’une contraignante compilation de règles tacites à apprendre à ses dépens.

En témoigne la réflexion désabusée que j’ai lancée au flic qui m’avait verbalisée suite au parcage de ma voiture en zone « libre » : « En fait, vous travaillez avec « Tout ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit », alors que ma philosophie de vie c'est plutôt « Tout ce qui n’est pas expressément interdit est autorisé ». » Cette pensée hautement voltairienne n'a pas plus inspiré le pandore, qui m'a livré un sobre « Oui ». 40 balles de l’époque pour une leçon d’humanisme, j’ai trouvé pas cher payé, même si à la place je me serais bien offert une bonne pizza avec deux décis de Valpo et un tiramisù. Je ne voyais pas encore la portée de l'incident... Où peut vous mener une simple contredanse, c'est fou!

 

Mes pérégrinations mentales m’ont d'abord poussée vers un thème annexe, comme « Si tu veux pouvoir réfléchir à ce genre de truc, faut bien manger pour que ta cervelle puisse fonctionner ». D’où l’idée de la pizza. D’où l’idée ensuite qu’au-delà des actes du quotidien qui, comme nos frères les plus proches l’orang-outang et le chimpanzé, visent à nous mettre à l’abri et à enfourner le nombre de calories nécessaires pour passer la journée, il avait bien fallu qu’un jour on en aie en excédent pour arriver à concocter divers outils de base, du silex à trancher et du percuteur au PC sur lequel je me complais à vous raconter mes états d’âme. (Si vous êtes arrivés à ce point de la lecture de mon texte, j’ose espérer que ça vous interpelle, au moins. C’est vrai quoi : qu’est-ce que vous foutriez encore là, sinon ? Certains me font parvenir des commentaires insultants, mais… c’est plutôt bon signe ; encore faut-il que débat puisse s’ensuivre, car le pugilat m’ennuie.)

 

Cela est bien, mais cultivons notre jardin.


Choisir ses amis, on peut. Sa famille, en aucune manière. Même avec toutes les fivettes qu’on veut, avant tout c’est un poupon qu’on souhaite, et qu’il devienne un penseur ou un criminel, ou même un cumul des deux, c’est pas la préoccupation du moment. Plus tard, l’illusion de la fusion s’étant concrétisée, en même temps qu’on tente de leur inculquer de quoi vivre à peu près en paix avec leurs semblables, il va falloir dealer avec les questions incessantes dont les nouveaux petits parleurs abreuvent leur entourage. Sans parler de l’accablement qui peut submerger même les petiots – bon moi j’ai quand même attendu mes sept ans pour arriver derrière mon père et lui dire doucement que je trouvais dur de vivre parfois, et que je m’ennuyais décidément avec les jeux réputés de mon âge. En quelques questions anodines de sa part, je suis passée aux sanglots, à la fois désespérée de ne pas profiter de la vie, et d’avoir autant de temps devant moi pour en souffrir. La dèche totale dès l'école enfantine, en somme. Ca commencçait bien...


Il s’est alors encore plus ingénié à nourrir mon esprit, à me renvoyer la balle quand je lui posais des questions du genre « C’est comment le monde ? ».  Sa réponse préférée : « T’en penses quoi, toi ? », ne trouvait pas toujours un écho intéressant à mes "yeux" : j’avais besoin de ses certitudes à lui, pour m’accrocher aux branches en attendant de trouver mes propres fruits… Parfois, il a trop attendu de moi, et sa déception a été vive. Mais dans l’ensemble, il a fait pour moi ce que la vie ne lui avait pas offert : stimuler mes neurones, et me pousser à chercher moi-même des réponses. Tous les deux, on dévorait les tomes successifs des « Time Life » dont il s’était offert l’abonnement ;  sur tous les thèmes possibles et imaginables, scientifiques, philosophiques, historiques… Des réponses, oh oui, j’en avais. Mais accompagnées du triple de questions… Galère et bonheurs emmêlés !

Un autre truc génial qu'il a fait: m'offrir de pratiquer une discipline sportive qui s'avéra également philosophique, l'aïkido. Quelques premières réponses spirituelles, c'était très bienvenu pour mes douze ans si torturés: j'ai très vite passé aux entraînements avec les adultes, je trouvais le cours pour les mômes un peu trop "amateur". J'ai arrêté quand cela m'a paru trop extrémiste, et que j'ai pu me forger quelques outils personnels pour avancer.

 


 

Intermède et fin : Zorro m’accompagne dans la pièce voisine, et dans ses jeux repousse accidentellement la porte. N’a d’autre but, du coup, que de sortir ! A une année et demie,  s’il a compris qu’il pouvait du museau élargir une brèche entre porte et montant, et s’il commence à capter que d’une patte il peut ramener une porte vers lui quand elle ne s’ouvre pas dans le bon sens, il lui manque de pouvoir ordonner des séquences isolées de manière logique : il n’a pas encore capté qu’il pouvait lui-même être l’obstacle à l’ouverture… Tablant sur le pouvoir de l’urgence et du stress qui s’ensuit et qui donne souvent lieu à des éclairs de génie chez toute espèce, je m’arrange pour provoquer un bruit qui le fait habituellement fuir à ras-de-terre les oreilles baissées. Miracle… il trouve moyen d’agencer ses actes, et le voilà tiré d’affaire. On va bien voir si cet accident se répétera au point de devenir un réflexe.

 

Question progrès, j’ai foi en la nécessité de se sortir des mauvais pas, pour tout être doué de réflexion. Un puissant moteur, en vérité. Faut bien ça pour accepter les aléas de la vie et le hasard permanent qui préside à notre présence sur Terre…

 

Sur cette note d’espoir, je file petit-déjeuner : un billet de blog dès potron-minet le dimanche, ça demande un peu de sucre pour le cerveau. En d'autres termes, je crève de faim!

 

Tshaw et bonapp' tout le monde.

 

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