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1 mars 2010 1 01 /03 /mars /2010 14:59

Ben oui, Zorro boit du lait, il est d'un conventionnel épinalien, ce katz! Totalement écoeurant.

     Pire: je m'en sers un verre et il rapplique au pas de course. Alors qu'il est assez patient d'habitude pour goûter ce qui l'intéresse, et supporte un peu d'attente... là, c'est la patte sur mon bras, avec insistance, il bêle de convoitise.

Je préférerais qu'il soit aussi éclectique sur le produit qu'il peut l'être pour d'autres trucs: les chips au paprika, le robinet plein de calcaire, le fromage à tartiner (ça, ça l'occupe bien, ça colle aux dents, aux moustaches, bon rapport produit/distraction), la pâte de foie gras (me rappeler de ne jamais laisser un tube dehors, je le retrouve percé d’une centaine de petits trous de dents, qui laissent passer de la matière séchée – pas sexy pour se faire une tartine après son passage, non). Le condiment concentré en tube aussi... ça le rend fou.

     Sinon, l'autre jour, je marche sur un truc bizarre, entortillé, on aurait dit un bout de caoutchouc: un ver de terre sec, ramené en cadeau et déposé à mes pieds. Beuh. Poubelle, illico. Bon, au moins, c’était pas un autre muridé égaré dans ma salle de bains au milieu de la nuit…


    Zorro est un chat maladroit : c’est le premier que je vois se rater autant au saut de table, de baignoire ou de lavabo. Je me demande si, chat d’avril 2009, l'hiver ne l’aurait pas rapidement doté de quelques rondeurs demandant adaptation dynamico-balistique ? Quand même, c’est le champion pour renverser le tabouret avec trop d’élan (yaaaboum) … mettre tout son poids sur le bout du journal qui dépasse de la table (chteboïng) ...  ou calculer trop court en plus d’atterrir sur la surface glissante du papier (rhaa, ce bruit de griffes pédalant désespérément sur les objets alentours, yiikiikikik).

 

    Zorro est lunatique ; effet du printemps, ou phase de croissance ? Complètement relâché au creux de mon bras et du duvet, le v’là sans crier gare qui baisse les oreilles, fouette de la queue droite-gauche et plante inopinément ses chagnottes dans mon petit bras mignon. Vayaïlle. Mais… pûrkwââ ? Aurais-je pensé quelque chose de déplaisant ? A l'autre extrême, ça lui arrive aussi de poser sa patte sur ma main pour attirer mon attention. De venir six fois dans la soirée me saluer en coup de vent, et de repartir fissa, le temps pour moi de sentir son poil frais du dehors (ou mouillé, les jours de malchance ; et bien sûr cet innocent petit salaud attend d’être devant moi pour s’ébrouer, bouaque). De s'installer la tête à deux (2) centimètres de mon nez pour être sûr d'avoir mes deux (2) mains sur lui - que je ne m'avise pas de n'en utiliser qu'une, il se lève et glisse le museau sous mes doigts pour projeter ma dextre en l'air, le temps de caler son chef dessous. Gwoss'bwute, va.

 

    Nouveau dada : se planter devant l’écran de télé, ou du PC, pour tenter d’y choper ce qui bouge (un autre chat, la mèche de Romejko, le pointeur… quitte à emporter sur sa lancée le portable qui finit sur le parquet Versailles). Dernier en date : étirer ses antérieurs quand il se réveille sur le gros coussin sous la fenêtre, et planter ses griffes dans le rideau pour maintenir l’élongation (NB : peut rester dix minutes d’affilée ainsi). Y'en a à qui les étirements coûtent pas chers... mais appeler à l'aide son coach pour se libérer, pas cher non plus.

 

    Un ado, quoi.  Déconneur, versatile, mesurant mal ses efforts… et fanfaronnant « même pas mal » en boitillant un bout plus loin. Un petit conseil: ne pas rigoler, ne pas insister, c'est aussi vexé que si c'était un humain.

 

    Hé, Zorro! Passe ton bac d’abord...

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23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 11:29

filao


filao


Mon monde est doux


doux comme l’hièble
doux comme le verre de catastrophe
doux comme le parfum d’une étoffe rouge sur la respiration bruyante d’une peau noire
doux comme la houppelande faite de plumes d’oiseau que la vengeance vêt après le crime
doux comme la démarche sûre et calomniée de l’aveugle
doux comme le salut des petites vagues surprises en jupes dans les chambres du mancenillier
doux comme un fleuve de mandibules et la paupière du perroquet
doux comme un pluie de cendres emperlées de petits feux


filao
oh
filao


Aimé Césaire, Soleil cou coupé

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19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 11:55
     Zorro, en bon félin, part en vadrouille nocturne. Parfois en revenant, il sent le feu de bois: je me perds en conjectures, où dans mon quartier peut-il y avoir des vestiges de brasier? Je ne le saurai probablement jamais.

Alors que le moindre de ses dégueulis, de ses coups de griffe dans mes rideaux, tout ça m'est connu tôt ou tard, sa vie de chat qui sort m'échappe. C'est aussi bien ainsi: je préfère ne pas savoir ce qu'il bricole au-dehors.

     Ainsi cette nuit
, vers les 3 heures, un horrible couinement déchirant me tire du lit, le coeur tapant. La source du bruit est à la salle de bains, le petit justicier s'affaire, trépigne devant une de ces superpositions d'articles propres aux lieux du même genre, et qui l'empêche d'accéder à l'objet de sa convoitise.

J'entends bien un bestiau fourrager... j'imagine une souris, un petit machin à cueillir vite fait et à remettre dehors.

Et je découvre un petit rat dans la baignoire, complètement affolé et chiant de peur, littéralement, se jetant contre les parois qui n'offrent aucune prise. Dans les 12 cm sans la queue, braillant sa détresse...

Zorro mis à la porte, je cherche comment récupérer la bestiole, qui bien sûr ne perçoit pas mes intentions pacifiques et tente de m'attaquer. Pour finir, à bout d'ombrelle chinoise en papier, je cueille mon visiteur forcé pour le virer sur le balcon par la fenêtre ouverte. File profiter de ton sursis, toi...


     Ca m'en rappelle une autre:

Une froide nuit de garde, je rentre après une intervention. Et je croise un énoooorme rat... qui vient se mettre au chaud entre mes bottes! Sidérée, je reste à me les geler un moment de plus, profitant d'une si rare rencontre. D'habitude, je croise des fouines, des renards... un rat, mahousse en plus... j'ai bien aimé ce moment privilégié.



Et je me prends à aimer ne pas savoir tout sur la vie de Zorro au dehors, me bornant à le vermifuger, l'équiper de ce qu'il faut pour chasser les puces. Vis ta vie, l'ami. Et reviens en bonne santé et entier, c'est tout ce que je te demande. Viens m'emmerder la vie quand mon frichti te plaît et que tu en voudrais, viens t'étaler sur mon journal du matin, viens jouer à te faire peur, slalomer entre mes pieds et manquer me mettre par terre.

Bandit à fourrure, va.
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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 15:45

 

L’irrévérence

Est une petite danse

Qui d’abord marie en un duo cynique et triste

bleu propret et morne kaki

 

Sournoisement

Vaguer

De la nuance au fruit 

Lune pleine et rousse à la mouche en trèfle

Dont la peau âpre foudroie la langue sans épicer en rien son écoeurant charnu

 

Combien plus doux et velouté – Oh, l’abricot, petit pétard goûtu !

Oh, ces mouchetures de vénitienne, sur des rondeurs rougies au cœur de l’été scintillant !

 

De ta peau je m’enivre

Et le cœur en chamade

M’attarde au replat de tes reins

Mordillant

Gobant tes perles de sueur

Effleurant le léger duvet

Mais dans la pénombre ta chair, mortel amoureux ! pulse de la même sombre rivière

que le sang des étals

 

Provocation Insolence

Fourmilière de mes lèvres tout contre les ailes des aras 

Feu, or et curcuma

Plumetis bruissant sur entrelac de branches vernissées

En un vertige le fond d’azur perçant comme un cri

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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 22:49

 

    Plus ça va, moins j’ai envie de sortir, de voir des gens.


A 18 ans, je sortais pour fuir mon cercle familial… A 20 ans, je l’ai fui définitivement. Jusqu’à 30 ans, j’avais besoin de rencontrer du monde, de pousser mes pseudopodes dans toutes les mouvances, de remplir quelque chose, de m’étourdir. La transe alcool - danse - sexe, ça a longtemps bien marché les fins de semaine, c’était fun, sympa, jamais dangereux… Une petite alerte m’a pourtant mis la puce à l’oreille : le dégoût de renifler mes habits enfumés par la clope, les lendemains d’hier.


Et puis, soudain, un samedi soir de mes 27 ans, je me pomponne, je me fais belle, je prends ma voiture pour aller m’encanailler…  J’arrive au premier feu rouge… Et j’opère un tourner-sur- route pour rentrer à la maison : plus envie de mon habituel lieu underground et sulfureux -  promesse de regards mi-apeurés mi-respectueux de la part de mes bien-pensistes de collègues de boulot, quand je l’évoquais. Je suppose que ma période punkette de luxe était révolue.


En fait, je n’avais déjà pas envie avant, mais je voulais rentabiliser mon congé, à l’époque j’en avais peu sur le week-end – la réalité de l’infirmière  que j’étais.

 

Je consommais donc du temps libre, en somme… Et peu à peu je me suis mise à en profiter, simplement.

Mais d'abord avec un arrière-goût coupable : tu devrais sortir, voir du monde, c’est pas bien, tu deviens sauvage… Ca m'a passé, heureusement.


 

     Mais en fait je vous parle de solitude, et de solitude choisie. Je vous parle d’y être bien, je vous parle de se suffire à soi-même parce qu’on se connaît assez bien et qu’on se plaît en sa propre compagnie. Pas de fuir les contacts – je sais tomber amoureuse, j’ai vérifié récemment -  et j’aime rencontrer certaines personnes, concocter avec elles des sorties, des expéditions outre-en-là, des week-ends de fête du rempotage de nains de jardin. On se marre bien. Parfois ça finit au tuyau d’arrosage, ou au lancer de têtes au choco. On se fait des petits plats, mon truc c’est le vacherin  au four, la soupe à la courge-curry-coco couillue… des saloperies comme ça.  J’en ai un qui mûrit au frigo, de vacherin – ça dégage les bronches quand je vais y chercher quelque chose.


Je vous parle de la liberté de ne sortir que pour aller travailler (quand c’est absolument nécessaire) et faire ses courses ; oui, j’ai aussi besoin d’aller faire un tour parfois, d’aller dans des endroits où il y a ce que je n’ai pas chez moi (le hammam, la table de massage avec l’huile et la masseuse au bout, les employés de l’administration municipale, cantonale ou fédérale qui ont besoin que je leur prouve que je suis bien qui je prétends être,  etc). A part ça… je suis bien dans mon petit cocon extensible en été (ah qu’il est joli mon balcon dans les rouge, orange et vert…), avec le chat fou ou en hibernation, les bruits environnants qui diffusent en filigrane ce message important : « Tu n’es pas seule au monde ».


 

     Même quand je vivais en communauté, notre mode de vie nous laissait libres de nous ignorer dans nos présences et nos allées et venues – je me souviens d’un gars qui est rentré prématurément de son boulot pour cause de grippe, s’est couché fiévreux, a dormi et déliré 72 heures seul dans sa chambre puis s’est réveillé frais comme un gardon, assoiffé et affamé… et de notre stupéfaction quand il a raconté son histoire.


Cette période de ma vie a été riche et remplie : j’étais en compagnie et elle ne m’étouffait pas. Oui, le quotidien avec quelqu’un d’autre me pèse, je vis à poil ou presque, je marmonne et je parle au chat, on s’amuse bien les deux – il sort plus que moi !


Quand le téléphone sonne et que je n’ai pas envie de parler, je le regarde méchamment, je le laisse dévider son message et recueillir l’autre, et si la voix est attendue, ou amie, ou par chance les deux, je décroche.

Vous pouvez sonner à ma porte tant que vous voulez, ce n’est pas parce que je suis là (son et lumière comme preuves à charge) que je vais vous ouvrir. De quel droit venez-vous vous imposer à moi ?

 


     Ma solitude est comme une initiation, elle me délivre du besoin des autres, pour n’en voir émerger que l’envie pure, le désir de rencontre. Comme Nietzche, je souffrirais plutôt de la multitude… Mieux seule que mal accompagnée, ma devise. Je trouve encore, en farfouinant, cette citation de Téchiné : « Savoir être seul est une grande aventure de nos jours, une résistance à la pression sociale. C’est tout aussi audacieux et important que de former un couple. »


Voilà, on y est. Quelqu’un m’a mise sur la piste de Jacqueline Aken, je crois ? « Eloge de la solitude ». Merde, va falloir que je sorte pour l’acheter...


Je n’ai pas d’inaptitude à la socialisation, j’exerce un métier de médiation et de communication, qui me demande de l’écoute active, de l’empathie. Mettons que passés ces moments nécessaires (je ne vis pas de l’air du temps), il me plaît de m’occuper de moi, de mes intérieurs, et de former de mes réflexions, au propre comme au figuré, des textes que j’aime écrire et proposer.


     Quelqu’un sur un forum a essayé de me mettre sur la sellette : constamment branchée sur le web, comment vivé-je ce que je prétendais vivre ?  Eh bien, justement… les médias m’apportent chez moi tout ce qu’il me faut, et le peu de reste, je vais le chercher ; calculant mes sorties de manière à équilibrer le besoin de les limiter et celui de ne pas me mettre sous pression pour rentabiliser une expédition vers le monde habité – hhhhaaaannn, il commence dans ma cage d’escalier…


Seule, je suis complète, et de plus je m’enrichis de ce que je laisse venir à moi ; en société, je me fractionne : je suis successivement « la fille châtain-roux qui mange en face de moi et dont je cherche à rencontrer le bleu des yeux », « la documentaliste qui m’a répondu au téléphone », « ma camarade de cours avec laquelle je dois collaborer ». Parfois je suis tout ça en même temps, et même alors, je ne suis qu’une somme de fractions.

 


     Même en vivant un bel amour de cœur, d’intellect et de corps, j’expérimente un mosaïcisme qui me terrifie, quelque part. Si j’étais mère de famille, compagne, que resterait-il de moi une fois toutes ces pièces éparpillées au gré du temps ? Je me désagrégerais, alors que mon noyau dur a besoin de s’éprouver en entier, pour rencontrer avec justesse qui m’émeut.


J’ai besoin que les rencontres soient signifiantes ; une fois mon estomac plein, les groupes  m’ennuient souvent, je ne rêve que de m’en aller, de devenir transparente pour pouvoir m’éclipser sans dire au revoir ni adieu. Parfois je peux m’en aller en douce… j’aime.  Décidément je préfère le binôme, avec exception pour  certaine petite famille qui habite à une demi-heure de chez moi...


Ce n’est pas un exil, mais un voyage au fond de soi. J’en livre d’ailleurs les morceaux les plus intéressants, ici-même.  Carnet exploratoire, randonnée intérieure ; ni au Mexique (mon choc culturel le plus éblouissant), ni en terre de désespoir. La solitude, quel immense continent plein de souvenirs.

 

     L’idée de Téchiné, de résistance à la pression sociale, c’est intéressant. Tout autant que la supposée tare du célibat.


Pour voir, je tape solitude et célibat sur Google : à gauche, des articles et interventions célébrant les deux… à droite de mon écran, une colonne de sites de rencontres !


Florilège :


Le manque affectif peut être ressenti malgré son couple

Le célibataire heureux serait par contraste plus souvent femme que homme

Un célibataire socialisé finit par avoir besoin de sa solitude… (hé, on parle de moi !)

La solitude est souvent présentée, à tort, comme un truc vécu par défaut

Le célibat, même choisi, l’est par réaction de défense (ha bon… et ça changerait quoi ?)

Sa perception est différente selon la culture… Pour certaines, temps d’attente, de répit, de repos, de temporisation avant le travail de fonder-famille

Le célibat n’est pas l’abstinence, vive la sologamie…

Au cul les marieurs !


     Comme le dit Christian Bobin, la solitude est un état de grâce dans la mesure où elle comble qui la vit. Une plénitude et une manière de me relier au monde qui m’entoure. Un luxe à vivre, un creux plein de richesses.


Et un besoin animal, une surabondance de temps alors qu’à partir de mes trente ans, j’ai assisté, impuissante, au spectacle du temps qui se met à filer.

Là, je traîne les pieds, je m'arrête tous les trois pas pour regarder le paysage, je m'étire mentalement, je saucissonne, assise sur un gros rocher au milieu de ma vallée d'altitude chérie, éloignée des montagnes à les toucher... Délicieux.

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24 janvier 2010 7 24 /01 /janvier /2010 17:39

 

 

 

     Au-delà du bagage chromosomique,  on devient femme, oui, Mme de Beauvoir. Etre femme est un rôle social dévolu, et même quand on croit avoir toute latitude pour inventer sa vie.


Au hasard des échanges virtuels, j’ai été mise sur la piste des écrits de Paola Tabet, une anthropologue. Je n’ai pas encore mis la main sur ses livres et ses articles, mais ce que j’en perçois à travers une interview retranscrite me donne bien envie d’en faire mes prochains achats. Cet éclairage me donne des clés importantes pour consolider ce que je ne faisais que pressentir jusqu’ici.


Et surtout cela me reflète enfin une image ordonnée d'une trajectoire personnelle apparemment en puzzle dispersé et torturé ; alors qu’elle est faite d’actes pondérés, puis de réflexions denses menées à partir du moment où j’ai pu utiliser mes forces ailleurs qu’en automatismes défensifs.


Dès lors se dessine la  cohérence absolue de choix personnels qui paraissaient jusque là avoir été faits par défaut et sans vision d’ensemble: ne pas me marier, ne pas avoir d’enfants, éviter le couple (du moins dans sa forme traditionnelle) –  qui plus est, définis sur le mode négatif. La seule subversion que je ne présente pas, c’est l’homosexualité ; dommage, j’aurais aimé avoir encore ça en magasin…

 


     Tabet examine les relations sexuelles entre hommes et femmes dans le cadre des rapports sociaux de sexe et débusque un mécanisme qu’elle appelle l’échange économico-sexuel , comme point central des rapports de pouvoir entre hommes et femmes, et en un continuum sur lequel on trouve aussi bien la prostituée que l’épouse et la mère de famille.


 De même, à la lumière de ce concept, elle examine la construction de la sexualité des femmes, et débouche sur  la notion de sexage, comme appropriation apparente, mais attribution, en fait, d’une identité sexuelle préformatée.


Ce qui nous mène au niveau politique, en passant par la loi, émanant elle-même de la morale ; soit les us et coutumes en vigueur dans une société donnée, et à un moment donné.

Le discours sur l'usage légitime ou illégitime qui peut être fait du corps des femmes est en effet majoritairement détenu par les hommes. Ce discours est à la fois une énonciation des rapports de pouvoir et des instruments de conditionnement et d'imposition de ce pouvoir. Il est donc politique, car « politique » désigne dans son sens plus large, celui de civilité, qui indique le cadre général d'une société organisée et développée, ou sa constitution et concerne donc la structure et le fonctionnement (méthodique, théorique et pratique) d'une communauté, d'une société, d'un groupe social ou encore la pratique du pouvoir et son discours.

 


Mon travail


     Mon bac en poche et la rupture avec le nid d’origine confirmée, trouver une indépendance financière est devenu prioritaire. Par besoin de sécurité, pour attraper la première branche qui m’a parue être assez solide, je suis devenue infirmière. Encore à présent, c’est une fierté de pouvoir affirmer qu’à 19 ans, j’étais autonome du portefeuille : je m’étais arrangée pour intégrer une école qui rémunérait ses élèves, et ma rente d’orpheline complétait assez bien le défraiement perçu - on nous utilisait pour faire le travail d’aide-soignante auprès du 4ème âge.


Rapidement gênée aux entournures par les préjugés professionnels de la corporation (qui se débattait déjà pour faire d’un métier de services une profession certifiée « bachelor »…), les attentes discrètes de ma famille (quand nous présentera-t-elle son futur mari ? infirmière, c’est bien, elle saura bien s’occuper de ses enfants), et les jauges sociales qui pesaient sur mon rôle et ma fonction (petit salaire, discours émerveillé sur la vocation, mais gonflant, surtout de la part de qui n’a jamais prodigué de soins intimes à des inconnus…), à 30 ans je me retrouve sur les bancs d’université guidée par ma soif d’autre chose. Je n’y reste que le temps de me rendre compte que le panier de crabes est surpeuplé, et que ceux qui s’en sortiront sont ceux qui ont du pouvoir, légitime ou plus dissimulé.


A 42 ans, le fruit est mûr, soigné et arrosé par des années de tranches de thérapie – que je regarde avec reconnaissance : comme la vie ne m’a pas offert de parents capables de me guider et me soutenir, j’ai cherché ailleurs. Et j’ai rétribué des personnes hautement capables de me refléter ce que je pouvais travailler en moi, tout comme de me désigner mon espace de liberté intérieure ; j’ai donc été moins soumise aux formatages instillés par une vie de famille « usuelle ».

Bref, me voilà embarquée pour la grande aventure qui consiste à apprendre un métier qui m’attire, où je pourrai développer mes aptitudes ; 4 années et demi à tirer le diable par la queue, certes ! mais pour obtenir un épanouissement professionnel et personnel.


     La profession que l’on choisit n’est pas seulement une question de compétences ou de goûts, mais de possibilité de plus ou moins bien vivre, voir plus prosaïquement, de survivre. Il y a des professions réputées féminines et d’autres masculines, même si cette jauge bouge légèrement ces dernières décennies. Avec une nette tendance, pour les femmes, à être cantonnées dans des métiers dits de service ; ou sinon, plus facilement dans des voies de garage. Ce n’est pas grave, n’est-ce pas, si ce n’est pas trop bien payé : de toute façon, ce sera le salaire d’appoint puisque la sécurité matérielle du mariage les attend. Et ce n’est pas plus mal : on oublie rarement comment s’acquitter de services, alors que des produits ça évolue constamment. Pas besoin donc  de se soucier de rester concurrentielle, car pour laver et nettoyer, l’élément principal c’est l’huile de coude - indémodable.


     Dans bien des sociétés, les femmes dépendent d’un homme pour avoir accès aux ressources indispensables à la vie, quand leur sexe leur interdit par droit coutumier ou par tabou, d’avoir accès aux outils de chasse par exemple.  Même dans les sociétés occidentales industrialisées où les femmes trouvent plus de moyens pour gagner leur vie, elles ont souvent des emplois moins intéressants, et un accès au travail plus précaire que les hommes.



Mon non-mariage


     L’union conjugale me faisait peur, et pas question de me laisser cataloguer dans les Meter Pan ! Au nom de quoi entrer dans cette norme, je ne le voyais pas. Il y a un enjeu là-dedans, qui me heurte depuis toujours: entrer dans un moule tapissé de poncifs qui m’atterrent, d’une part. D’autre part, n'avoir que cette alternative : être ou dedans… ou dehors du couple.


Chacun de ceux que j’ai formé a été hors-normes – mais non pas, et j’en récuse totalement l’idée, pour ne pas m’engager. Mon engagement a été de vivre chacune de ces histoires au maximum de ses possibilités : un ami qui n’aurait jamais dû devenir un amant, ni un colocataire, car nous avons ruiné notre lien par volonté de faire comme tout le monde / un garçon de douze ans mon cadet, avec lequel nous avons découvert ensemble du sexe merveilleux ; cette liaison n'avait aucune raison de subsister au-delà de son initiation / un américain se débattant, chez lui, là-bas, donc trop loin... dans les mêmes complexes problèmes d’identité familiale et sociale que moi.

 

      Non, n’en déplaise à ce que pas mal de monde m’a balancé - avec ce que je définirais par une « condescendance éclairée » - mais que j’ai pris longtemps pour la vérité, alors qu’elle n’était que la norme… non, je ne me suis pas arrangée pour éviter l’engagement en ne m’embarquant que dans des histoires qui avaient peu de chance de déboucher sur la dyade mariage-enfants : j’ai vécu mes coups de cœur, sans écarter d’entrée de jeu ces possibilités de bonheur. Et en évitant quelque chose de très tentant, par ailleurs : me mettre à l’abri financièrement. Une retombée de ce « refuge », et une chose qui me fait mal au coeur dans mon entourage, c’est de voir que les femmes se paupérisent dans la majorité des cas de divorce Je l’ai vu tant de fois  autour de moi : même mes copines qui ont des métiers créatifs doivent réduire leur train de vie, et ceci même quand il est loin d’être somptueux !

Sans compter le malaise palpable des couples où les femmes ont plus d’argent, un emploi plus important  que leurs conjoints ; c'est parfois pathétique de voir comment ces femmes compensent moralement cette position plus élevée, de fait « irrégulière »; ou, en tout cas, essaient.

 


     Dans son propre mariage, à partir de quand devient-on une pute ou un maquereau ? Mmmhh, ça dépend des règles de société où on vit, et comment on les transgresse. Ici comme chez les Hima d’Ouganda, être une pute a quelque chose à voir avec l’adultère; par contre, ici, un homme cocufié peut traiter sa femme de pute. Alors que chez les Hima d’Ouganda, entre autres, ce serait par le pouvoir de disposer de sa femme comme d’un objet : n’est pas pute celle qui couche avec celui désigné par son mari, mais bien celle qui a de son propre chef une relation avec un homme non-désigné par son époux.

Dans les deux cas, les règles et les mots qui désignent la personne qui les transgresse se fondent sur la famille, partant, la culture et la société. Le rapport social de pouvoir des hommes sur les femmes est mis en évidence, qui permet à un homme de réguler la sexualité de sa femme, et / ou de la stigmatiser publiquement.

Et pour finir, laissez-moi attirer votre attention sur un film très intéressant d'Alexandra Leclère, avec Nathalie Baye et Christian Clavier, « Le prix à payer ». Résumé en une phrase lourde de sens : « Pas de cul, pas de fric ! »

 


Faire des enfants – s’occuper des plus faibles


     De par ma profession, ce qui me permettait de gagner ma vie c’était de laver des gens inconnus, les nettoyer, les tenir propres, les nourrir et leur faire prendre des médicaments ; et en dehors de ça, d’être une super-organisatrice de tout ce qui permettait que tout cela soit fait.


La perspective de répéter ça avec des enfants me rebutait – de toute façon, j’ai préféré m’occuper correctement du seul enfant que je pouvais prendre en charge, et soigner : moi.


Digression : bien qu’il soit clair que passé le moment de la grossesse, la répartition du quotidien familial et toutes les tâches relatives aux soins au poupon, y compris le nourrissage au lait maternel, peuvent être partagés entre hommes et femmes, pourquoi ne le sont-ils pas plus ? « Au-delà de ce seuil, votre ticket genré n’est plus valable »… on peut rêver. A moins de rencontrer un partenaire insistant pour s’occuper de la progéniture tout autant que moi, je voyais bien où nous en serions arrivés…

 

     L’effet de mes journées d’infirmière était déjà assez lourd : décervelant, squattant mes forces et ma recherche d’identité. Comme le dit Tabet, « L’individualité est une fragile conquête souvent refusée à une classe entière dont on exige qu’elle se dilue matériellement et concrètement dans d’autres individualités ». Avoir la charge quotidienne d’un enfant instaure  des liens extrêmement puissants - qu'ils soient d’amour ou de haine - et marquant parfois profondément la personne, et parfois jusqu’à la spolier de son émergence: «Quand on est approprié matériellement on est dépossédé mentalement de soi-même », et voilà précisément comment je me serais sentie. [Et du moment qu’on s’occupe des enfants, cette même compétence est tout-à-fait réemployable (et largement ré-employée !) auprès des personnes âgées ou handicapées. On n’en sort pas si facilement, je vous le dis…]


A terme, même ma sexualité aurait été définie en grande partie par ce rôle ; et à cause de la grossesse, l’accouchement ou la césarienne, jusque dans les inévitables changements du petit bassin, les éraillures vaginales de l’accouchement, la déchirure du périnée ou l’épisiotomie, ou alors la cicatrice opératoire.

Merci bien, sans moi! Et en plus, même pas besoin de tout ça pour se faire renvoyer à la maternité: les gynécos me l'ont assez répété, mes douleurs menstruelles allaient probablement diminuer après la naissance de mon premier enfant... tarte à la crème pitoyable et malhonnête.  Quand je répondais "Et si je n'en fais pas, qu'avez-vous à me proposer?"

 

Un silence frisé et un sourire gêné.



Le sexe, ma sexualité, la séduction


     Il est quelque part communément admis que les hommes, au contraire des femmes, ont des besoins sexuels ;  et du coup, que les hommes ont droit aux services sexuels des femmes, d’évidence et de bon droit. Par contre une femme qui demanderait des services sexuels de la part d’un gigolo peut subir un certain degré de stigmatisation. Le système service-compensation ne fonctionne que dans un sens et c’est comme ça que les sociétés sont organisées. Un homme reste quelqu’un qui a accès à certaines choses, mais une femme sera  socialement flétrie -  même discrètement  - de se les approprier ; plus ou moins gravement selon les sociétés, et pour avoir montré une forme de liberté. Comme dit Tabet, « […] même dans les sociétés où il y a une certaine liberté dans la sexualité des jeunes générations, on voit les relations des filles comme quelque chose de positif si elles finissent par déboucher sur une vie « régulière ». »


En fait, même dans des espaces sexuels libertaires, on a l’impression que les individus sont rattrapés par la structure ; une de mes amies s’est mise à fréquenter les clubs échangistes et m’a appris que les filles ne paient pas pour entrer, au contraire des hommes. Ceci montre que ce ne sont  pas des lieux de sexualité égalitaire…


     Une autre retombée de la vision différentialiste de la sexualité - masculine pulsionnelle VS féminine sentimentale  – est que si l’homme a naturellement plus besoin de sexe, la femme doit donc le lui donner. Ce qui est considéré comme irrépressible doit être satisfait pour conforter la relation, donc s’impose au sein de celle-ci. Ce qui tend à expliquer pourquoi beaucoup de femmes acceptent des rapports sans en avoir envie.


A notre époque et dans notre culture, étant donné qu’il y a une recherche d'égalité sociale,  ainsi qu'un accès des femmes à des salaires plus ou moins convenables, l’échange économico-sexuel peut prendre des formes plus ou moins cachées.

Tiens, voilà mis noir sur blanc mon malaise devant toute invitation à souper masculine, que j’ai toujours déclinée à moins que la note soit partagée ou d'un paiement de service rendu…  Je refuse qu’un repas-sortie me charge d’inconfort, dans la mesure où je cogiterais ensuite jusqu’au moment des adieux, en me demandant comment j’aurais à signifier que je ne vais pas donner plus d’attention à ce type qui insiste si lourdement pour me payer une selle de chevreuil dans un des meilleurs restaurants de chasse ….


Je revendique par contre le pulsionnel, le goût du sexe pour lui-même, pour la recherche de sensations. De visiter à brûle-pourpoint et en bonne compagnie chaque buisson accueillant et toute cage d'escaliers pleine de promesses, tout comme de me préparer soigneusement pour me rendre à une partie de jambes en l’air, que je sache avec qui… ou pas encore.



Mon cul m’appartient.

 

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20 janvier 2010 3 20 /01 /janvier /2010 11:17

 

 

      A la faveur d'une situation professionnelle très embarrassante vécue voilà quelques années à présent, cherchant à comprendre ce qui se passait, je suis tombée sur un très intéressant bouquin de Natacha Henry, « Les mecs lourds ».

(Je vous livre la substance de l'épisode - des épisodes parce que ça revenait à chaque visite: un mec de la soixantaine, paraplégique depuis son enfance, qui tient à recevoir chez lui vers 22 00 des infirmières d'un certain niveau culturel, pour l'aider à soulager sa vessie, dans une position gênante. Et maintient une posture séductrice, et parfois ose un discours du genre "j'ai rendu quelques femmes très heureuses". Au point que j'y allais presque débraillée, pour finir.)

 

Sous-titré : « Le paternalisme lubrique », le livre en question évoque avec subtilité ces comportements essentiellement masculins, capables de faire tourner n’importe quelle conversation au malaise ; cette façon vulgaire ou équivoque de mettre pour ainsi dire ses couilles sur la table, d’introduire le sexuel dans la discussion sans qu’il y ait pour autant l’ombre d’une séduction. Et finalement, de mettre la femme en position d’infériorité, en l’espace de quelques mots.

 

J’ai ri d'abord, j’étais soulagée de voir noir sur blanc la preuve que je n’étais pas seule à serrer les fesses depuis… depuis quand ? mais… depuis le plus loin qu’il m’en souvienne. Puis j’ai ri jaune, pour tomber ensuite dans un abîme de réflexion. OK, mettons qu’on a le beau rôle, nous les filles, et que vous avez le tort, finalement, d’être ce que vous êtes, les gars.

 

Mais ça ne peut pas être aussi simple.

 

Qu’à force, pour les unes, de porter les enfants dedans et dehors du ventre pour mieux les nourrir et les protéger, et pour les autres d’être libres de leurs mouvements, certaines compétences aient fini par s’inscrire sur le deuxième chromosome de la paire sexuelle, soit, peut-être. Que les aptitudes naturelles se soient plus ou moins développées différemment, de manière générale ; que les hommes soient moins capables que les femmes de mener à bien plusieurs tâches en même temps, et les femmes moins ferrées sur le sens de l’orientation, je peux le concevoir. Là n’est pas la question – d’ailleurs, si l’on ne nous élevait pas selon le sexe, que deviendraient ces amusantes constatations ?

 

     Bref, à l’heure où le sauvetage de la planète est une préoccupation constamment présente, alors que nous nous apprêtons à redéfinir bien plus de choses dans nos manières de vivre, je commence à penser écologie de la relation. En lisant le livre de Henry,  j'en ai pris plein la gueule, personnellement - je veux dire qu'à partir de là que j'ai compris pourquoi certaines de mes relations avaient calé, littéralement.  J’ai capté pourquoi je m'étais barrée d'une histoire qui naissait, après un truc apparemment anodin, mais qui me fichait grave le bourdon, sans oser le dévoiler pour autant, par peur de ne pas savoir comment me défendre d’accusation de pimbêche-qui-manque-d’humour. C'est pas du harcèlement, ma pauvre Martha… c’est pas du harcèlement, mais un peu plus, et y a de ça.

 

Or, si ce sont des choses qui font beaucoup de dégâts dans les relations, attirer l’attention sur le phénomène pour le débusquer n’est qu’une affaire de se sentir légitimées à le dénoncer, et le refuser ; et au quotidien si nécessaire.

 

Et pour aller plus loin qu’une simple et simpliste guerre des sexes, je pense à un autre comportement, féminin celui-là, disqualifiant l’homme parce qu’il est homme. Que le tomahawk reste enterré là où il est, un effort est à faire des deux côtés. Hé oui !

 

 

     Car l'équivalent de cette attitude chez les filles, c'est la disqualification sournoise à l'égard des hommes. Pour pas mal de femmes, ils ne font jamais assez bien, ni en amour, ni en intendance, ni même en pissant debout – ah l’inénarrable guerre de la lunette de WC…

 

Et ils se retrouvent de facto dans le rôle qu'on leur assigne, c'est-à-dire "gros faux-bourdon qui fait du bruit"... mais parfois appelés le temps de féconder, donc de prendre responsabilité de paternité… puis de payer l'éducation de la descendance, tout en étant maintenus hors-ruche.

 

 

     Ca ne vous dit rien ? J’exagère ? Jamais repris des mains d’un compagnon le couteau-économe qu’il brandit pour ponctuer son discours, complètement inconscient du fait que l’eau va bouillir avant que les patates soient épluchées – crime de lèse-organisation ? Jamais ri en douce de voir le gars ne pas penser à mettre en route la lessive avant de partir en courses, histoire de n’avoir plus qu’à étendre le linge en rentrant, et de pouvoir mettre un pantalon bien sec demain – crime de lèse-anticipation ? Jamais dit « Je préfère le faire moi-même, ça ira plus vite » - crime de non merci pour ton aide, j’ai bien assez de peine toute seule ? Jamais observé de loin comment il change le bébé, ni pouffé de sa maladresse quand il faut gérer un gigoteur, une couche au contenu explosif, le petit robinet qui se met à pisser en l’air juste à ce moment, les scratches de cette saloperie de pampers, et les hurlements d’impatience du gigoteur en question ? Allez… honnêtement ? Jamais jamais jamais lancé, même un petit « Ah les hommes ! » ?

 

 

Huuu, la menteu-eu-euse…

 

Bon… Trêve de plaisanterie. En tant que femme, comme  je connais mieux la face obscure  des mecs lourds, je m’en vais la décortiquer d’abord, c’est logique.

 

Je glane ici et là dans l’ouvrage de Henry des bouts de réflexion percutants. .. que je rapporte à quelques anecdotes vécues.

 

 

    Le harcèlement de rue, d’abord. Une nuit d’été, je rentre à pied chez moi après une soirée disco, histoire de prendre le frais, de profiter de la douceur, parce que je n’habite pas loin … Un peu sur mes gardes quand même, un peu plus vigilante que de jour sur le même trajet, un peu plus qu’un gars ne le serait, je pense. Les rues bien larges, le voisinage d’une clinique, quartier tranquille… je savoure de laisser  retomber gentiment le rythme et la musique en moi, quand même, c’est cool de pouvoir rentrer tranquille …

 

 … des pas derrière moi qui se rapprochent, je me raidis tout en ayant vaguement conscience de me le reprocher, pauvre fille parano va, je me souris à l’intérieur…

 

… et cet ignoble commentaire qui tombe de nulle part « T’as un beau cul, j’ai envie de te baiser ». Sans hésiter je me retourne en hurlant sur le type - un freluquet, un rien du tout épais comme ma main - en m’avançant très vite sur lui ; il bat en retraite précipitamment, bredouillant, et disparaît. Et je rentre écœurée, frissonnante de dégoût. Promenade gâchée. On est en Suisse… quel calme, la Suisse, pays privilégié, de quoi se plaint-on. Je devrais m’estimer heureuse de pouvoir me risquer ainsi sur la voie publique.

 

Et ben non !!! En quel honneur devrais-je céder sur ma liberté à déambuler de nuit et mon droit à profiter de ma bulle ?

 

     Une autre nuit, je rentre après avoir été appelée en urgence auprès d’une patiente. Pantalon informe, baskets, vieille chemise, les cheveux relevés en hâte avec un vieux peigne, sacoche de soin en bandoulière. Je m’apprête à croiser un type de la cinquantaine, dégarni, tout rond. Qui fait un bruit de baiser quand je passe à sa hauteur, tout en lançant le bras. Je m’arrête net, je lui gueule dessus, il s’excuse platement.  Je rentre en rage, je sais que je vais mal dormir, mais qu’est ce qui les fait se sentir autorisés à ce genre d’attitude ? Qu’ils n’oseraient sûrement pas en plein jour ?

 

Tout-à-coup, l’espace se redéfinit, en fonction de l’heure tardive, comme un territoire sur lequel je m’aventure à mes risques et périls ; le prédateur est en chasse, et c’est normal que ça arrive, tu pouvais t’y attendre. Pas d’accord ! Ou alors celui qui se sent pousser la virilité sous la lune doit s’attendre à une réaction à la bombe au poivre. Exagéré ? Mais non… juste à la mesure de l’intrusion psychique:

« … Tu te sens impuissante. Tu rentres chez toi et pendant, une heure tu y penses, c’est comme une agression gratuite. Ils ne se rendent pas compte de l’incidence que ça a sur ton psychisme. »  « Les mecs lourds », p. 33.

 

Je m’estime heureuse d’une seule chose : d’avoir la carrure mentale et physique que j’ai, car sinon, je serais rentrée sans avoir hurlé ma colère et déchargé mon stress. Ca aide !

 

Les gars, franchement…dans quel état d’esprit rentreriez-vous vous-même de disco ou du travail ? Penseriez-vous risquer la remarque qui hérisse, donne envie de pleurer et gâchera l'entrée dans le sommeil ?

 

 


 

     Mais quel rapport avec mon sujet ? C’est quand même un cran au-dessus, hein. Et bien juste pour vous faire percevoir ce sentiment, qui est du même ordre : celui de se faire mettre la main au cul mentalement, de devenir aux alentours de minuit une propriété publique. Et même pas besoin d’être ouvertement ordurier, pour nous mettre mal à l’aise… Quand je vous dis que c’est subtil ! Descendons d’un cran , alors.

 

 

De redéfinir l’espace en fonction de l’heure, à se croire autorisé à le redéfinir à sa guise en tous temps pour simple cause de zigounette,  il n’y a qu’un pas : « Questions indiscrètes, propositions grotesques, remarques sur le physique, l’âge ou les vêtements, commentaires obscènes, vulgarité extrême, humour glauque, mauvaise éducation, lourdeur… Le paternalisme lubrique est une expression à la fois condescendante et sexuelle. […] Emanant d’un homme, elle est destinée à une femme qu’il juge inférieure à lui, à cause notamment de son sexe, sa position sociale, son pouvoir d’achat, son niveau d’études et son jeune âge. »

 

C’est ça, le cran au-dessous – et notez bien qu’on part du pire pour glisser vers le plus anodin (humour glauque, mauvaise éducation, lourdeur). Le dernier cran, c’est de croire que même dépourvus d’attraits, pour certains, le simple fait de porter un service trois-pièces, dû au hasard complet ! donne le droit de mettre une fille mal à l’aise. Comme Henry le dit, c'est un shoot de domination masculine ; un coup de coude mental pour se donner du courage, quand on est deux devant une serveuse mignonne, à qui on n’aurait jamais osé un simple compliment si on avait été seul - elle voudrait vous voir les talons, mais doit rester pour encaisser, au propre et au figuré. Ca, c’est différent de la drague en effet : car si dans ce cas je suis libre de dire oui ou non, dans l’autre vous êtes mes clients, et le rapport est inégal. La séduction, ce n’est pas ça. C’est dire avec respect que la fille vous émeut.

 

C’est quelque part une distinction, certes ; mais du moment qu’elle importune sa destinataire, c’est elle et elle seule qui est juge de signifier congé ou pas à l’auteur de la glissade.

 

    Vous vous dites « Oui, mais je suis pas comme ça, moi ». Ha bon, si vous le dites. Jamais ? Jamais jamais jamais ? Sûr sûr ? Jamais proféré un truc après coup regretté ? Ou qui suscite un silence, et des coups d’œil dubitatifs ? Et lourds de la disqualification qu'ils entraînent de facto?

 

Moi, je ne saurais trouver anodine même cette remarque d’un bon, très bon copain :

 

« Prends le côté positif de la chose. Dis-toi que les échanges ont toujours un volet sexualisé. »

 

Sans blague, voyez-vous ça. Et alors ? C’est justement  ce travail de réflexion que je fais, qui empêche que ça dérive, quand la séduction sexuelle n’est pas de la partie ; si un homme ne m’intéresse qu’en tant que personne, mais pas en tant que personne avec un sexe masculin… pourquoi tolérerais-je une atmosphère troublée de par l’insistance à mettre ce sexe entre nous ? Cet exzizibitionnisme mental n’est pas le bienvenu, point à la ligne.

 

Celle-ci de remarque, par contre, me réjouis :

 

« Ben j’ai dis une connerie alors que je voulais faire un compliment, elle a quinté… et je me suis excusé : ce n’est pas à moi de juger pour elle de ce qui la met mal à l’aise. Je n’ai pas réalisé tout de suite, mais c’est vrai, j’ai été très con et sans y penser. »

 

Voilà, ça c’est une bonne idée : nous demander, juste ça.  Juste essayer de vous mettre à notre place, un petit moment. Et chacune son degré de tolérance : je peux être encore plus grossière pour refléter la grossièreté, ce n’est pas donné à toutes les filles… Et nul n'est censé définir pour quiconque ce qu'il doit tolérer, aimer, prendre pour un compliment ou un glaviot sur la manche. Ca, c'est individuel. J'encourage les filles lassées d'entendre des ouvriers siffler et faire des gestes et des commentaires obscènes à leur passage, à se prendre par la main mentalement pour trouver le contremaître, dénoncer ce qui les dérange, et tenir leur cap quitte à menacer d'alerter le patron, voire de déposer plainte. Je dis bien "tenir son cap", car presque à tout coup il y aura minimisation, réplique destinée à vous boucler le caquet, etc. C'est vous qui devenez une chieuse, en somme!

 

 

    Juste pour voir, une dernière question, mais à vous poser honnêtement : à quel moment de la lecture de ce texte avez-vous pensé à une situation vécue, vue ou rapportée ? Que vous soyiez un garçon ou une fille?

 

Ben moi-même, je sais que j'ai mis mal à l'aise quelques messieurs en lançant des petites provocs' pour voir si ça accrochait - et c'était de trop, visiblement. Comme quoi!

 

Et puis tout-à-fait entre nous, j'ai dû apprendre à changer un loupiot et à lui donner le bib'. C'est pas génétique, cette compétence. Et mon nez de fille n'est pas immunisé contre le fumet des couches, juste parce que je suis une fille, comme certains s'aventurent à le dire...

 

Voilà…

 

 

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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 11:59

    


     Depuis une année,  j’échange sur un forum ; ça m’a incroyablement enrichie, c’était fort, bouleversant, libérateur. Puis, suivant en ceci l’immense majorité des fora, des soucis avec la modération ont engendré une situation de crise, que nous vivons de manières diverses.

 

[Avertissement: je parle ici d'expériences diverses, sur au moins 5 fora différents; que personne ne se sente plus visé qu'un autre, je tente juste de faire un bilan constructif de ces trajectoires étonnament similaires...}


Pour ma part, cela suscite du brainstorming, une réflexion dense. A force de fréquenter des fora, j’ai appris tout un langage, un consensus de communication, mais aussi que le virtuel permet de se lâcher en restant protégé - ça a de très bons comme de très mauvais côtés.


J’ai ainsi constaté et vécu cette réalité : quiconque est administrateur d’un site ET modérateur détient un droit aussi explosif qu’une grenade dégoupillée -  avoir les pleins pouvoirs sur les posts et les fils de discussion exacerbe quelque chose de l’ordre de l’ivresse du pouvoir ; je le sais pour avoir été moi-même administratrice.


La modération d’un forum est une tâche très délicate, très chiante et très chronophage (j'ai pas aimé, j'avoue) …

Cumuler  administration et modération comporte un risque conséquent, en soi.


Quand par exemple un sujet agaçant ou une remise en question de la stratégie de modération de l’administrateur/ modérateur revient de manière récurrente sur le tapis, la supprimer purement et simplement est une réponse tranchante ; mais le problème ne cesse pas pour autant d’exister, il est juste balayé sous le tapis. Et comme un moyen de couper court à la remise en question de la méthode controversée consiste souvent à l’appliquer avec encore plus d’énergie et de détermination, la question litigieuse fait juste une bosse sous le tapis, dans laquelle on finit par se prendre les pieds. « Il suffit d’insister », comme le dit Watzlawick.


Je sais ! J' l’ai fait, j'vous dis…


La sédition s'installe donc, la révolte gronde sourdement. Les moins combatifs désertent le forum, les teigneux et autres têtus ruminent, d'autant plus si l’admin’- modérateur à court d'argument menace d'exclusion quiconque osera encore remettre en question sa manière (celle-ci, ou d’autres). Là, on n'est plus dans la modération... mais dans l'intimidation. L’échec des échecs, à mon avis.

C’est pourquoi, à mon avis aussi, un intervenant et/ou modérateur de forum ne devrait jamais en être l’administrateur, et vice de Versailles. En démocratie, il y a généralement un président et des Chambres législatives... ça équilibre le pouvoir.

 

 

 



     Ca m’a donné des idées, ben oui j’ai brainstormé, en public et en privé…

 

La diversité des réponses reçues après mes récents coups de sonde, tout comme leur contenu, me laisse pensive et assez agacée, quelque part : la  plupart plaque sur mes suggestions quelque chose qui n'est absolument pas dans mes motivations, la projection d'une vision qui conduit chacun à se répondre plus à lui-même qu’à moi, quelque part… et m’amène à renvoyer la balle, en bloc, et ici.


Il n’y a ni esprit de sécession, ni manipulation, ni volonté de court-circuiter le site en question. Par ailleurs,  je suis interloquée par ce que je considère comme une erreur de communication : l’absence, parfois, de réponse ; que je souhaite  assez immédiate, même pour dire qu’on la diffère. C’est un must à mes yeux de vieille schnoque de pro en santé-social et de médiatrice des familles : quittancer, même pour dire qu’on souhaite ne pas entrer en matière. Ouais; et même... une politesse, élémentaire.


Bref.


Qu’on ait repéré des cycles de fonctionnement des sites (première crise en général vers  la première année de vie, puis vers la fin du lustre suivant), ne signifie pas qu’il faille juste attendre que les gens qui s’engueulent aient assez échappé de vapeur pour pouvoir attendre le conflit suivant – portant probablement sur le même problème, tiens, au hasard ! - ni que les choses se tassent : sous le tapis, ça devient juste un peu plus compact.


Une telle crise est un moment privilégié pour s’interroger sur les fonctionnements individuels et de groupe, et pour lancer, justement, un remue-méninges. Ca aère, ça donne un peu de lumière, c’est créatif, gratifiant, stimulant.

Bref encore, le brainstorming est une étape que je cautionne complètement, et dont il faut connaître deux-trois règles pour qu’il fonctionne.

 

 

 


      Le brainstorming (en joli français, le remue-méninges)


     La principale promesse de la méthode est la récolte d'idées nombreuses et originales. Deux principes sous-tendent le brainstorming : la suspension du jugement et la recherche la plus étendue possible. Ces deux principes se traduisent par quatre règles : ne pas critiquer, se laisser aller (« freewheeling »), rebondir (« hitchhike ») sur les idées exprimées et chercher à en obtenir le plus grand nombre possible.

 

Ainsi, les suggestions absurdes et fantaisistes sont admises durant la phase de production et de stimulation mutuelles. En effet, les participants ayant une certaine réserve peuvent alors être incités à s'exprimer, par la dynamique de la formule et les interventions de l'animateur. C'est pour amener à cet accouchement en toute quiétude que l'absence de critique, la suggestion d'idées sans aucun fondement réaliste, et le rythme, sont des éléments vitaux pour la réussite du processus.

 

Pour résumer, il s’agit de :

– débrider sa créativité en exprimant toutes ses idées sans réserve et sans autocensure

– rebondir sur celles des autres et les améliorer car la quantité d'idées est importante

– ne jamais critiquer les idées des autres

 

Note : l'animateur de la réunion est le gardien des règles relationnelles du groupe

 

Tel que pratiqué habituellement, le brainstorming peut aider à resserrer les liens ou à s'amuser et donc à avoir une fonction de renforcement de la cohésion du groupe, c'est-à-dire de team-building.

 

 

C’est précisément ce à quoi je pensais, et ce que je souhaitais faire. D'ailleurs la preuve que le brainstorming a des avantages immédiats, c'est que devant la toute première réponse reçue, affirmant que je proposais un acte de sécession, j'ai dû expliquer clairement ce que j'avais en tête - moi aussi, j'ai mes gaps de communication...



Alors voilà: s’exporter en un autre endroit pour tester la validité d’une idée en matière de  modération , pendant que l’abcès crève entre les administrateurs et autres gens impliqués, est un moyen de faire en quelque sorte pousser de la peau artificielle à greffer en cas de besoin. Et, en soi, c'est un outil formidable d’innovation, fécond et qui à la fois élargit les idées et permet dans un second temps de prendre conscience de ses propres mécanismes bridants.

 

Pour des forumeurs se penchant sur la liberté d’inventer chacun leur propre monde amoureux, ça devrait être dans la ligne, non ?

 

Je finis en exposant quelques unes des idées qui me paraissent viables: collège de médiateurs, "frigo à blabla", modération externalisée, voire intervention d'un médiateur; voire, carrément, délégation de la modération, en service payant.

Ceci étant tout-à-fait concurrentiel, éthiquement parlant, des coûts d'hébergement d'un nom de domaine si on remplace un site ".com", ".fr", ".quelque chose" par un forum bâti à partir des plateformes gratuites  sur le web, et à la portée de n'importe qui (ou à peu près); et pour peu que l'on souhaite préserver un forum et ses richesses.

 

L'autre avantage, c'est que ce qui sort de la poche des gens prêts à allonger quelques espèces, a moins de chances de devenir un instrument de pouvoir concentré dans leurs mains; puisque ce pouvoir est délégué à un prestataire de service, choisi pour ses capacités de médiation - y'a des gens formés pour ça, et super-compétents.

 

Voili voilou.
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14 janvier 2010 4 14 /01 /janvier /2010 14:15

 


    … plutôt que Homo Polyamator.


[ Histoire de brandir l’étendard de la révolution, et à double titre !!! ]

 

 

Un hominidé particulier, qui parfois serait tenté de se croire à un stade évolutif plus avancé que l’Homo sapiens monoamator ; et qui ne devrait pas se la péter, ça risque de lui ôter une partie de son crédit !

Bref, je hume parfois un parfum d'élitisme là... et je trouve l’odeur déplaisante. J'ai peur des discours élitistes, de l'ombre de l'élitisme et même de l'ombre de son ombre...

 

 

     Ca me rappelle un bout de discussion où quelqu'un de bien fâché, parti en claquant la porte, nous a laissé ça en cadeau au milieu d’un forum: qu'on p... plus haut que notre Q... J’ai trouvé que quelque part, oui, il avait raison : dès qu'on associe le moindrement l'idée de "culture cultivée" aux raisons qui pourraient faire que le poly est poly, j'ai le poil qui se redresse.

On dirait parfois que comme le poly a de la peine à avoir un statut, et qu’il est souvent considéré comme amoral ou immature, le poly est enclin à se mettre plutôt un cran au-dessus, un peu comme une race supérieure… Je reprends donc à ma sauce une idée qui sort souvent sous la plume des psys: cela s’explique par des problèmes d’attachement dans l’enfance, on perpétue sa problématique etc, etc.

Eh bien oui, et pourquoi pas. Et ce n’est pas plus grave que la moyenne des traumatismes vécus par beaucoup de gens.  Et si le fait d’avoir vécu une configuration familiale qui me force à chercher mon bonheur autrement que dans une relation mono me donnait justement la possibilité de remettre en question avec calme ce modèle ? Du moment que c’est une chose du passé et qui ne peut être modifiée, autant y aller d’une petite autopsie, je vais aller regarder ça de mes propres yeux. Peter Pan, Meter Pan… accrochez-vous, ça va chier !

 

 

     J’en ai marre de l’idée que je serais mieux, ou pire que quelqu’un d’autre : je suis, et je suis comme ça, point à la ligne. J’ai lu il y a quelques mois un article destiné aux psys, sur le thème "Comment sortir de l'idée reçue que c'est un problème à soigner".
L'auteur, psy elle-même, dit en introduction que le stress vécu à suivre ce mode de vie est équivalent à celui vécu par les minorités sexuelles gay et lesbienne, donc que le rôle du psy est de les aider à affronter ce stress. Rien d'autre!

Je crois que n'importe quel psy compétent, donc assez humble pour accepter qu'il est faillible et que sa pratique peut aussi s'améliorer, peut recevoir cette vérité vraie: le polyamour n'est pas le problème ; le problème, c'est de le vivre.

Trouver un(e) thérapeute avec lequel on s’entende, avec lequel on ait envie de faire un travail de longue durée, intime, c’est déjà difficile… En trouver un(e) qui ne prenne pas le polyamour comme une pathologie, mais comme une donnée factuelle de la personnalité, c’est encore une autre paire de manches.

 

 

     Je connais un trouple heureux et bien équilibré, qui habite sous le même toit ; l’impulsion vers le polyamour est venue de la demoiselle, qui sentait que quelque chose lui manquait. Je connais aussi une personne qui a un mari et un autre amour qui ne se connaissent pas entre eux pour l'instant... je connais également des gens ouverts au concept, qui n'ont pas encore rencontré un deuxième amour... euh, quoi encore ? des gens qui ont vécu le polyamour, mais pour l'instant ne le vivent plus, car la relation s'est terminée...

Je trouve très authentique et touchant la personne qui a dit avoir besoin de deux personnes et s'être laissée émouvoir, avec l'accord progressif de son "premier" (belle marque de respect dans ce couple); autant que celle qui a dit avoir besoin des deux types d'énergie différentes et complémentaires qu'apportent une relation hétéro et une relation gay.

Après ça, le fait qu'on ait le privilège de rencontrer deux "quelqu'un" simultanément et d'en tomber amoureux c'est le hasard plus qu'autre chose.

Alors le polyamour, c’est quoi ?

 


     Il n'y a pas, je crois, de vraie acception du polyamour, puisqu'il est... poly, justement. Perso, je trouve plus important l'idée de biodiversité, le fait que le voisin trouve aussi normal mon mode de vie que moi le sien. C’est un mode de vie apparu il y a longtemps  simultanément à divers endroits (on n’a rien inventé ! que les fora pour en causer…), et qui s'est adapté / conceptualisé / s'est codifié  / s'est dit en public ou pas, ou de mille manières, pour essayer de s'expliquer, selon les possibilités culturelles et sociétales de l'endroit. Rien que le fait d’être poly-curieux, poly-interpellé, poly-intéressé… c’est déjà poly.

Et à côté de ça, ce n’est ni un pis-aller, ni une panacée. Comme pour tout un chacun, le bonheur du polyamoureux est ce qu’il est à présent, demain il peut être différent, la rupture peut survenir… bref, tout ce que des monoamoureux peuvent vivre, ils le peuvent aussi. Et ce n’est pas moins douloureux parce qu’on se serait « gardé quelqu’un sous le coude », faut pas croire.

La case bien définie, "le polyamour c'est quand il y a ceci cela et des fraises au sucre", par essence, est une notion qui enferme plutôt que d'ouvrir. Or à force de parler avec les uns et les autres, il semble plutôt que s'ils se reconnaissent dans la définition du polyamour (« Relation sentimentale honnête, franche et assumée avec plusieurs partenaires simultanément »), et malgré leurs trajectoires et leur choix, ils tirent tous à la même corde: celle d'éviter la stricte définition. Ou alors je propose celle-ci: le polyamour c'est quand ce n'est pas du monoamour.

 Le modèle "polyfamille" est magnifique, mais on n’est quand même pas à l'abri de la séparation, du divorce, etc. C'est un idéal personnel pour certains, mais de loin pas une aspiration générale, ni un remède à la douleur et à la construction personnelle qu'on peut en tirer.
Dès lors, que chacun le ressente pour lui-même, comme plutôt de l'ordre des amours plurielles, ou de la biodiversité, ou du nouvel ordre amoureux, ou des libertins... quelle importance; sinon que force est de voir, de constater que le même besoin de faire éclater la liberté de penser, vivre et aimer comme on le sent, en est le dénominateur commun.

 

 

 

     D'autres arrivent, à travers la pratique, sur la possibilité de grandir émotionnellement, de remettre en question des valeurs qui ne sont pas immuables, mais protègent les liens sociaux en mettant des freins multiples.
Le mariage traditionnel est dur à transgresser, sans doute est-ce un bastion extrêmement important pour cimenter notre monde. Il faut trouver comment faire tenir cela tout ensemble autrement, ma foi!

L'évolution des mœurs - merci et salut au passage à tous mes potes gays et potesses lesbos d'avoir probablement enduré ça avant nous - ferait que, ma foi, de "déviant" ou "inverti" qui laissait supposer que l'inclination sexuelle amenait à sauter sur tout ce qui bouge et portait le même sexe que le dit-déviant... comme en plus la notion d'adultère légalement punissable a commencé à disparaître de l'horizon... on passerait à l’idée qu’il ne nous reste plus comme barrières que nous-mêmes, devant quelque chose qui peut changer.

L’immense champ de liberté qui s’ouvre est vertigineux ; finalement vivre simultanément – ou pas – des amours, tout ça suppose, en soi, une telle libération des règles en « vigueur » qu’il faut avoir les moyens de s’en passer.

Or, on peut avoir besoin de règles pour vivre ! Attention, je constate surtout que les gens se protègent... parce qu'ils en ont besoin, et c'est essentiel.

La jalousie (également ressentie par des polymaoureux, si si !), par exemple, fonctionne comme ciment social, quelque part... La morale aussi. Ce qui est moral, ce qui ne l'est pas... La morale n’a peut-être vraiment d'autre fonction que de pacifier le plus grand nombre de personnes partageant un territoire, une région, un pays et ses ressources en mettant quelques barrières. Ca permet aussi d'avoir un étalonnage, de ne pas laisser faire n'importe quoi... voilà à quoi servent la morale et les lois qui en découlent. Et voilà pourquoi le PACS se met doucement en place, et si ça se trouve, les mœurs donc la morale bougeront assez pour qu’on voie arriver le mariage ou le PACS à plusieurs, pour que ça bouge aussi au niveau de la filiation, de la responsabilité civile dans un couple, un trouple, un quadrouple non-marié(s). Bref, qu’il n’y ait pas besoin de sacrement pour être reconnue comme la ou une des personnes de référence en cas de coma dépassé, par exemple.

 


    Un joli livre à lire, pour rêver : « Vendredi » , de Robert Heinlein; pour un type né en pleine Bible Belt – ça désigne les Etats des USA les plus coinces-coinces sur la religion - je trouve qu’il a bien fini, le gars ! Comme quoi, être dans un milieu rigoriste peut donner des ailes pour s’en envoler.

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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 11:43



       La toile est vraiment une boîte à jouets pleine de merveilles pour les grands enfants. Un truc fabuleux, qui permet de bricoler sans se salir les mains, de vivre à distance, et de collecter les cent mille diables pour les y enfermer, et les ayant ainsi conjurés, de retourner nager dans le quotidien.

Je rebaptise donc mon PC « Lucifer » ; non pas Satan, mais Lucifer, porteur de lumière.  Ayant d’abord maudit l’engin puis m’étant pliée à des obligations professionnelles, je l'ai regardé grimper les échelons de ma hiérarchie personnelle, changer de statut de manière fulgurante, vers le haut. Il n’est pas déchu, mais prévenu : je sais très bien où tu pourrais m’emmener, petite saleté adorée.

Car je n’oublie pas de quels abysses tu viens, petite chose noire ; je ne te porterai pas aux nues, plus dure serait la chute.

 

     J’ai ainsi fait connaissance avec un panel de personnages étonnants ; d’abord, les informaticiens. Certains, si férus de nouvelles technologies et si pénétrés de leur rôle de futurs maîtres du monde qu’ils en deviennent d’insupportables melons gorgés, communiquant en un mystérieux langage mi-manga mi-télégraphe amélioré - et sur des fora, en public, c’est encore mieux. Car le non-initié, largué mais plein de bonne volonté, les confortera dans leur trône en avouant son ignorance, espérant humblement des explications. D’autres informaticiens, bénis soient-ils! tiennent à disposition de l’internaute moyen, voire néophyte, de précieuses sources d’informations (quoique parfois controversées) comme Wikipedia.

 

On y apprend entre autres ceci : le geek pourrait bien être juste un toxicomane médicalement propre sur lui (au Japon, c’est un otaku). Son archétype le plus célèbre est celui du jeune (ou de l'adulte resté jeune) boosté, entre autres choses, en programmation informatique. Tout en méprisant le no-life (çui qui n’a plus de vie que virtuelle), le geek s’en distingue tout juste par le fait qu’en tapotant des codes à journée longue, il n’a peut-être pas le temps de se fabriquer un avatar sur Second Life... Il y a des variantes comme le gok (le ghotic geek), le nerd (une catégorie de geek, socialement propre sur lui, ce coup-là. Comme quoi y’a toujours une caste inférieure à mépriser)… bref… le point commun que j’y vois, c’est cette tendance, ou carrément ce mode de communication qui carre la personne dans un univers rassurant, comme dans une bande d’ados qui ne jurerait que par certaines marques de vêtements. En l’occurrence, certain vocabulaire auquel j’ai déjà fait allusion, et que j’appellerai, tiens… le mangraf. Exemples de termes : roxoriser, oufzor, twitter, troll, CNIL, et même certains mal-aimés « has been », qui apparaissent non pour être réhabilités mais pour donner la mesure du mépris de la clique… sinon, tous les acronymes utilisés de façon intensive, ou la récupération du nom d’un jeu vidéo jugé mauvais, et qui désignera désormais tout objet ou même personne méritant l’ostracisme. Jusqu’au Geek Code, le nec plus ultra – utilisé pour renseigner les autres geeks sur sa personnalité, son apparence, ses domaines d'intérêt et ses opinions. En encodant en un format très compact ce qui le rend unique, et différent des autres geeks, il se signale en langage d’initié à d'autres geeks capables de déchiffrer la séquence, pour en déduire à quoi ressemble l'auteur, ce qu'il aime. Essétéra, essétéra. Ca tourne en rond,en somme.

 

 

     Le sujet de prédilection, ultra-fédérateur, c’est donc bien sûr l'informatique ; autodidacte ou bachelor, le geek sait se servir d'un ordinateur à un niveau plus élevé qu'un individu moyen. Et quand il s’aventure en dehors de l’univers ultra-sécurisé des fora de geeks… à un moment donné, sur un forum  il devient l’exemple parfait de la godwinerie (points Godwin, voir ce terme, je ne vais pas tout vous expliquer, hé là… moi aussi j’ai dû fouiller pour tenter de comprendre cette race étrange…), godwinerie donc disais-je, qu’il se plaît à dénoncer ici et là, en étalant sa science pour la balancer devant un lectorat ébloui, ou agacé selon le degré de conscience du lecteur.

Comme chaque geek se reconnait une compétence dans le domaine, on assiste tout-à-coup à des débats-matches de ping-pong  entre geeks sur le sujet. Ceux-ci sont souvent longs, plein d'arguments valables d'un côté comme de l'autre et pourtant stériles car, au final, il n'est pas rare que personne ne change de position. Et c’est là que je rigole, car le trollisme  (*voir plus bas, patience, vous allez capter) que le geek averti ne manque pas de pointer comme arme défensive, lui est reviré en plein clavier. Mais comme il a le nez dessus, il ne le voit pas.

[Bon, ceci dit, le problème est peut-être ailleurs : il semble qu’il y ait une forte prévalence de gosses atteints du syndrome d’Asperger (la forme la plus bénigne de l’autisme) parmi la progéniture des informaticiens de Silicon Valley… 

Une fois qu’on a compris leur différence, c’est plus facile de faire avec ; j’en connais un qui, bien soutenu par des parents normalement névrosés et capables d’introspection, me fait l’effet d’un petit soleil quand je le vois. Perso,  je me fais peur parfois : ce joujou de PC me permet de faire tant de choses, professionnellement il m’ouvre des territoires carrément amazoniens ! que s’il sortait de ma vie, faudrait que je me trouve une autre dépendance…]

 

     *Trollisme, de troll ? Wasichtdas ? Comment ? Vous ne connaissez pas ce phénomène ? Pfff, faut tout reprendre à zéro avec des lecteurs aussi nuls…

Il s’agit d’une autre galerie de personnages, à laquelle le néophyte apprend avec stupeur qu’il appartient, souvent au détour d’une conversation engagée sur un forum, et où il croit innocemment que l’on suit les mêmes règles que dans IRL (In Real Life, bande de taches ignares…)

Le troll est un chieur patenté, mais parfois décoré de cette distinction par un provocateur qui aura beau jeu ensuite de le désigner ainsi à la vindicte publique. Lors, par exemple, d’un débat gênant, le terme de polémique, connoté « inutile », peut être utilisé pour discréditer l’opportunité d’aborder le sujet – et la personne, par la même occasion.

Tout tentative de ramener les échanges à quelque chose de constructif peut ainsi être renvoyé dans les cordes sous l’appellation suspecte de « troll".

La plupart des fora ont leurs débats-types, tellement ressassés qu’il n’est pas rare de voir des participants crier au troll dès que le sujet est mentionné, prenant parfois au dépourvu un nouvel utilisateur.

     Si le troll bénin est facile à repérer (plus souvent bête, immature, usager et familier du langage SMS qu’autre chose), et s’apparente ainsi à un chiot foufou ou un ado qui teste ses interlocuteurs pour voir jusqu’où il ne pourra pas aller trop loin, drainant ainsi l’énergie des forumeurs qui tentent de le contenir plus ou moins gentiment… le troll malin est un saboteur , assez au clair avec le fonctionnement d'internet pour s'en servir dans un but manipulateur et mensonger. Qu’il se défoule, se flatte, fasse sa pub’ ou propage ses idées extrémistes, ce qui l’intéresse et le caractérise, c’est la volonté de jouer un rôle, quitte à démultiplier profils et interventions pour se renforcer, ou survivre quand il se trouve en perte de prestige ou même découvert.

  Quand les forumeurs se lancent dans une discussion stérile éloignée du sujet initial, l’attitude qui fait le moins de dégâts est de ne pas nourrir le troll. A l’inverse, dans une discussion importante pour l’avenir d’un forum, désigner quelqu’un comme le troll risque de faire apparaître le Gremlin sous le Mogwaï en lui (  http://en.wikipedia.org/wiki/Gremlins ). Tout comme en agissant délibérément d’une certaine manière, on provoque un comportement qui se retourne contre la personne ou le fil visé – pas besoin d’utiliser la méthode hypercritique, il suffit d’un terme bien placé : Hou le troll ! Alors que sans cette manœuvre, il serait un Stallo, un dérangeur productif (j'ai découvert ce terme en préparant cet article, ouf, enfin un truc positif!).


     Donc… pas de croquettes au troll, même quand on vous dit que vous en êtes un !

                                                             Et même avant minuit…

 

     Car si nous souhaitons tous être des Stallo, nous sommes quand même tous des trolls en puissance ; ça se joue dans de subtils ressorts de communication…

 

     Un jour j'écrirai un livre pour raconter mes aventures: "Clémentine sur Internet".

 

     Histoire qu'il reste une trace de fossile de l'ère pré-informatique, et qu'on puisse se gausser parmi,  avec mes potes de la maison de retraite... je me réjouis déjà.


     J'espère qu'on ne fera pas trop pipi aux culottes.

 

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