Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 11:02

        Pour reporter les lignes majeures d’un dessin sur la surface à peindre, les peintres de fresques les perçaient de petits trous, puis les plaquaient contre le mur ou le plafond le temps de passer un pinceau sur l’ensemble de ces trous. Ainsi, le maître pouvait se décharger sur ses ouvriers de cette phase préparatoire, au moyen de ce qui se nommait le « poncif ».

Par extension, le terme désigne la banalité d’une chose reproductible, et bien sûr, le lieu commun.


Comment traiter de ce sujet en évitant précisément d’y tomber… on va essayer, hein.

 

    Sur le net, ça fait florès. N’importe qui peut ouvrir un blog (moi comprise, où croyiez-vous donc être ?) et du coup inonder la toile de ses pensées, même toutes faites. A côté des dictionnaires et autres académiqueries zincontournables – arme de poing de ma profession de documentaliste - Wikipedia est ma référence de départ favorite pour prendre la température  de l’air du temps en sondant le trou du cul du web ; ce miroir de l’opinion publique est un trésor.


[Heuh, et voici pourquoi: l'anus est, dans ma première profession, l'endroit où collecter la plus sûre donnée sur la température corporelle. Et une porte d'entrée permettant d'administrer des médicaments, des traitements, de refroidir ou de réchauffer un organisme, etc. Grand respect à cet orifice, soyez-en sûr. De plus, dans ma nouvelle profession, je me suis vite aperçue que, si mes mentors n'ont cessé de me renvoyer aux encyclopédies quand je ne trouvais pas mon chemin, tout en disant de se méfier de Wikipedia, qui avait  à leurs yeux la plus sulfureuse des réputations - comme le lieu par excellence où croire trouver du fiable et se paumer complètement... par contre ma pratique m'en a montré d'autres avantages: la manière dont les infos sont proposées m'épargne des heures de recherche, me permet de recentrer très vite une recherche en l'axant sur une perception particulière: dans mon domaine, s'il est question de piloter les chercheurs scientifiques dans une masse documentaire réputée "sérieuse", les anthropologues, sociologues, journalistes, documentaristes et autres observateurs de l'humain et de son environnement sont friands du genre de données qu'on trouve sur Wikipedia. Bonne pioche, donc... d'autant que les balbutiements de départ de cette plateforme se sont pas mal transformés en vocalises plutôt harmonieuses, la plupart du temps. Petit exercice simple auquel se livrer pour mettre toutes les chances de son côté, cependant: comparer pour le même mot (concept, idée, problématique) les articles de Wikipedia, et ceux d'au moins un ouvrage réputé "de base et sérieux". On repère vite les gaps, et les bizarreries!]



Wikipedia, donc, je disais.

Ce qui est marrant, c’est que dans l’article « blog », on laisse entendre que les auteurs de blog ont forcément quelque chose d‘intéressant à raconter, pour dire juste ensuite que des milliers de ces espaces sont abandonnés quotidiennement faute  de lectorat… Il est donc intéressant de dire, en soi... mais peut-être pas intéressant de lire. Ca fait toute la différence.

J’en conclus que l’on peut aller parfois bloguer comme on va aux chiottes, se débarrasser de ce qui n’est pas utile pour l’organisme. Mais pour une raison écosystémique qui me laisse songeuse et éblouie concernant la finitude de notre existence, c'est une mine d’or pour d’autres… (Sans compter que l'acte de chier est un truc incroyablement précieux, dont la malfonction nous fait éprouver tout-à-coup de grands moments de solitude, s'pas? En vérité je vous le dis: il FAUT chier. On peut mourir de ne pas chier. Chier est bon pour vous. Rien que pour ça, et en soi. Et pour d'autres raisons. Bon je dérape, on en recausera ailleurs et à un autre moment, voulez-vous?)

 

     Digression ( j'en suis plus à une près, hein) : à quelques centaines de mètres de chez moi (j’y suis heureusement hors d’atteinte) se trouve la STEP - STation d’EPuration ; l’autoroute passant à côté, il est donc facile d’identifier ses remugles le jour où le vent souffle du mauvais côté.

Un frais et beau dimanche de juin, en route vers une broche au jardin avec un aimable inconnu, ami de mes amis, nous empruntons la voie rapide ; tout-à-coup je vois le gars baisser sa vitre pour humer à fond les relents particulièrement forts ce jour-là.  A la vitesse de l’éclair je me perds en conjectures (si si, on peut), maîtrisant mon envie de bondir sur la commande électrique pour nous sauver de ce masochiste olfactif … En fait, c’était lui le directeur de la station et rien ne vaut l’observation directe pour être crédible devant le contribuable et la Municipalité qu’il a élue!

Tudieu vicomte, ce jour-là j’ai donc pu dire en direct et à un vrai responsable ce que je pensais depuis longtemps et avec une résignation teintée d'émerveillement : la STEP, c’est quand même le seul endroit que je connaisse qui arrive à sentir en même temps la merde, la lessive et le saucisson…

 

 

    Bien bien bien bien. Je disais donc. Voui.


La blogosphère prend donc parfois des airs de cagoinces mentaux universels, où l'on retrouve bien plus que le produit des émonctoires (exemple concret: vieux spagh', résidus d'infusions et tissés humides à l'usage de postérieurs adultes). Qu’importe ou presque ce qu’on abandonne derrière soi, ça servira peut-être, on s'en fout dans le fond. En fait, ça me sert à moi quand je tombe sur des morceaux d’anthologie. Au passage, pas besoin d’ouvrir un blog, écumer les fora pour aller y déverser ses ongles cassés ou ses pétoles cérébrales, c’est bien suffisant…  surtout si la modération y est aléatoire, en montagnes russes ou préférentielle aux opinions de qui l’exerce (après avoir férquenté ou observé une bone quinzaine de fora, je vois qu'il y a de tout, et que la meilleure volonté n'y suffit pas; personne ne doit passer de test de compétences avec assessment pour prouver sa capacité à l’exercer, la modération...

Oui, sur les fora, j’observe souvent une sorte de diarrhée verbale que le terme de logorrhée désignerait imparfaitement, donc allons-y joyeusement pour un néologisme à ma manière : l’internologorrhée.

[Ah que ouais, que ça me plaît bien.]


     J’en viens au pacte autobiographique décrit par Lejeune, autorisant via les commentaires des lecteurs l’impact parfois rude de la gifle aller-retour, suivant ce qu’on a débordé chez eux de terrain inondable… Mais ainsi va la vie, quand on décide de se raconter l’on s’expose. Ou alors, pensez à bloquer la possibilité des commentaires, il y va de votre protection mentale : la loyauté n’est pas toujours de mise, et un commentaire même effacé reste une atteinte à votre sincérité.

Sans aller si loin, je me rappelle avoir été abreuvée de messages quotidiens par une dame qui adore son chat et concentre son énergie sur cette friponne à poils. Well, Zorro est mon petit dieu tutélaire, mon lare, mon copain de jeux quand il sort de sa léthargie diurne. Mais aussi une de mes muses pour ce qui est de réfléchir à l’attachement, au manque, à la puissance de la présence… cette énergie particulière et qui se passe de mots, pour décrire tout le tacite d’une complicité au quotidien. De ce compagnonnage, je rebondis en effet souvent sur mon concept de la solitude, reliée au monde par la radio, la TV, Internet - en dehors des moments où je vais prendre un bain de contact humain. Je réfléchis grâce à sa compagnie à ce qu’est l’amour, le lien… ce que moi j’en pense, comment je le vis, comment j’en rêve.

 

    Internet est un no man’s land où la gratuité du geste d’écriture, qu’elle soit reçue et lue ou pas, représente parfois la garantie de ne pas sombrer plus en terre de désespoir. Mais aussi, et c’est là tout le pet de l’histoire, l’extraordinaire besoin de conformisme que les buzz suggèrent ; où être dans le coup avec les copains, c’est être au courant de ce qui est devenu fashion simplement parce que certains plus influents l’ont décrété comme tel.

Une sorte de rumeur d’Orléans qui permet à de vrais artistes comme Ebony Bones de se faire connaître : je kiffe sa musique nerveuse, ses tenues déjantées, son aura lumineuse de fille qui en veut et sort du lot.

Mais Internet permet également l'absurde notoriété d'un obscur et fat ex-étudiant en gestion de 22 ans, qui se trouve - et a réussi à se vendre comme tel, un comble!  pas trop mal de sa personne (quoique… ça se discute, je suis pas friande). Le comique de la situation, c'est qu'il se retrouve à peu près acculé, pour ne pas disparaître du paysage médiatique, à aller passer sa crise d'adolescent rebelle attardé en ramassant les crottes d’autruches sud-africaines domestiques depuis quelques semaines – tout en proclamant qu’il est bien trop « bogosse » pour le faire, et se mettre ainsi à dos ses co-aventuriers. [Oui, pas taper, je regarde ici et là "La ferme-célébrités en Afrique", car j'ai un mandat en cours pour constituer un dossier documentaire sur certains phénomènes de société... ] Bref. A quoi tient la notoriété, hein, parfois… A se faire détester avec constance pendant le max’ de temps possible, mais sans forcer le trait pour ne pas se retrouver hors-jeu, en l'occurrence... tu parles d'un challenge: le pauvre chéri en est réduit, pour maintenir un peu d’intérêt à son égard, à asperger d'huile les feux nombreux qu’il vient de tenter d’éteindre pour équilibrer la donne… Comme quoi, une mauvaise relation, c’est mieux que pas de relation du tout. Et jouer des coudes pour aller en finale, le seul moyen pour ne pas sombrer dans l'indifférence. Ca m'épuise rien que d'y penser...

Il en va de même que pour n'importe quelle sorte de pouvoir: pour se le voir accordé, il faut des gens qui l'accordent!

En vérité je vous le dis: pour voter Machinet, tapez zéro pointé.


      Ca ou les évangélistes technologiques, pareil au même. Culte, fanatisme, adoration. Mais aussi le renversement progressif de tyrannie que constitue le désintérêt suscité par le gavage…  Savoir se tenir en équilibre sur le tranchant du rasoir d’Ockham de l’internauterie. Infobésité. Burp. Ah là là, on est pas sorti de l’auberge ! Quel drôle de monde immédiat et prêt-à-jeter nous habitons, quand même.

 

Bref, je commence à entrevoir un peu plus distinctement en quoi le conformisme du spectateur a faim de ceux qui se hissent, à tort ou à raison, au-dessus de la mêlée. Ce que l’on n’a pas, on le regarde et l’envie de loin. Au besoin, on se forge un veau d’or qu’il sera facile de refondre à la première occasion.

 

Faites chauffer, suivant !

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Clémentine
  • : Mmmhhh... voyons voir. Il va y avoir: - des billets d'humeur - les trucs du quotidien qui me font gondoler - vous aussi, si tout va bien - des réflexions éthiques (eh oui, je m'en pique) - les aventures de Zorro le chat, qui apprend la vie en sautant dans une baignoire ou des WC qu'il croit vide ou au couvercle rabattu - des choses comme ça, quoi
  • Contact

Recherche