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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 10:45

 

 

D’autres ont déjà fait l’éloge de la paresse, je ne vais pas m’y risquer plus.

Mais rien faire, est-ce vraiment de la paresse ?

 

Ma maison est encombrée, une armoire que je voulais trier et élaguer depuis un an et à laquelle je me suis attaquée voilà un mois reste en une sorte de dégueulis dans mon hall.

Le chat y trouve son bonheur, en élisant domicile tour-à-tour dans une valise à moitié vidée après mon retour de vacances (il y a bientôt deux mois), ou une jaquette douillette.

Je monte des remparts pour ma sécurité mentale, je me dis que j’ai des choses à faire, encore ; faut croire que ça m’angoisserait en ce moment d’évoluer dans plus d’espace.

Service minimum : évacuer les plateaux-repas pris devant la TV, virer les poubelles et le papier qui s’accumule (des emballages, beaucoup, et encore plus de journaux, ma feuille de chou quotidienne y contribue très largement).

 

Le jour où j’inviterai du monde, je m’y mettrai. Mais en ce moment, pas envie d’inviter qui que ce soit, je me sens assez envahie par d’autres choses et d’autres personnes. Paradoxalement, en ne sortant guère en soirée ni le week-end.

 

Il y a des périodes comme ça, d’isolement volontaire, après avoir reconnu et cerné la solitude que j’affectionne. Un retrait, une sorte de silence cloîtré volontaire où les pensées peuvent s’agiter à leur guise.

 

Je m‘agite donc mentalement. Ça me donne l’occasion de laisser remonter quelques colères bienvenues, sans emmerder personne. Une sorte de sas de boxe mentale où je ramène ce qui me fâche, où je décortique les choses ; pour trouver en-dessous la source de l’énergie, qu’à force de contenir je mets comme de la barbe-à-papa autour d’épisodes grinçants.

 

En fait d’épisodes grinçants, je retrouve mes vieux démons : la langue de bois, par exemple, celle en vigueur dans le milieu socio-éducatif où je baigne. Je dois y confronter la liberté de ma parole retrouvée en thérapie, où l’on peut dire les choses crûment sans crainte.

Par contre, pour exercer ce souffle nouveau, je dois choisir mes interlocuteurs : la franchise, le brut de décoffrage, ça ne marche pas partout. A utiliser avec modération quand on ne veut pas se mettre une équipe à dos, surtout les personnes qui tortillent du cul mentalement, et prennent trois plombes et une tonne de circonlocutions prudentes pour parler de l’épine dans le pied.

Passer pour un trublion, ça va un moment !

 

Je me suis moins gênée autrefois,  ce qui veut dire jusqu’à ce que je dégote un taf où tout n’est pas rose, loin de là. Mais un taf où je peux équilibrer nuisances et liberté relative d’agenda, en plus de pouvoir exercer des compétences reconnues et quelques niveaux d’expertise. J’espère tenir là plus longtemps que les deux-trois ans habituels… ma soupape de sécurité, c’était de changer de job. Progressivement, j’ai rayé de la carte : travail de nuit, travail de week-end, voisinage immédiat d’équipe, soins peu ragoûtants.

 

Je tiens à garder cet état des lieux le plus longtemps possible, il me reste, quoi, onze ans jusqu’à la retraite. Ce n’est pas une histoire de me tasser aux limites du supportable, mais de tenir la marmite à feu doux, avec les arômes agréables qui s’en dégagent. Et en attendant de pouvoir me consacrer à un projet personnel, associatif, en voie de bâtissement, qui sent carrément divinement bon.

 

Faire ce que je veux, idéalement, oui ! – à un moment donné, j’ai pu me dire que gagner le gros lot me permettrait d’envoyer baigner toute contrainte… mais le spectacle navrant d’un richissime paumé de la vie m’a donné à me féliciter de devoir encore composer avec les sensibilités de mes semblables : sans les petites victoires de l’accommodation, je craindrais de devenir revêche, une Carmen Crû sans foi ni loi, Raymond et Huguette de « Scènes de ménage » tout-en-un. Et de perdre de précieux acquis comme la recherche permanente de « comment transformer les erreurs et les échecs en outils de progression ».

 

Ce que précisément je m’attache à faire de plus en plus avec les personnes que je forme, malmenées par la vie, cherchant également comment s’intégrer, comment survivre parfois. Hier, j’ai effectué un remplacement auprès d’une volée. Des gens qui riaient, échangeaient beaucoup, capables de s’interroger sur leurs valeurs et la place congrue qu’elles peuvent occuper dans un boulot où il faut, justement, ne pas confondre ses valeurs avec la vérité universelle, quitte à les mettre carrément au vestiaire le temps de faire ce qu’il y a à faire.

 

Bref, je ne me crois pas exempte de faire des erreurs – d’ailleurs si je l’oublie, je me le fais vite rappeler par plein de gens en rancune avec le pouvoir (supposé ou réel) dont je dispose, le système scolaire et d’apprentissage qui les a laminés, arrivant à leur faire croire qu’ils sont des sous-merdes en allant taper droit dans une estime d’eux-mêmes parfois bâtie dans le dénigrement d’autrui ; et produisant parfois paradoxalement des egos surdimensionnés, faisant très mauvais ménage avec une perception de ses capacités frôlant le plancher.

 

 

Il y a eu des deuils à faire : non, tout le monde ne peut pas s’entendre avec tout le monde. Tout au plus, on peut s’accommoder de devoir côtoyer par obligation des gens qu’on fuirait dans le privé.

Et même au privé, faire le deuil de gens qui furent des amis alors qu’on était encore des cires molles se cherchant ; dont on se rend compte que les liens qui existèrent étaient bâtis sur une utilisation mutuelle, lorsque la sécurité intérieure flottait, lorsque la quête d’amour et d’estime de la part des autres passait avant tout.

En somme, apprendre ses limites et les respecter ; laisser mourir ce qui est sec. J’en parlais hier encore avec une collègue d’un service voisin, qui évoquait son dilemme de casser franchement avec une vieille amie en réglant les comptes, ou ficher la paix à une relation moribonde pour la laisser prendre congé paisiblement.

 

Je me souviens d’avoir eu, à la trentaine, des liens très forts avec une famille remplaçant celle que je n’avais pas eue. Travaillant avec le couple, marraine de leur fille dès ses 14 ans, une histoire d’amour passagère avec le fils.

L’histoire d’amour a été la première à s’effilocher ; puis la mère a fait des crises de schizophrénie de plus en plus rapprochées. Ma filleule s’est vexée, vers ses 25 ans, que je ne sois pas à sa disposition à la minute. Le couple est divorcé à cette heure, et la mère devenait un poids qui se transposait vers moi. J’ai cessé de répondre à ses coups de fil, à ses invitations à dîner, où quelque part je sentais la fausseté de me faire offrir un excellent repas tout en meublant à grand-peine la conversation qui s’était appauvrie à la mesure des effets secondaires de sa camisole chimique. Je me souviens de n‘avoir pas répondu à la sonnette de la porte d’entrée lors de ses visites impromptues, et de l’avoir regardée s’éloigner en ayant le sentiment d’avoir échappé à un pénible moment. Et à un moment imprécis, elle a cessé de tenter de me contacter.

Lâcheté ? Même pas. Lui donner l’occasion de se retirer dignement, plutôt. Quel intérêt de lui dire en face que je ne voulais plus la voir, n’y prenant aucun plaisir et me sentant même au bord d’éclater, quel intérêt vraiment.

A bien y regarder, j’ai utilisé cette famille, qui m’a utilisée aussi. Son éclatement a sonné le glas : je voulais une famille que j‘aurais choisie, elle n’existait plus, dispersée dans des lieux éloignés de 200 kilomètres au plus proche, et outre-Atlantique pour le plus éloigné. Et l’image que je leur renvoyais de leur unité à l’époque était certainement flatteuse.

 

Laisser faire, s’absenter. Pour une certaine relation, cela s’est fait au prix de trouver dans ma boîte mail un message haineux, espérant l’affrontement – pour une autre, d’une mise au point inutile devant une pizza, après six mois de silence mutuel, mise au point que j’ai écoutée sans broncher, qui posait des conditions pour se revoir telles que ne plus parler que de la pluie et du beau temps, ou des enfants quittant le nid. Une fois le café bu, on s'est séparées avec une bise et un vague "A la prochaine".

Rien de plus.

A quoi bon ?

 

Alors, oui, je laisse le boxon se sédimenter chez moi, et le jour où j’aurai reconstruit mon agenda en privilégiant la qualité au lieu de la quantité, je mettrai de l’ordre, je  pense. C'est en bonne voie.

Il y a foule d’objets à donner ; à jeter, même. A abandonner sur le trottoir au profit de ceux que cela attirerait. Il y a des cadeaux qui m’encombrent, mettons qu’ils me lestent encore dans une certaine réalité, mettons que si je faisais le gros ménage, je me dépêcherais d’y remettre d’autres sacs de sable.

 

La légèreté, c’est bien. Mais on risque de s’envoler, et j’ai besoin de sentir le sol sous mes pieds.

 

 

 

 

 

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