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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 10:26

La vie est courte.

 

 

     Je traduis les choses ainsi pour ma pomme: ne pas s'embarrasser de relations qui sentent le roussi, ou commencent à gêner aux entournures et ne bougent pas, sans qu'il y ait quelque chose de bon à en tirer.

 

Je pense au domaine professionnel. Bien sûr qu'il faut payer ses factures; bien sûr que j'ai la chance d'avoir un bagage d'experte dans mon premier champ de compétences, et que la demande de soignants est telle que j'ai toujours pu aller de place en place tous les deux-trois ans.

 

Le privilège d'être demandé, c'est que l'on ne vient pas vous faire chier avec un pseudo-diagnostic d'instabilité; même quand c'était vaguement évoqué, j'ai toujours pu invoquer ma soif d'apprendre et de devenir une généraliste en soins confirmée et polyvalente. Faut tenir sa réplique prête, et je suis bien rodée, là. Mais personne n'ose trop mettre en avant ce genre de choses, je tiens le couteau par le manche, depuis que j'ai réalisé que j'avais le pouvoir de démissionner quasi du jour au lendemain.

 

     Le fait que je reste où je suis pour le moment, malgré un laps de temps assez long en général pour me donner l'envie d'aller ailleurs, tient au fait non pas que j'aie trouvé une équipe qui se répute souvent elle-même formidable (je trouve que son manque de modestie est flagrant... et ça devrait me faire fuir), mais au fait que les avantages sont nombreux (une certaine liberté d'organiser mes jours de travail, peu de surveillance sinon sur des points que je trouve essentiels et que j'ai moi-même réclamés lors d'un audit), et que notre nouvelle responsable offre un réel soutien, compétent et attentif.

 

Mais le point essentiel, c'est que je n'ai pas fait le tour, et de loin, des tenants et aboutissants d'une formation continue que m'offre le terrain lui-même, même si je trouve que l'esbrouffe en matière de formation d'adultes est patente.

 

     Un petit problème de sentiment d'usurpation, l'agrume? Ben oui, compte tenu du fait que j'ai utilisé une brèche évidente pour intégrer le système. J'essssplique: pour entrer dans le circuit, les verrouillages semblent solides. Car pour entrer en formation de base, il faut pouvoir prouver qu'on donne déjà des cours. Mais pour donner des cours, il faut avoir... la formation de base!

 

J'ai biaisé, manipulé, ça a été facile, et je pensais devoir louvoyer tout au long des 6 mois de cours pour dissimuler mon ignorance... que dalle! Car quand j'ai intégré le cours, je me suis aperçue que le nerf de la guerre (faire payer cher ces formations) pesait fort dans la balance, vu les profils des gens que j'ai côtoyé ensuite; certes, il y avait des formateurs de longue date, des solides qui connaissaient bien leur affaire, mais aussi des personnes acceptées selon des critères bien moins sévères que ce que j'avais cru devoir affronter, et surtout par jeu de piston, et parce que les boîtes de formation doivent rentabiliser les cours. Quand je vous dis que ça marche à l'esbrouffe... je n'ai eu qu'à déployer avec assurance ma crête de cacatoès pour obtenir mon intronisation.

 

     Mais comme pour tout système marketing, et la formation d'adultes en est un bel exemple, le monde se nourrit de stratégies visant à faire croire qu'un service, un produit, une certification quelconque est indispensable. Ca ressemble à la progression fulgurante d'une certaine marque d'ordinateur qui a réussi à se vendre au grand public comme le nec plus ultra, et a développé des applications qui rendent les gens dépendants. En perte de vitesse ou pour assurer la concurrence, l'une ou l'autre des deux marques a même mis au point une application qui permet de switcher entre les deux programmes quel que soit l'équipement de base... Vous croyez avoir besoin du dernier téléphone-ordinateur sorti sur le marché, vous croyez ça, mais le système profite d'un auto-emballement sur les cadences à augmenter, que ce soit pour le travail ou pour le plaisir.

 

 

Y'a qu'à faire croire que hors-système point de salut, et de fil en aiguille, la crédulité du public fait le reste. Le système universitaire marche aussi avec la loi de l'offre et de la demande, mais signale en même temps sa haute précarité tant la publication de travaux validables par les pairs est incontournable pour rester dans le circuit. Faire croire qu'on est indispensable, tout est là.

 

 

     Il y a quelques années, devant la menace des para-pharmacies, les pharmaciens ont mis en avant la qualité du conseil du pro aux clients, ce que les paras n'offrent pas - ce sont des vendeurs avant tout. Comme tout le monde, je me suis vue tout-à-coup encombrée de longs discours inadéquats à chaque fois que j'allais chercher le moindre contre-douleur. J'ai fini par mettre au point une stratégie de barrage en mettant en avant mon diplôme d'infirmière dès que ça commençait. Avec le temps, ils se sont bien calmés je trouve, pas seulement avec moi, mais de manière générale d'après mes échanges avec pas mal de gens qui vont regarnir leur pharmacie de base régulièrement. Et le contrôle quand on va demander une faveur est très inégal, ici l'on me donne sans barguigner une boîte de dépannage d'un truc qu'on ne peut avoir qu'avec une ordonnance, là on me fait remplir un document en trois exemplaires dégageant la responsabilité de l'officine au cas où je me rendrais malade.

 

 

C'est pas le confort du client qui prime, mais le maintien dans une zone "Ponce-Pilate" extensible, mais sans jamais perdre de vue la rentabilité du truc. 

 

 

     Ben je pense que c'est partout pareil. Donc je ne reconnais aucune autorité en-dehors de la mienne pour intégrer ou quitter un système qui s'auto-évalue en mettant sous le tapis les remarques qu'il semble réclamer pour augmenter la qualité de ses prestations, mais surtout pour faire bien dans le paysage-à-valeurs. Le fait est que tant que je serai dépendante d'un salaire pour vivre, c'est à moi de trouver le juste milieu pour pouvoir bosser sans me miner le plot sur un conflit de rôle que je sens de manière chronique depuis plus de trente ans.

 

Oui, je suis privilégiée par mes compétences qui me mettent à l'abri de trop souffrir de ce conflit interne, heureusement, je serais morte depuis longtemps d'une saloperie de maladie qui semble typique des inconforts existentiels.

 

C'est si bon, de se réaliser moins dépendant qu'on ne croyait! C'est du boulot pour garder la tête froide, mais avec un minimum de recul et d'analyse, il est aisé de se rendre compte que ça marche à la trouille - réelle ou habilement inspirée - d'être largué, ostracisé, mis au ban d'un système qui tient en place et s'auto-consolide en érigeant ses valeurs commes vraies.

 

Vive l'autonomie de jugement, décidément. En plus, l'ordonnance on la signe soi-même, c'est chic.

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