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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 08:54

 

 

C'est par la prise de conscience du fait que son sexe est si différent de celui de l'homme qu'une femme peut prendre conscience d'autre chose: qu'elle peut se définir par elle-même et pour elle-même, et d'abord en tant qu'individu. 

Elle cessera peut-être de s'épuiser à chercher - comme beaucoup jusqu'ici -  les similitudes et les différences, l'unisson ou le contrepied de l'homme. Et lui s'en trouvera mieux aussi!

Si on se place sur le terrain de la compétition entre les sexes, alors femmes et hommes s'appauvrissent des perceptions de soi que l'autre sexe donne à l'individu qui le possède. De plus, cette notion de pouvoir met la différence au champ de bataille... et décidément, plus ça va, plus j'aime cette notion issue du marketing: la paire gagnant-gagnant. 

 

A la limite, avoir un sexe quelconque est un handicap s'il faut d'abord se définir par et en lui - ce qui est le cas, encore actuellement, qu'on le veuille ou non. Homme ou femme, je nous crois aussi handicapés par la quête de la masculinité ou de la féminité, dès qu'elles nous empêchent de quêter notre humanité. 

J'ai lu récemment un article au sujet de la démarche d'une mère (finlandaise, je crois?) qui a décidé de ne pas révéler le sexe de son enfant à son entourage, même proche, pour qu'il soit traité comme un être humain et non pas formaté comme garçon ou fille. 

L'enfant doit avoir 18 mois à présent...  il est certain qu'il aura échappé jusque là à la différenciation de genre: vêtements, cadeaux et comportements épicènes auront été son lot. 

  


 

J'en parlais avec mon "ours apprivoisé": 

 

"Mais concernant cet enfant, dans notre société ne sera-t-il pas plus "handicapé" et donc rejeté par les autres s'il est "asexué" ou s'il ne prend pas le sexe qui le définit ?


Il  fera le choix de son genre quand il en aura envie et comme il en aura envie, pas en prédéterminé à travers des habits ou des jouets traditionnellement dévolus à un sexe, et les messages que l'entourage envoie ainsi inconsciemment à tour-de-bras: on parle pas de la même manière ni des mêmes choses à un gosse selon qu'il est fille ou garçon... le sexe biologique et le sexe visible déterminent le genre dans lequel on est élevé. Et dans les cas où le sexe est incertain, il semble que l'on ait besoin d'en attribuer un, ce qui se fait souvent selon les phantasmes des divers adultes que le gosse côtoie. Sans parler de toutes les projections mentales des gens alentour, qui par exemple font des cadeaux en fonction de leur idée du sexe de l'enfant...


Ce sont les adultes qui ne supportent pas l'incertitude... rares sont les parents de tels gosses qui sont assez forts pour attendre qu'ils choisissent eux-mêmes, et les soutenir dans la découverte que peut-être, le choix d'un genre ira à l'encontre du sexe biologique; donc d'assumer une apparence, des vêtements et des attitudes en décalage avec les stéréotypes de l'époque.

Par suite de son éducation genrée, l'enfant fait des choix et prépare les importantes décisions pour son avenir en conformité ou en rejet avec les diverses projections de la proche famille. Je trouve que c'est autant de temps perdu à la recherche de qui on est en tant qu'être humain, parce qu'il faut passer beaucoup de temps à lutter pour décider ce qu'on veut prendre ou pas du bagage dont on nous a chargé, sous prétexte de nous éduquer en vue du reste de la vie. Je rêverais qu'on m'ait éduquée comme être humain, pas comme fille...

Car si le sexe détermine le genre, il détermine tout l'avenir d'un enfant, qui ne reçoit pas les mêmes encouragements et renforcements selon qu'il est fille ou garçon. Si j'avais été un garçon, on n'aurait pas accepté avec autant de philosophie que les matières abstraites comme les maths me laissent de glace, alors que j'avais de nettes dispositions pour le bricolage, et pour comprendre comment les machines fonctionnent. Bref, on m'aurait poussée à faire  le maximum pour intégrer une formation d'ingénieur (il en faut, des maths, pour décrocher un tel diplôme... et en plus, les sciences appliquées, la physique, la balistique, ça me bottait bien). Étiquetée comme évaporée et portée aux lettres, mais d'abord comme fille, j'insiste! aucune chance qu'on m'offre des cours d'appui en maths, alors qu'on m'offrait des cours de dessin, par exemple.


Pourtant mon père aurait voulu que je sois un garçon, et tout en recevant de ma mère des messages biaisés du genre "c'est le garçon qui doit faire le premier pas" et des jupons à dentelle qui grattaient à mort (l'horreur... en plus, il faut dire merci pour des présents pareils), j'ai eu des cadeaux qui m'ont marquée et "dégenrée"; comme la voiture de police qui hululait, et le nounours que j'ai tant aimé. N'empêche que mon père me poussait à l'exploration et l'aventure comme il l'aurait fait pour un garçon; mais d'un autre côté, dès que je manifestais des comportements un peu affirmés (et les arts martiaux qu'on m'a offert de pratiquer m'y poussaient), je recevais la dose équivalente de messages me rappelant que j'étais ... une fille. Je parie que cela aurait moins sanctionné, et plus considéré comme une affirmation de soi naturelle si j'avais été un garçon:  chez moi, cela devenait de l'insolence. Cherchez l'erreur.

Je crois qu'on m'a quand même infusé plus de liberté qu'à ma sœur, à cause de son manque d'intérêt pour un destin non-familial. Mais le malaise était quand même au rendez-vous, quand je recevais des messages contradictoires au sujet de mon avenir... On ne me parlait pas tant de faire un choix professionnel que de cette évidence que ça semblait être: j’allais me marier et faire des enfants. Ce qui rendait finalement le choix d'une profession plutôt secondaire, car il était entendu que je n'allais pas devoir en vivre, ni en faire vivre une famille, mais plutôt l'abandonner relativement vite pour me consacrer à ma famille,justement. C'était "en attendant", et pas un choix crucial pour les 40 ans suivants.


C'est ainsi que les filles pouvaient à cette époque se destiner à des tâches mal payées et les préparant à leur futur rôle de mère (infirmières et cie), sans trop de débouchés (les voies de garage comme assistante vétérinaire ou dentaire), ou carrément occupationnels (comme l'histoire de l'art). On ne les pressentait pas comme des forces économiques ni des piliers de famille, mais des utérus et des nourrices /éleveuses en puissance, à distraire utilement en attendant qu'elles fassent comme les autres : pondre, et materner.

 

A-t-il la maturité de choix face aux difficultés qu'il risque de devoir affronter plus tard ?

 

Houlà, mais  c'est quand, la maturité? Il se posera certaines questions, en posera à ses parents; ça développe l'intelligence, de faire face à sa propre différence, son individualité, quoi.  Ca se passera comme pour toi, moi et les autres, les parents sont là pour nous guider vers la sortie et l'autonomie.
En tous cas, moi je trouve que comprendre quelle personne on est, c'est plus important que de se définir d'un genre ou d'un autre. On verra comment il s'en sort, le moutard sans sexe, mais un cas particulier ne fait pas tout le groupe...


En tous cas, toute tentative pour élever un enfant sans brider son individualité - donc sans orienter sa vie vers des rôles, des métiers et des destins prédéterminés par les fantasmes des autres à cause d'une bête 43ème paire de chromosomes - ben ça me semble louable et de bon aloi pour des changements de mentalité, donc de société. Tandis que laisser ce 43ème de gènes gouverner toute une vie, ça me paraît d'une grande déloyauté par rapport à l'être humain. On se bat assez pour que les trisomiques et autres personnes avec une anomalie chromosomique trouvent une place équitable... Alors pourquoi on fait deux poids deux mesures avec la paire sexuelle, soit seulement 2,3 % du bagage génétique, si j'en crois ma calculette? (Heuh, tu confirmes? :-))  )

Dans une société idéale cette idée est géniale, mais c'est aussi aux parents de protéger l'enfant des difficultés, il en aura déjà assez sans en rajouter ?

 

Alors ses parents seront d'autant plus attentifs à ne pas le laisser sans réponses quand il aura des questions, en tous cas, c'est ce qui perçait dans les propos de sa mère. Elle doit se sentir assez forte pour faire ce travail-là, si elle l'a commencé! Sinon c'est de l'expérimentation froide, alors qu'elle veut au contraire lui donner un maximum de chances de devenir ce qu'il est. C'est une mère aimante, selon mes critères: on n'épargne pas ceux qu'on aime, pour qu'ils puissent mieux s'armer.

Et puis... peut-être qu'un jour on n'aura plus besoin de faire ce genre de choses, parce que tout le monde trouvera normal de faire comme ça? Va savoir...

Comme tu le constates, je trouve que l'idée est belle, mais j'ai un peu de mal, dans la situation actuelle de la société.

 

Ca change, ça fait partie des changements, c'est bien, l'ouverture à la multiplicité des possibles... Toi et moi on fait partie des changements, même si ça se manifeste plutôt dans le polyamour.

 

Pour ma part j'aime la différence entre fille et garçon, fille entre elles et garçon entre eux. Pourquoi vouloir aplanir toutes les différences et ne pas plutôt ouvrir tous les esprits à la beauté des différences?

 

C'est de ça qu'il est question, justement: de laisser fleurir toutes les différences, les individualités multiples, comme les masculinités et les féminités multiples.  On ne parle pas d'androgynie, je suis d'accord avec toi. Mais de liberté.... et malgré tout, à certains égards, j'en ai plus que toi.


Si si: je peux avoir une démarche de camionneur le jour où je porte des baskets, et le jour suivant, parce que j'aime sentir mes hanches louvoyer, avoir envie de me mettre en sandalettes à talons et jupe-tube. Mon humeur du jour, je peux la suivre... C'est cette liberté-là qui me paraît la plus importante: pouvoir respecter ses envies , savoir laisser partir celles qui n'en sont plus; et puis, moi, je peux plus facilement me mettre en pantalons ou en salomés à lacets montants que toi... Les femmes ont plus de choix de ce point de vue, actuellement,  car c'est comme si nous portions une évidence: être femme, au fond... Tandis que vous, les hommes, vous devez construire une identité masculine et la préserver, c'est toujours plus précaire, faut prouver qu'on en est un, ou se conforter dans l'évidence qu'on ne cesse pas d'être XY et d'avoir un pénis et des testicules, même si on n'accepte pas d'avoir un comportement, des nippes ou un discours genré. Je te recommande le livre de Badinter, "XY", je redécouvre la justesse de son propos, qui m'avait tant apporté il y a 15 ans. Certaines données ont vieilli (une centaine de transsexuels en France en 1993 contre, selon les sources diverses, 50 à 70'000 de nos jours...), mais je trouve que son discours bouscule bien."

 

 

 

Au risque de me répéter, je vous ai déjà dit que j’aimais parler avec mon ours, parce que c'est un mâle bien différencié, mais atypiquement féminin par certains aspects ? 


 

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commentaires

L
<br /> Très intéressant.<br /> Ca me fait, encore, penser au livre "Le choeur des femmes" de Winckler.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> D'accord, d'accord, je vais aller le relire<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Pas si simple d'affronter le jugement d'autrui, les gens ne supportent pas quand tu ne rentres pas dans la case. Néanmoins je trouve que ces parents* sont courageux et je ferais surement de même<br /> s'il me vient un jour l'idée de me reproduire ;)<br /> <br /> *http://www.24heures.ch/actu/monde/parents-decident-garder-secret-sexe-enfant-2011-05-26<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Oh, merci pour le lien, j'apprécie!!!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Questionnement absolument passionnant, et qui mériterait de faire l'objet de plusieurs dizaines de notes comme ces deux-là... Merci.<br /> Il y a quelques temps j'avais été frappée par une discussion avec un chirurgien qui m'expliquait qu'il était souvent appelé au moment de la naissance d'un enfant "intersexué" (terme pudique pour<br /> désigner un enfant qui, suite à une anomalie chromosomique, se retrouve avec des caractères sexuels secondaires incertains). Et qui me disait à quel point c'était compliqué de faire se décider<br /> rapidement les parents sur le sexe biologique qu'ils souhaitaient qu'on "construise" chirurgicalement pour leur enfant. L'injonction à sexuer les gens (et donc en réalité à les genrer) le plus vite<br /> possible conduit à des absurdité, dont la principale est de déterminer arbitrairement le sexe d'un enfant avant sa puberté - ce qui conduit à des aberrations et à des situations épouvantables à<br /> l'âge adulte : un enfant qui a été reconstruit "fille" (c'est le choix le plus souvent fait, ben oui, un vagin c'est plus facile à construire qu'un pénis qui fonctionne...) et qui arrivé à<br /> l'adolescence a une puberté de garçon et surtout un sentiment profond d'être de genre masculin...<br /> Ce chirurgien n'a jamais compris ce qui me choquait là-dedans. L'important pour lui était de livrer aux parents du nouveau-né un enfant "présentable", et ce qui peut se passer après... Rien à<br /> foutre.<br /> Allez lire ce site : http://www.vrais-visages.net/spip.php?article70<br /> C'est monstrueusement édifiant. La personne humaine niée dès la naissance, et sommée de devenir illico presto fille OU garçon - et que ça saute, sinon t'es pas un être humain...<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Redoutable, le désir de normaité... Tout aussi redoutable, le pouvoir dont nous investissons encore les médecins.<br /> <br /> <br /> Un encouragement à ne pas attendre un pépin de santé pour comprendre comment fonctionne le corps humain, ses éventuels pétages de plomb et les traitements possibles; histoire de devenir les<br /> partenaires décisionnels que nous devrions toujours être, lorsqu'il s'agit de s'embarquer dans une proposition thérapeutique.En l'occurence, thérapeutique pour qui, on se le<br /> demande...<br /> <br /> <br /> Trop souvent, faute de connaissances, les problèmes se transforment en fausses-urgences, et ce qui ne devrait être qu'une proposition - qu'on peut d'ailleurs refuser - se transforme alors en<br /> ultimatum.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Un bon dicton: parfois, il est urgent d'attendre!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />

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