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11 juin 2010 5 11 /06 /juin /2010 12:25

 

 


     «Une promesse de Gascon : une promesse qui ne sera pas tenue ; la réputation d'éloquence trompeuse, de vantardise du Gascon est constante depuis le XVIe siècle.»


Mouais.

 

Les promesses, à bien y regarder, sont toujours le fait de Gascons: nous sommes tous des Gascons, quelque part. Sauf que ce n’est pas toujours par hâblerie qu’on en fait, des promesses.

 

 

     Depuis longtemps, je ne promets plus rien, sinon d’essayer de toutes mes forces.


Il fut un temps où je préparais avec soin le lit de mes trahisons, menues ou plus conséquentes. La honte me tenaillait sourdement, j’envisageais des excuses, des biais ou des mensonges; ou même des tactiques d’évitement, des itinéraires de fuite … La culpabilité me rongeait parfois assez fort pour que je me contraigne, tout en me cabrant intérieurement.  Au cumul, je m’étais construit tout un pan de vie pénible, sans joie, un truc saumâtre arrosé à la sauce judéo-chrétienne.


Un peu comme quand quelqu’un arrive, sans le demander nettement, à obtenir de vous un service. On a l'impression d'avoir le coeur sur la main, et un vague malaise vous pulse quelque part entre le plexus et le duodénum... qu’on chasse très vite en pensant, selon ses croyances, à son paradis ou son karma. C'est "bien", quelque part, de se faire un peu chier...

 


 

      Promettre, donner sa parole…  Faut pas.


« Donner c’est donner, reprendre c’est voler » dit le dicton.

 

Pourquoi faire des promesses, alors, si ça nous met dans la mouise relationnelle, peu ou prou ?


 

On en fait pour se débarrasser de quelqu’un, ou d’une situation.


On en fait parce qu’on est ému de pitié.


On en fait pour se faire du bien à l’ego. Fâââ, keusskeu je suis sympa, quand même, de rendre service.

 

     Sur le moment, il est plus difficile d’être honnête, car on est tout de suite confronté aux reproches, même silencieux, de qui l’on déçoit déjà - le langage du corps, quelle puissance.

Surtout si on a déjà souscrit à d’autres reprises aux demandes, nettes ou voilées, de cette  même personne…  si la relation est teintée d’un subtil petit jeu qu’on a largement contribué à installer, en fait.

On n’est jamais totalement victime : on se prépare ses petits enfers, tout seul, comme un grand.



     C’est con, les promesses ; c’est de la pommade relationnelle, sur un gravillon qui enflamme et infecte les tissus.

Un jour, la grosseur rougeâtre ne peut plus être maquillée au stick des bonnes manières.

[c’est quoi encore, celles-là ? Pfff. Dans le domaine des relations humaines, méfiez-vous de vous poser des questions sur le bien-fondé de vos comportements : on happe un petit bout tentant… et c’est tout le chapelet de merguez qui vient, harissa comprise !]

 

Un jour, la coupe est pleine, le vernis s'écaille, et sans qu'on ait vu venir le clash... il survient.



Bref, vous voilà, vous et votre dissimulation, mis en pleine lumière, démasqué et honni.

 


 

     Un peu de courage pour dire « Non » au départ, ou ne rien dire du tout en laissant l‘autre se faire son film… pourquoi pas ?


Dans une autre vie de soignante d’appoint, j’ai appris à différer ma réponse seulement après 15 ans de métier, quand on m’appelait en suggérant que j’étais la seule et dernière possibilité de dépannage d’une équipe en souffrance (oh, tiens, revoilà Batman!),  : « Voyons, je vais voir si je peux, je te rappelle dans un petit moment ».


     Le petit moment en question passé, et ma décision confortée (garder mon jour de congé pour moi), je rappelais pour me navrer de concert avec le demandeur. Jamais vu d’article de presse le jour suivant, relatant une mort d’homme suite au refus d’aide d’une salope d’infirmière… Par contre, au sein d'une équipe ou auprès d'un patron pas net, votre réputation est faite.

 

[Petit épisode qui m'a marquée: dans mon premier emploi, en un temps où la loi sur le travail protégeait mal les employés, mon supérieur me demande d'assurer un 8ème et un 9ème jour de suite pour qu'une collègue puisse aller voir son père malade à quelques centaines de kilomètres. Je ne sais ce qui m'a inspiré la seule réponse capable de me tirer d'affaire tout en le convainquant que je ne manquais pas de compassion, mais j'ai argumenté que la fatigue pouvait me rendre dangereuse. Bingo!


2ème épisode - le fer rouge, ce coup-là: deux ans plus tard, un autre chef réussit à me pister jusque chez ma parenté, où j'étais en visite - déjà là, le culot du mec... je vous laisse apprécier; il me demande de revenir prématurément de congé, manquant de personnel le lendemain. Je décline, ayant deux rendez-vous pour m'occuper de ma santé - très peu pour moi de ne pas recevoir de soins, tout en payant deux consultations non décommandées dans les temps! En reposant le téléphone, je vois les regards incrédules de mes hôtes "Dis donc, il manque pas d'air, machin!". Moi par contre, j'étais couleur pivoine: la colère sortait.

 

Le surlendemain, une pote de travail m'apprend que d'un air de chien battu, il avait commenté ma décision auprès de l'équipe comme suit: "Elle refuse de m'aider". C'est celà, ouiiiii...  

 

Comme il n'en était pas à son coup d'essai, je lui ai pondu ma démission dans la foulée. Ca commençait à bien faire...]

 

Je suis d'accord: on ne peut pas toujours se payer le luxe d'envoyer baigner les gens. Mais dans beaucoup de circonstances, seul le réseau tissé par l'éducation nous emprisonne: quid de le défaire tranquillement? Je n'ai pas eu subitement une illumination, pour ma part: long travail pour défaire des liens périmés, qui tenaient par habitude... et aussi pour ne pas me laisser embarquer dans d'autres - la merde tient chaud, voilà pourquoi on y reste ou on la recherche, parfois.

 

 

 

Bon. C'est comme vous la sentez, hein? Un jour peut-être, vous maîtriserez tellement l'art de ne pas tenir les promesses faites dans un moment d'égarement, que vous en arriverez à vous casser une jambe pour ne pas avoir à dire "Non"... Quel brio.

 

Je ne parle pas en l'air: en tant que soignant, on est sensibilisé aux situations des personnes qui ont des accidents à répétition. Quand un type vous revient tous les huit mois avec une fracture un peu différente, on se demande quel est le message qu'il essaie de s'envoyer à lui-même.

 

     Le confort est une notion toute personnelle, décidément.

 

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commentaires

L
<br /> Salut Clèm,<br /> Je profite de la lecture de ton article qui me fait jubiler pour te dire que vraiment t'es une sacrée nana, et que "j'te kiffe grave".<br /> Dans mon chemin vers l'apprivoisement de ma solitude, tu as été comme dirait Cyrulnik une "tutrice de résilience". Une que j'ai choisie virtuellement, à distance. T'inquiètes pas, j'ai plein de<br /> boulot sur la planche, mais maintenant je vois ça d'un bon oeil et tu y es pour beaucoup.<br /> Tu me manques parfois sur le forum où on s'est croisées, mais je pense bien que tu as plein d'autres trucs épanouissants à faire, et à vrai dire je n'y passe plus si souvent.<br /> Bon soleil,<br /> La bise!<br /> <br /> Lam<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Ben merci ma grande, et à double-titre: parce que ça vient de toi, et parce que j'ai ouvert ce blog pour que des gens comme toi, en chemin vers leur humanité, sachent qu'il y a d'autres<br /> iconoclastes avec qui se tenir les coudes.<br /> <br /> <br /> Bientôt tous iconoclastes! Soyez vous-même, vindjû!<br /> <br /> <br /> <br />

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