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26 janvier 2019 6 26 /01 /janvier /2019 09:30

 

 

Petits accès de mélancolie douce ces derniers temps…

 

Je repense à des amours inabouties, à des éclairs de compréhension mutuels en compagnie de personnes avec lesquelles tout-à-coup, par hasard, je me mettais à échanger des riens bienveillants, alors qu’on se regardait comme chien et chat d’habitude.

 

Des compagnies masculines, exclusivement. Du temps du gymnase, ou alors de celui de la Dolce Vita.

 

(Désolée de cette pub intempestive, je ne sais pas comment elle a réussi à se glisser là, je cherche comment la virer).

Je cherche leurs traces parfois ; je les retrouve, pas si loin, on est séparés plus par nos trajectoires que par la distance.

 

J’ai passé mon bac en même temps qu’André, un peu BCBG et habituellement flanqué de deux acolytes – je les appelais les Trois Grâces, ils faisaient comme pendant à notre petite coterie de filles en sabots et jeans, qui se cherchaient capillairement parlant ; une minette qui redoublait sa dernière année avec nous, en talons et jupe ajustée, embijoutée et bien coiffée, était devenue leur copine de pauses et de pots. On l’aimait pas trop cette fille, qui nous était si étrangère dans l’expression de sa féminité.

 

André avait remporté le Prix Latourette, celui de la meilleure dissertation française au bac.

J’ai des fragments cumulés, je sais qu’André et un de ses sbires ont publié un essai critique sur des ouvrages de Mercanton. Les deux sont enseignants, je crois.

 

Avec André, on avait eu un petit moment de transcendance amicale dans le train qui emmenait notre classe en voyage de bac en Sicile… A l’époque je devais me balader en salopettes de velours côtelé, avec mes cheveux assez longs et ma frange enfantine. Je l’avais recroisé vers la trentaine, devant la Bibliothèque cantonale universitaire, je devais tout juste m’être inscrite en Lettres ; toujours cette impression de bienveillance qui pouvait fleurir quand il se trouvait sans ses deux compères – on pouvait alors abandonner la gouaille moqueuse et le léger dédain de surface qui étaient de mise quand nos deux factions se côtoyaient.

 

L’autre nostalgie qui me tient, c’est celle de Sven, un colosse blond aux yeux bleus, bronzé à l’année, qui faisait partie de l’équipe sécurité de la Dolce Vita alors que je tenais le bar quelque fois dans la semaine.

Il se faisait tout doux avec moi, me protégeait souvent, veillait de loin à ma tranquillité – que quelqu’un commence à me chercher, il arrivait dare-dare ; il s’était même décarcassé un soir pour récupérer ma quittance de caisse, dérobée par un copain commun qui avait éclusé quelques godets de trop, et au risque de se fâcher avec lui.

Quand ni l’un ni l’autre n’était d’astreinte, on pouvait passer des soirées entières au cabaret-rock, appuyés l’un contre l’autre, on se faisait des bisous de bouche, il m’appelait « Femme ». Jamais on n’a passé la vitesse supérieure, il avait besoin d’être seul et séparait dans sa tête les filles à aimer et les filles à baiser. Je le taquinais, il restait souvent tout confus et souriant, tout maladroit devant moi, tout en alignant les conquêtes d’un soir et les historiettes fugitives. La tête près du bonnet et le coup de poing facile – je sais qu’il pouvait cogner ses compagnes, je crois qu’il n’a pas voulu risquer notre complicité animale, et jamais il n’a utilisé le numéro de téléphone qu’il m’avait réclamé.

 

Ces deux hommes ont influencé mes premières réconciliations avec la gent masculine, toute en révolte que j’étais avec le rôle que d’autres personnes voulaient me pressentir… partagée entre devenir la personne que je suis et celle que je voulais devenir.

 

 

Hésitant entre le féminisme dur et Elisabeth Badinter, que je trouve finalement bien  plus percutante, lucide et visionnaire, je cherchais ma place. Avec le temps, j’ai fini par capter qu’il est moins important de devenir femme que de devenir soi-même, et que les mecs étaient terriblement déroutés devant leur rôle, souvent attaqués qu’ils étaient, formatés eux-mêmes par leur éducation. Et aussi, j’ai saisi que la maternité, décidément, ne m’était pas indispensable pour me trouver.

 

Si je devais traduire en un gâteau ce que ces deux gars m’évoquent, ce serait avec des inserts : pour André ce serait un papillon orange avec du praliné, et pour Sven une compotée à base de fruits des bois, un rouge bordeaux lumineux.

 

La légèreté pour l’un, la profondeur pour l’autre.

L'un m'a touchée par son accueil; l'autre, je l'aime, encore et toujours.

 

 

 

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