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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 12:54

Dimanche matin 11 00.

 

 

Soit c’est pas mon jour, soit je me ressens encore de cette dernière période à alterner les horaires de nuit et de jour, avec en prime des réflexions peu jojo sur ce qu’est devenu l’environnement des soins : je viens de me prendre une torchée maison avec les jeux en ligne où je me défends pas si mal d’habitude.

 

Ce que je constate du monde des soins, c’est qu’en toute bonne conscience des lois ont été édictées pour augmenter la sécurité, mais que ce sont encore et toujours les soignants qui font office de fusible. Je reste en effet perplexe devant la gravité de situations assumées dans un CTR (pardon : centre de traitement et de réadaptation) un peu particulier où j’ai  récemment veillé, qui relèveraient plus de soins continus hospitaliers… pour gérer les détresses respiratoires de plus en plus rapprochées d’un patient en fin de vie, il faudrait en effet le mettre dans une chambre où la présence infirmière est constante. Et pour ça, il faut monter au niveau de soins d'un hôpital.

 

Ca ne devrait pas m’étonner, je connais ce service dans ses débuts, et bien qu’en plus de 25 ans les choses soient devenues plus techniques, plus pointues et la prise en charge plus aiguë, il plane un parfum de lâcher-prise mal placé. Déjà à l’époque, le lieu se perdait dans les désirs des soignants que l’on y appelle un chat un chat, et certaines erreurs pouvaient même trouver indirectement des justifications dans le fait que les personnes accueillies étaient mourantes à moyen terme.

 

Ceci est perceptible jusque dans les objectifs cités sur leur site web… en même temps que l’on cite parmi les principes «Garder en tout temps confiance dans la capacité de la personne à mobiliser les ressources qui lui sont propres pour trouver son « chemin de croissance », il apparaît que le fantasme soignant a la vie dure : à un autre endroit du site, on trouve clairement posés des objectifs de soignants (et non pas des objectifs co-construits avec les patients)

 

  • Une image de soi apaisée
  • L’encouragement du travail de deuil

 

J'm'explique.

Le premier patient décédé dans la maison nous avait donné une cuisante leçon : niant jusqu’au bout être là pour ses derniers jours malgré une maladie fulgurante, il était mort d’une crise cardiaque en chiant sur sa chaise percée, TV et radio allumés à coin !

Une image de soi apaisée et un encouragement au travail de deuil, vraiment… de quoi se mettre en situation d’échec, en posant de pareils objectifs. Comme si le client n’avait pas le droit légitime d’être révolté, de se trouver moche !  L’accompagner vers des objectifs de bonne sœur, ou vers ses propres objectifs au travers d'une crise majeure ?

C’est pas net… Florence Nightingale et sa lampe-tempête ne sont pas loin... on ne fait pas de bons soins avec des bons sentiments.

 

Et de quel droit imposer sa tendresse et le tutoiement à quelqu’un qui n’est plus en état de se dérober… là je suis sur le cul ; car le « hug », voire l’intrusion dans la sphère émotionnelle intime est cautionné, et et ceci n'a pas varié en plus de 25 ans : à une employée enceinte, le directeur n’a pas jugé bon de demander si elle l’autorisait à toucher son ventre – déjà qu’elle n’aimait pas ses démonstrations d’affection… elle en avait frémi comme si on lui avait mis la main aux fesses. Et à nouveau, là, je me dis que rien n’a évolué sur ce plan : même en changeant de directeur, l’atmosphère continue de se délecter dans l’illusion que l’embrassade est un moyen communicationnel souverain. Bien des chefs de guerre, depuis l‘Antiquité, se sont donnés et se donnent encore l’accolade diplomatique, en gage de non-agression… rien à voir avec la tendresse…

Authenticité mon cul, à moins qu'il ne s'agisse d'être authentiquement à côté de la plaque. Je me souviens bien avoir quitté cet endroit parce que déjà dérangée par des comportements en contradiction flagrante avec une certaine éthique professionnelle de la relation.

De plus, la psycho-rigidité face à EXIT y est flagrante: sous peine d'invoquer le Diable en personne, n'en parlez jamais là-bas comme d'une ouverture ou d'une co-construction d'objectif avec le patient! Il faut donc choisir entre ses propres options et le rêve éveillé des soignants? L'endroit satisfait les besoins des soignants plus que ceux des patients, c'est flagrant.

 

Encore plus surprise je suis, cherchant la définition de CTR sur le site administratif cantonal (besoin de vérifier cette histoire de prise en charge de cas assimilables à des situations de soins continus) , d’y découvrir qu’entre autres missions, « La communication individuelle et collective est respectueuse et favorisée ; par exemple: Le personnel dialogue-t-il avec les patients sur un mode adulte en utilisant un vocabulaire non infantilisant et/ou familier? »

Là je bondis : faut-il vraiment que ce point soit abordé ? Pourquoi, quelle est la réalité ? Et il n’y a que les CTR où ça doit être respecté ?

Puis je bondis encore, car la familiarité du tutoiement envers les patients est une réalité au sein du CTR en question.

 

 

On en est où, là ?

 

J’y retourne tout soudain pour deux jours en horaire du soir, et je n’y remettrai pas les pieds, j’espère que la vie m’en préservera ; et même à l’heure où moi je devrai me préparer à passer de l’autre côté, je prie le ciel que me soit épargné la viscosité de ce genre de prise en charge, perceptible jusque dans l'attitude du cuisinier, à qui j'ai eu envie de demander si on se connaissait?

 

Et puis, pourquoi cet endroit est si luxueux, voilà qui m'interpelle. Même la dotation est calculée en fonction du temps potentiellement passé à la relation d'aide (sur le canton, quelle autre unité de soins palliatifs peut s'en targuer?), et ce n'est que tout récemment que la direction a accepté des pourcentages de travail dépassant le 80% - résidu du prétexte de la pénibilité du travail : il y a 27 ans, il était question de nous payer à 100% tout en nous faisant travailler seulement à 80%.  Des singularités futiles étaient également à l'ordre du jour: combien de discussions nous ont mobilisés à l'époque sur le port de l'uniforme ou non? Et voilà qu'aujourd'hui, à l'exception du tee-shirt blanc brodé du sigle de l'institution et portant le prénom du soignant, le personnel est autorisé à porter des habits civils et des chaussures d'extérieur. De manière plus diffuse, une certaine conscience de classe élitiste est perceptible... A vouloir se démarquer absolument, on frise le précieux ridicule.

 

 

 

 

Gros Zorro continue son guet sur le balcon, de plus en plus de gens inconnus et connus s’arrêtent pour m’en parler – la star du quartier comme dit mon concierge. Ce chat têtu et lunatique est une de mes balises au quotidien.

Tout comme le pote Nick, qui joue dangereusement avec le désir de ressentir ses émotions, et flirte avec un moral au plus bas vu qu’il a cessé de prendre ses médocs. On s’est offert un resto pour compenser un rendez-vous manqué – relevant de veille, j’avais intégré ses coups de sonnette et ses téléphones insistants à midi à un rêve centré sur mon nouveau job qui se profile : il avait dû faire face seul à ses larmes qui montaient en sortant de son examen de CAS qui s’était mal passé, tout en se disant que ça l’avait forcé à puiser dans ses propres ressources.

Une bonne platée de scalopines au citron avec frites plus tard, il apparaît que le terrain sur lequel il a basé son travail offre de multiples résistances dans lesquelles il s’est trouvé pris en otage : on ne peut bâtir un projet recherche et marketing quand la hiérarchie se centre sur tout ce qui permet de jeter de la poudre aux yeux, mais ne donne pas les moyens de concrétiser sa carte de visite…

 

A l'instar de sa vie privée, il paie cash son désir de jouer les sauveteurs face à des situations que les protagonistes en face cherchent plus ou moins consciemment à maintenir dans un flou poisseux pour ne pas voir la réalité en face et préserver leur confort.

Personne ne peut faire plus que son 50%.

 

 

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