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28 août 2015 5 28 /08 /août /2015 06:25

 

 

J’y suis retournée, dans cette unité de soins palliatifs, et je suis sortie de ces deux gardes dans un état de perplexité et d'écoeurement qui me durent encore.

 

J’avais déjà parlé de la philosophie du lieu, qui me dérange. Sur la question d’EXIT, j’ai constaté que l’attitude recommandée est de ne pas se dérober au devoir légal d’information: le patient qui parle d’EXIT doit recevoir un document l’informant qu’il doit au préalable écrire au directeur et au médecin, pour que des dispositions rapides puissent être prises – c’est-à-dire retour à domicile pour accomplir sa sortie de vie.

 

Je trouve éthiquement inadmissible de ne pas offrir ce choix de le faire dans l’institution, tout en prônant que chacun a ses propres ressources pour faire son chemin vers sa fin – quel abus de pouvoir tordu… d’autant plus que je me demande comment un patient qui songe au suicide assisté serait capable, sans assistance et surtout s’il est sans famille, d’écrire une telle lettre. La déontologie voudrait que l’esprit des soins, le respect du chemin de chacun, fasse offrir par l’institution une aide pour produire ce document. Je constate au contraire une attitude d’évitement, une fin de non-recevoir basée sur l’inertie : on est tenu légalement de distribuer l’information par écrit, mais rien de plus ne sera fait… j’appelle ça de la rétention de moyens. La morale remplace l’éthique, et c’est moche.

 

Et puis en admettant que cette aide soit offerte, alors cela mènerait à établir un procedere visant à renvoyer la personne hors les murs pour qu’il ne se commette pas là-bas… quoi… un crime de lèse-fantasme des soignants ? Cette dérobade qui pue du cul permet de garder la main sur les fins de vie de gens complètement démunis, et voilà tout.

 

Ne parlez pas non plus là-bas d’utiliser une cigogne (un engin hydraulique qui permet de mobiliser les personnes qui ne tiennent pas sur leurs jambes), là-bas on préfère se péter le dos et risquer de faire chuter le patient en l'empoignant à deux personnes pour le catapulter sur son lit...

 

Bref, déjà que sur ce genre de problématiques je trouve l’endroit psycho-rigide, j’ai constaté qu’en cas de crise, la prétendue écoute du soignant se transforme en moulinage de leit-motiv produisant l’effet du disque rayé : tout en se prétendant disponible pour une confrontation d’idées, il est de bon ton d’interrompre celui qui cause, et de produire des arguments défensifs pour lui redonner l’entière responsabilité des mésententes. J’ai vu faire cela par des collègues envers d’autres collègues, en se positionnant dans la relation d'aide au lieu de parler collégialement des soucis de collaboration (ce qui signifie que seul l'autre a des difficultés) et même envers les patients… doubles-messages, changement de sujet lorsque l’on s’approche trop de ce qui pourrait amener à une remise en question, tout en se targuant d’être les empereurs de la remise en question, justement. Triangulation, également ; et même, certains ont passés maîtres dans l’art de demander ce dont l’autre a besoin, pour passer outre et le forcer dans ses retranchements – une certaine perversité, voisine de ce désir d’aider autrui. L’altruisme, j’ai déjà dit ici maintes fois ce que j’en pense… c’est vouloir pour autrui ce qu’on pense, soi, être bien.

 

Effarant.

 

Quelque chose de sectaire émane de cet endroit ; qui peut décider pour quiconque de ce qu’est la meilleure manière de mourir ? Si le patient dit quelque chose du style « j’ai encore quelque chose à apprendre pour les derniers jours qui me restent », le soignant frémit de bonheur d’entendre ce qu’il espère entendre, et s’en délecte en colloque avec un sourire angélique sur les lèvres, tout le monde se regarde d'un air satisfait.

Par ailleurs, quand les douleurs et l’inconfort sont trop extrêmes, que fait-on ? On propose une sédation… pas très loin, dans le principe et les moyens, de la perfusion de morphine qu’on accélérait pendant les mobilisations des personnes en fin de vie il y a 30 ans, bien avant que les soins palliatifs ne fleurissent dans le paysage bien-pensant des cornettes qui ne disent pas leur nom. On a réinventé la roue, c’est fabuleux.

 

Etonnant, non ? C’est dans cet endroit supposément plein d’ouverture et de sollicitude qu’on trouve maintes attitudes abusives-en-toute-bonne-conscience. Y compris de confondre familiarité et approche humaine professionnelle…

 

 

Du bisounours fielleux, somme toute. Une hostilité larvée envers ceux qui sortent du cadre, d’une manière ou d’une autre.

 

Et comment faire prendre conscience de tout ça à des gens qui jouissent de l’aura étincelante de celui qui accomplit le travail réputé le plus difficile, le plus émotionnel qui soit ? Laisse-béton, ils sont si sûrs de bien faire, de faire "juste" !

Heureusement que l’architecture du lieu est large, et les passages vastes : il faut que les têtes et les chevilles puissent y enfler à l’aise.

 

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